Ghana : Quelles perspectives et quel bilan après le discours présidentiel sur l’état de la nation

Analyse du deuxième discours sur l’état ​​des affaires de la nation prononcé par John Mahama le 25 Février 2014.

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Ghana : Quelles perspectives et quel bilan après le discours présidentiel sur l’état de la nation

Publié le 21 mars 2014
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Un article d’IMANI Ghana.

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Avant toute analyse du discours qu’a prononcé le président sur l’état des affaires, il faut peut-être revoir les constituants d’un tel discours et pour quelles raisons. Le discours sur l’état des affaires de la nation, en Anglais « state of the nation address » est une obligation constitutionnelle (article 67 de la Constitution de 1992), exécutée par le Président de la république chaque année, et l’une des rares plateformes par lesquelles le président est obligé à communiquer avec les populations ghanéennes. Étant une telle occasion rare de communication avec les Ghanéens, le discours sur l’état des affaires de la nation doit en principe :

  1. Donner un compte rendu sur l’avancement des projets promis dans le discours de l’année précédente,
  2. Informer les populations sur les initiatives à venir ou qui viennent d’être entreprises, et
  3. Donner un repère sur l’avenir du pays et de ses populations.

Analyses et revues des comptes rendus du président sur ses promesses prononcées en 2013 

1. Éducation

Tout d’abord, l’initiative du gouvernement de remplacer les allocations autrefois données aux enseignants en formation avec un prêt d’affectation spéciale est une action méritante et même chose doit être faite dans d’autres domaines de la gouvernance du pays. Toutefois, le président apparait vague sur la question du manque d’enseignants dans certaines régions du pays en ce qui concerne les stratégies de résolution de ce fléau. Les statistiques de l’actuel rapport sur le nombre d’enseignants par élèves dans les zones urbaines, périphériques et rurales devraient être présentées. L’absence de ces détails dans la présentation du président sur cette question donne cours au manque de confiance dans les solutions proposées.

Le président a critiqué les établissements d’enseignement supérieur privés d’avoir mis l’accent sur la course au profit, sans effort sur la pédagogie dans leur fonctionnement. Selon lui, « c’est une des causes de la croissance rapide du chômage des étudiants », non seulement au Ghana mais dans toute l’Afrique. Il y a des régulateurs, des agences gouvernementales qui sont payés à fournir des solutions efficaces à tous ces problèmes. De toute évidence, ils ne sont pas parvenus à les résoudre. De ce fait, ce que le Président pointe du doigt, il devrait en être tenu pour responsable.

2. La jeunesse

Le président a présenté une liste des universités qui ont vu leurs effectifs augmenter au cours de ces dernières années. La croissance en effectif sans perspectives d’emploi est la preuve que l’augmentation du taux de scolarisation n’est pas la solution aux problèmes. En 2013 et 2014, le Président a indiqué que des recherches seraient menées pour comprendre les exigences du marché de travail. Toutefois, les effectifs ne cessent d’augmenter et le chômage continue d’être un mal. Alors quelle est la solution du président ? L’initiative « Youth Enterprise Support » (YES).

Ceci engendre beaucoup d’interrogations. Trouver une solution pour le chômage nécessite d’abord l’élaboration d’objectifs réalistes et réalisables pour le pays, d’identifier les ressources humaines nécessaires pour atteindre ces objectifs, et par la suite le renforcement de l’éducation dans ces domaines. Il faut donc poser la question de savoir : quels sont les objectifs à long terme pour ce pays ?

3. Économie

Qualifier l’économie ghanéenne de dynamique et vibrante est une erreur… pour de nombreux Ghanéens qui ont perdu leur emploi dans le secteur minier, et les innombrables jeunes chômeurs, ou les industries qui investissent dans 100 camions-citernes d’eau par jour afin de maintenir leurs entreprises à flot. En outre, le discours du président manque de directions sur les stratégies à adopter pour permettre la transition du pays de l’actuel statut inférieur de revenu moyen en statut de revenu moyen – c’était un discours d’idées et non celui qui présente des stratégies de développement économique.

