Efficacité du CICE : cinq risques à considérer

Quels sont les éléments à prendre en considération pour évaluer l’efficacité escomptée du premier mécanisme français en faveur d’une politique de l’offre ?

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Efficacité du CICE : cinq risques à considérer

Publié le 21 mars 2014
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Par Sylvain Fontan.

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Alors qu’il est question en France de s’engager sur la voie de l’économie de l’offre, il convient de revenir sur les éléments à prendre en considération concernant l’efficacité escomptée du premier mécanisme allant dans le sens de l’économie de l’offre, à savoir le CICE (Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi).

 

Résumé

Le CICE contribuerait à une reprise de la compétitivité prix des entreprises françaises exportatrices et à une création nette de 300 000 emplois en France.

Ce dispositif pourrait néanmoins voir son efficacité limitée par de mauvaises prévisions financières (anticipation de résultat et masse salariale) et de mauvaises conditions de refinancement auprès des intermédiaires financiers (taux d’intérêt et prime de risque).

L’efficacité du dispositif pourrait enfin se confronter à un décalage temporel important entre la mise en place administrative du dispositif et son versement contraignant l’attractivité de cette incitation fiscale auprès des entreprises.

 

Le principe du CICE

Le CICE (Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi) est la mesure principale issue du rapport Gallois, remis au gouvernement en novembre 2012 comme réponse à la perte de compétitivité-prix des entreprises françaises. L’idée initiale de ce crédit d’impôt est d’alléger le coût de travail pour obtenir une meilleure compétitivité-prix favorable à la stratégie de croissance par les exportations des entreprises. Au final, cela pourrait créer 300 000 emplois en France selon les déclarations ministérielles officielles. Dès lors, l’amélioration de la compétitivité est perçue comme un moyen de développement de l’emploi en France.

Un crédit d’impôt sert à orienter le comportement d’un agent économique via une incitation fiscale. En pratique, cela se traduit par une diminution fiscale qui peut prendre des formes différentes : réduction d’impôts ou remboursement d’impôts. Dans le cas du CICE, le principe est de calculer un crédit d’impôt de 4% pour les salaires inférieurs à 2,5 SMIC, autrement dit sur les salaires inférieurs à 3875 euros brut par mois. En échange de cette réduction d’impôts, les entreprises doivent réaliser des investissements susceptibles d’améliorer leur compétitivité prix. Le montant du CICE sera normalement porté à 6 % en 2015 et devrait représenter environ 20 milliards d’euros de crédit au total sur trois ans.

Au final, le gouvernement prévoit que le CICE créera 300 000 emplois nets (400 000 emplois créés corrigés des 100 000 emplois détruits à cause de son financement). Il devrait apporter 1 % de croissance économique supplémentaire (PIB) et bénéficier essentiellement à l’industrie, à hauteur de 4,4 milliards d’euros, et au commerce, à hauteur de 3,7 milliards d’euros.

Le gouvernement a voulu lancer le CICE dès janvier 2013, mais son financement réel ne pourra commencer à être effectif qu’à partir de 2014 en raison de l’application à cette date de la TVA (qui représente 50 % du financement du CICE) et de la baisse des dépenses publiques (50 % également). Dès lors, le ministère de l’Économie a développé un système d’avance sur crédit d’impôts qui peut se résumer dans sa forme la plus simple comme ceci :

1. Tout d’abord, l’entreprise doit déterminer en début d’année le montant des impôts qu’elle devra payer en fin d’année sur la somme des salaires inférieurs à 2,5 SMIC afin d’effectuer sa demande de crédit d’impôt.

2. Ensuite, l’État n’ayant pas les moyens de financer cette mesure directement, fait appel à l’intermédiaire des banques. L’entreprise qui fait appel au CICE doit donc demander à une banque commerciale de lui accorder la somme qui correspond au montant auquel elle estime pouvoir bénéficier au titre du CICE relativement au bénéfice 2013, mais payable en 2014.

3. Puis, la banque commerciale accorde un crédit à l’entreprise en anticipant le remboursement de l’État. La banque commerciale fait payer son service en appliquant un taux d’intérêt. Mais ce n’est pas l’entreprise qui rembourse la banque commerciale, mais l’État sur lequel la banque commerciale détient alors une créance. Une fois le financement assuré, l’État ne remboursera donc pas les entreprises mais les banques commerciales qui auront donné la somme nécessaire au financement du CICE.

 

Le dispositif CICE pourrait être inefficace pour cinq raisons

La première raison est le décalage temporel de cette mesure. En effet, alors que les problèmes de compétitivité et de trésorerie auxquels sont confrontées les entreprises sont immédiats, le mécanisme du CICE fait qu’il y a nécessairement un décalage entre le moment où la demande est effectuée et le moment où les fonds sont débloqués, ce qui peut encore alourdir les difficultés par un fonds de roulement plus exigeant.

