Les politiciens, des êtres infaillibles ?

Les politiciens seraient-ils des boy-scouts en costume Armani ?

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Les politiciens, des êtres infaillibles ?

Publié le 19 février 2014
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Par Fabrice Copeau.

neo matrixOn pare souvent les hommes et les femmes politiques de toutes les vertus. Ils sont certes peu aimés par les citoyens, nous dit-on, mais ceci serait profondément injuste. Selon le poncif éculé, pour être élu, il faudrait en effet faire preuve de vertus rares et exigeantes : le courage, la ténacité, le sens de l’intérêt général, le dévouement. Et même s’il y a – comme partout ! – quelques brebis galeuses sinon gâteuses, l’écrasante majorité des élus ferait son job dans un altruisme de tous les instants. Les politiciens seraient des boy-scouts en costume Armani.

Cette parabole n’est pas sans charme. Elle a toutefois un petit défaut. Elle est parfaitement fausse.

Les hommes et les femmes politiques sont des gens certes comme les autres, avec leurs qualités et leurs défauts. Mais les fonctions qu’ils détiennent, ou auxquelles ils aspirent, les conduisent à exercer un pouvoir tutélaire sur le servum pecus, le troupeau servile, que nous constituons1. Et ce n’est précisément pas Monsieur ou Madame tout le monde qui rêve nuit comme jour de confisquer, pour son usage propre, un tel pouvoir exorbitant. Fort heureusement pour nous, d’ailleurs.

Il est grand temps désormais de déconstruire tous ces mythes qui sentent le rance et le moisi. De faire entrer Godzilla, le dinosaure géant de l’ère nucléaire, dans le champ de bataille. Qu’il réduise en bouillie les orgueils politiciens construits sur l’autel de nos libertés. Comme le Rubempré de Balzac, il est grand temps d’ouvrir les yeux sur nos illusions perdues. D’aiguiser sur le cœur des politiciens le poignard de la dure réalité.

Le premier mythe que les hommes politiques incarnent, c’est celui de l’infaillibilité. On sait déjà, depuis les légistes de l’Ancien Régime et le roi Anglais Charles Ier, que « le Roi ne peut mal faire ». Les élus d’aujourd’hui sont les héritiers en ligne directe de ce vieil adage. Les illustrations ne manquent pas. C’est Napoléon réglementant la Comédie-Française en pleine campagne de Russie, c’est l’immunité et l’impunité parlementaire de Serge Dassault, c’est l’inviolabilité du président de la République, protégé de tout, sauf du ridicule. En toute circonstance, le politicien, sans doute massivement bombardé de rayons gamma comme le héros de Marvel, est réputé par définition infaillible, omnipotent et omniscient. Ce n’est pas l’élu mandaté par le peuple, c’est Néo, l’Élu de Matrix. Une sorte de lumière cosmique planerait au-dessus de la tête de nos politiciens, les rendant ipso facto plus intouchables encore que leurs augustes homonymes Indous.

L’idéal-type de l’élu infaillible est d’origine ancienne. On le trouve dans les utopies et uchronies des XVII et XVIIIe siècles. Chez Thomas More d’abord, qui baigne la vie des Utopiens dans un océan de despotisme. On ne doit pas se marrer bien souvent lorsque la vie privée, les jeux, l’adultère, l’enrichissement, l’humour, sont des vices bannis et qui mettent en danger la vie même de celui qui s’y livre. On imagine aisément Fouquier-Tinville maire, Saint Just ministre de l’Intérieur et Torquemada président du Sénat. Ce n’est pas un hasard du reste si More a été béatifié et canonisé par l’Église catholique. On a les idoles que l’on peut.