Savannah Accelerated Development Authority (SADA) & le « Western Corridor Development Authority »

Dans le discours de 2013 sur l’état des affaires de la nation, le président avait promis aux Ghanéens que son gouvernement allait mettre en place une usine de karité à Buipe, une usine de traitement de riz à Nyankpala et une usine d’huile végétale à Tamale. D’autres promesses comprennent des plantations qui compteront 5 millions d’arbres dans les régions du Nord à l’aide du programme SADA et maintenir un taux de croissance moyen de 8%. Dans son discours de cette année, le président a négligé la mention des différentes usines agro-industrielles et le programme SADA. Nous ne pouvons que spéculer que c’était délibéré, à cause des révélations de corruption massive dans lesquelles était noyé le programme l’année dernière.

4. Agriculture

Le discours présidentiel de 2013 sur l’état des affaires de la nation avait proposé la fourniture de 2000 nouveaux tracteurs (pour l’exécution des projets), la construction du barrage Sissili – Kulpawn & Pwalugu, la création d’un centre qui offrirait des enseignements sur la pêcherie à Anomabo, et le paiement de 70% du marché mondial du cacao aux agriculteurs comme des initiatives que son gouvernement avait l’intention de mettre en œuvre dans l’année civile 2013. Le président n’a pas donné de comptes-rendus sur ces promesses dans son discours de cette année.

5. Industrie & Production

Le président avait promis :

  • de revoir la structure fiscale du Ghana pour réduire les impôts payés par les industries,
  • de créer un fonds de développement industriel,
  • de fournir des terrains à Takoradi, Tema, Kumasi et Tamale pour la mise en place et le développement des zones industrielles
  • et d’achever les travaux sur ​​l’usine d’engrais à Nyankrom.

Là encore, le président a omis de donner des comptes-rendus sur ces activités. Mais les discussions qu’a eu IMANI avec les leaders industriels du secteur privé l’an dernier ont révélé que de nombreuses entreprises ont eu à payer un taux d’imposition de 35% sur leurs revenus.

Sur la question du renforcement de la valeur du Cedi ghanéen, l’augmentation des exportations et la diminution des importations ont été une préoccupation majeure pour le pays. Une des stratégies énoncées par le Président était de commencer la production de sacs de jute dans le pays.

Les populations ghanéennes s’attendent à ce que le gouvernement accorde une valeur à l’argent des contribuables. Il faut donc limiter les dépenses du gouvernement. Ainsi, il est important que les systèmes nécessaires soient mis en place pour encourager la consommation des produits manufacturés au Ghana. Le problème de l’industrie ghanéenne est l’absence d’un environnement favorable pour être en mesure de produire et de fabriquer à la concurrence nationale et internationale. Il faut vraiment éviter de « tremper les mains dans n’importe quel pot » sous prétexte de stimuler la concurrence industrielle. Ce qu’il faut faire c’est développer et optimiser les domaines déjà en existence… des domaines qui donneront au pays un avantage concurrentiel.

6. infrastructure

Le Ghana fait actuellement face à un problème d’approvisionnement régulier d’eau. Le président a manqué d’assurer que les localités telles que Adenta, Haatso et Madina auraient bientôt un approvisionnement régulier d’eau. Dans un autre domaine de l’infrastructure, cette année,  d’ailleurs comme l’année précédente, le président a oublié de donner les avancées sur le projet de construction des routes.