La seconde raison porte sur l’engagement de l’entreprise à effectuer un « effort » d’investissement dont la définition reste en suspens. En effet, il n’est pas précisé si c’est le montant total des investissements qui sera important ou l’évolution des dépenses d’investissements. Autrement dit, une entreprise qui avait déjà beaucoup investi dans le passé ne sera pas nécessairement considérée comme fournissant un effort d’investissement significatif si les investissements les plus importants ont déjà été effectués. Inversement, une entreprise qui n’a jamais investi mais qui investit aujourd’hui pourra être considérée comme produisant un effort d’investissement important.

La troisième raison est d’ordre comptable. Le CICE prend en compte le travail salarié à temps plein, sans absence et sans heure supplémentaire donc plafonné à 35 heures par semaines (soit 1820 heures par an maximum). Dans le cas de salariés à temps partiel, qui ont pu être malades ou qui ont effectué des heures supplémentaires, le calcul peut s’avérer complexe. Dès lors, les très petites entreprises (TPE) peuvent ne pas disposer des moyens nécessaires (ressources humaines, service comptable) à la bonne quantification du CICE au vu des mouvements sur leur masse salariale. Un risque auquel s’ajoute l’incertitude liée aux prévisions sur les revenus anticipés par les entreprises sur l’année en cours, et pris en compte pour l’application du CICE.

La quatrième raison est liée au fait de pouvoir bénéficier du CICE uniquement pour les salaires inférieurs à 2,5 SMIC, une condition susceptible de créer un effet de seuil. L’employeur risque ainsi de repousser ou annuler des augmentations de salaires qui pourraient faire passer certains employés dans la tranche salariale supérieure, et ainsi l’empêcher de bénéficier du CICE. Dès lors, l’employeur sera incité à conserver une échelle des salaires plus basse. Un second risque serait de limiter le nombre de salariés bénéficiant d’une participation aux bénéfices par facilité comptable dans la prise en compte de la masse salariale avant et après imposition.

Enfin, la cinquième raison est que le dispositif CICE a trois types de coût pour l’entreprise. Le premier est un coût d’opportunité lié à la compréhension et la mise en place du dispositif. Le second coût est bancaire puisque le fait de passer par une banque commerciale implique nécessairement des frais bancaires et le paiement d’un taux d’intérêt qui peuvent, au final, annuler ou diminuer l’intérêt fiscal du CICE. Le troisième coût est financier puisque, au cas où l’entreprise aurait mal estimé le montant de son CICE, l’État a annoncé qu’il se désengagera, faisant ainsi peser le risque de non remboursement sur la banque commerciale. Dès lors, les banques commerciales demandent des taux plus élevés pour se prémunir contre ce risque de non garantie qui augmente la prime de risque.

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  • En filigrane je vois dans cet article l’expression « usine à gaz », c’est certainement du mauvais esprit de ma part.

    En tout cas excellent article signé par quelqu’un qui connait le sujet et est capable de le résumer clairement (et ce n’est pas si courant que ça)

  • Vous oubliez une sixième raison, pourtant fondamentale : un « cadeau » de 10… ne pèse pas lourd si on vous vole par ailleurs 50 !

    Exactement le même phénomène que pour le Crédit impôt recherche : les sociétés qui le réclament sont systématiquement… victimes d’un contrôle fiscal… Le Fisc tentant de reprendre par tous les moyens ce qu’il a « donné » par ailleurs.

    Et enfin, la septième raison, la plus importante : la situation économique se détèriore, contrairement aux clowneries proférées par Hollande, Cazeneuve et Moscouvici, et tous leurs complices.

    Dès lors… les entreprises n’embaucheront pas.

    Et même mieux : elles continueront à détruire des emplois.

    Donc l’effet du CICE qui est déjà ridicule sur le papier, deviendra pour le coup… invisible. Trou noir. De l’antimatière.

    Bref, un ratage absolu, comme tout ce qui sort du cerveau malade des socialistes, de gauche ou de droite.

  • « 3. Puis, la banque commerciale accorde un crédit à l’entreprise en anticipant le remboursement de l’État. La banque commerciale fait payer son service en appliquant un taux d’intérêt. Mais ce n’est pas l’entreprise qui rembourse la banque commerciale, mais l’État sur lequel la banque commerciale détient alors une créance. Une fois le financement assuré, l’État ne remboursera donc pas les entreprises mais les banques commerciales qui auront donné la somme nécessaire au financement du CICE. »

    For real?

    C’est pas encore un truc du Gorafi? 😀

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