Un exemple encore plus parlant est fourni par Tommaso Campanella. Ce moine dominicain a publié une sympathique fable, La Cité du Soleil, en 1602, 86 ans après L’Utopie de More. Elle symbolise au plus haut point l’infaillibilité des dirigeants. Campanella est une sorte de fou mystique, extrémiste théocratique qui fait peur à l’Église de Naples elle-même, qui le répudie et l’enferme. Et c’est en détention, comme Sade, que Campanella imagine sa Cité idéale. À l’occasion d’un dialogue entre un marin génois et un chevalier de l’Ordre de Malte, il expose son monde idéal, délirant et pourtant promis à un bel avenir. Avec une économie totalement étatisée et planifiée, une société qui pratique l’eugénisme, Campanella imagine un pouvoir confié à des chefs infaillibles, sortes de demi-dieux omniscients, qui vomissent les lois comme d’autres l’alcool frelaté. Ne reculant devant rien, y compris l’humiliation des sodomites condamnés à marcher la tête en bas, on pourrait se contenter d’un haussement d’épaule devant de tels délires.

Il n’empêche que cette vision idyllique – et un brin risible – des gouvernants, a connu une immense postérité. Il n’est qu’à lire la prose des extrémistes de la volonté générale et du contrat social que personne n’a jamais vu ni signé, Rousseau bien sûr, mais aussi Mably, Saint-Simon, Fourier ou Cabet, pour mesurer l’influence de ces sympathiques pisse-copies sur le modèle républicain contemporain. Comme le disait Henry Mencken, « le pire des gouvernements est souvent celui qui est le plus moral. Un gouvernement de cyniques est souvent très tolérant et très humain. Mais quand des fanatiques gouvernent, il n’y a pas de limite à l’oppression. »


Sur le web.

  1. Horace, Épîtres, I, XIX, 19. Voir Ludovic Delory, Silence, les agneaux, L’État décide pour vous, Luc Pire, Bruxelles, 2010, pour une illustration contemporaine.
Voir les commentaires (16)

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  • les politiciens sont surtout des êtres fragiles ; comme ils sont malhonnêtes et que chacun connait peu ou prou les malversations , magouilles et mensonges des autres , ils se tiennent tous par la barbichette , jamais à l’abris d’un chantage , qui les oblige à faire ce qui leur est commandé ou sinon……..

  • Merci !

    On peut dire aussi que ce sont des gros BB irresponsables, mal élevés, des enfants rois.
    Qu’une grosse tape sur les fesses serait nécessaire rapidement.

    Le problème est qu’il y a un peuple de veaux qui bave la bouche ouverte. Une perfusion d’alloc dans chaque bras. Des promesses de société paradisiaque aux crédits des futurs enfants.
    Et le « peuple » continue à aimer cela.

    Enlever la légitimité aux hommes de pouvoir, il ne reste qu’un tas de poussière. Pour cela, il faut un peuple qui se prenne en main.

    NE VEAUTEZ PLUS ! Restez chez vous, « peuple ». C’est le mieux que vous puissiez faire.

  • Il y a beaucoup à dire sur les hommes politiques, sur leur pseudo compétences, sur cette idée bête mais très répandue en France que les idées viennent d’en haut, qu’en bas on exécute, des connivences, des pressions, de leur cupidité, du sectarisme, qu’ils sont aussi de bien petites personnes à la courte vue et aux intentions rarement altruistes ….

    Je reste, un peu, sur ma faim.
    Dommage que peu de français se renseignent vraiment sur qui sont leurs leaders. Beaucoup d’électeurs votent encore en fonction des médias.

    Un très bon point pour le « troupeau servile », peu de gens réalisent vraiment qu’ils gagnent ce qu’on veut qu’ils gagnent et possèdent ce qu’on veut qu’ils possèdent, et font ce qu’on veut qu’ils fassent, jusque dans leur propre tête, ils ne se rendent pas compte que les idées qu’ils ont ne leur appartiennent même pas.

    Comment imaginer un monde libéral quand les pensées de la majorité des gens sont contrôlées par d’autres, si bien que, même dans leur tête, le peuple n’est pas libre.
    Alors, comment pourraient ils l’être dans la vie?

    • La liberté individuelle, ce n’est pas le libre arbitre. Si on peut faire ce qu’on veut, on ne veut pas ce qu’on veut.
      La liberté individuelle, c’est ne pas mettre des entraves pour réaliser votre volonté, pas émanciper votre volonté de l’influence de la société.