Dans le secteur de l’énergie, le président avait promis lors de son discours de 2013 la création d’un centre de développement des entreprises dans la région de l’Ouest et la réorganisation de la compagnie de stockage des produits pétroliers (Bulk Oil Storage Company) en vue de bien jouer son rôle stratégique dans le stockage et la distribution des produits pétroliers dans le pays. Le président n’a pas fourni des comptes-rendus sur les progrès sur cette question. Toutefois, il a commenté les avancées de la capacité de production électrique du pays. Un ajout de 534 MW à la capacité de production électrique, ce qui fait un total de 2845 MW en 2013. Il a énuméré quelques projets actuellement en cours qui ont pour but de générer 5000MW en ajout à la présente capacité de génération. Il faut revoir les systèmes ineptes et mener des réformes qui permettront au Ghana de sortir de l’actuelle crise énergétique…

7. Gouvernance : Transparence et responsabilité

Lors de son discours de 2013 sur l’état des affaires de la nation, le président avait promis de :

  • mettre en fonction des mécanismes de suivi et d’évaluation des politiques publiques et programmes,
  • de fournir aux députés des ordinateurs portables pour leur permettre de se connecter à leurs électeurs et
  • d’établir un Fond pour la démocratie en vue de fournir un financement durable au Parlement et d’autres institutions de gouvernance indépendantes.

Une fois encore pas de comptes-rendus sur le progrès de ces initiatives. L’année civile 2013 s’est achevée par une série d’allégations de corruption. Ces scandales qui ont coûté très cher au pays  – et il n’y a pas de mécanismes pour récupérer les sommes colossales perdues ?

Dans l’ensemble, le président a réitéré que les « fondamentaux économiques » pour la nation restent solides pour l’année 2014 et l’atteinte des objectifs à moyen terme prometteuse. Cette déclaration est une distorsion de la situation actuelle, à moins que le président faisait allusion à un moment dans le passé.

Des informations sur la transparence et la gouvernance font cruellement défaut. Par ailleurs, le Président a prié le procureur général de « défendre vigoureusement toutes les actions intentées contre l’État ». Cette déclaration suggère aux populations ghanéennes que le procureur général n’est pas clair sur la description de son travail.

Le président a souligné que le Code de déontologie des travailleurs de service public a été achevé et est déjà en vigueur…

En outre, le Président a insisté sur le Plan d’action et de stratégie national de lutte contre la corruption, y compris la lutte contre le blanchiment d’argent ; la conduite des personnels de service public entre autres.

Il est ironique, ou plutôt regrettable que la partie du discours consacrée à la question de la décentralisation était intitulée « Approfondir la centralisation ». Ceci est révélateur du fait que le gouvernement n’a pas d’intention claire sur l’expansion du programme de décentralisation dans le pays. Le Président n’a pas parlé de la démocratisation de la plupart des pouvoirs qu’il exerce actuellement : la démocratie ghanéenne à l’épreuve…

Il serait appréciable qu’il y ait des engagements plus concrets au sujet de transparence et de la gouvernance, en vue d’améliorer la situation ghanéenne.

Conclusion

En 2014, les Ghanéens peuvent s’attendre à l’ouverture de grands projets. Alors que ce n’est pas en principe une mauvaise chose, nous en savons peu sur les projets existants, en raison du mauvais état de la gouvernance dans le pays. L’absence d’un environnement favorable, comme l’approvisionnement régulier d’eau, l’électricité ininterrompue entre autres, ne permet pas d’obtenir le plein potentiel de ces services… Le discours n’est pas un cas isolé dans son approche de la résolution des problèmes du pays. Le discours du président, non seulement manquait de profondeur et de logique, mais il a également été mal livré, ponctué notamment par plusieurs fous rires et blagues malvenus. Il est crucial que les Ghanéens luttent pour obtenir une plus haute forme de liberté économique – c’est-à-dire ne pas tout attendre de l’État…

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  • « La croissance en effectif sans perspectives d’emploi est la preuve que l’augmentation du taux de scolarisation n’est pas la solution aux problèmes. »

    Ah ouais non mais là c’est pas gagné, en France on y est encore là dessus: des milliards et des milliards pour la formation! Du coup on a plus de personnes qualifiées que de postes, vu que tout le monde veut être directeur, avocat ou psychologue…

    Cela dit, on a les chômeurs les plus diplômés au Monde, ce qui est une fierté! Sans parler de nos caissières bac+5!

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