  • Ce n’est effectivement pas un hasard si Saint Thomas More a été canonisé et ça n’a pas grand chose à voir non plus avec le « De optimo rei publicae statu, deque nova insula Utopia » (qu’on aurait de tout façon tort de prendre au 1er degré, c’est une satire). Il a été canonisé pour s’être opposé à Henri VIII, ce qui lui a coûté la vie. C’est un contresens flagrant d’en faire l’exemple de l’infaillibilité des gouvernants.

  • « Ce n’est pas un hasard du reste si More a été béatifié et canonisé par l’Église catholique. On a les idoles que l’on peut. »

    Quelle phrase stupide. More n’a pas été canonisé pour son livre « L’Utopie  » mais pour sa résistance à Henry VII.

    • Il ne s’est en rien opposé au pouvoir royal, il n’est en rien en défenseur de la liberté individuelle (ce qui serait un contresens total, je maintiens mon propos et je doute que l’Utopie soit une satire).

      C’est le divorce d’Henry VIII qu’il a refusé. Le pouvoir royal ne lui posait aucun problème en tant que tel, mais exclusivement en ce qu’il faisait de l’ombre au pouvoir de l’Eglise.

      • Je n’écris nulle part que Saint Thomas More fut un défenseur de la liberté individuelle. Vous interprétez mal mon propos. (Peut-être devriez-vous publier d’ailleurs sur contresens plutôt que sur contrepoints).
        En revanche, vous en faites un défenseur de l’infaillibilité des élus, ce qui implique une infaillibilité du roi en matière de divorce. Ça ne manque pas de piquant.

        Pour l’Utopie, ce genre de récit (qui a notamment inspiré Voltaire dans Candide) qui met en avant les vertus des dirigeants (et des sujets) d’une société qui ne peut pas exister sert en général à mettre en lumière les défauts de la société dans la quel vit l’auteur.

    • Au passage l’évocation de l’Eglise est une pure provoc, assumée. Elle n’apporte rien au raisonnement, bien évidemment.

      • Non seulement elle n’apporte rien mais elle nui même à la crédibilité de l’ensemlbe. quitte à provoquer, faites le intelligemment.

  • Une première approche de solution serait peur-être de les mette en concurrence :
    – réduire leur nombre dans les assemblées
    – exiger la division par 2 du nombre de ministres
    – choisir les non affiliés et les dissidents

  • Bien intéressant, et j’aimerais y ajouter le fruit de mes dernières lectures …

    Vu comme cela More est antipathique et on lui attribue d’ailleurs initialement des persécutions de protestants. Pourtant il y a aussi le More qui s’oppose vertueusement au roi, inspirant le chef d’oeuvre « Man for all Seasons »…
    On sent que ce n’est donc pas lui directement le 1er responsable de la persévérance d’une telle utopie étatique dans l’inconscient collectif.

    En somme le mythe du « sénateur vertueux » est bien plus ancien si l’on se rappelle la brillance décrites en Grèce déjà sous Aristote (en tout cas d’Après H. Arendt): la politique, le verbe, et l’action humaine étant les domaines constitutifs du « bien public » qui ne souffraient idéalement aucune faiblesse certes, mais qui se devaient en échange d’être tout à fait séparés de la propriété privée.

    C’est en effet dès le moyen âge et suite à l’influence de l’Eglise chrétienne, que cette distinction ambitieuse se mit à vaciller. Des viles nécessités contingentes qu’étaient à l’époque, la gestion économique, la morale sexuelle, ou le rite religieux, ont envahi la sphère publique, rendant sa perfection de plus en plus improbable, tout en minant une des fondations archaïques de la propriété privée!

    • Le mythe du politique vertueux se trouve aussi chez Thucydide décrivant les vertus de Périclès.

      Mon propos n’est pas ici de faire de More l’incarnation de l’infaillibilité des élus. Les exemples abondent, et j’aurais pu tout autant citer Platon, comme Popper dans la Société ouverte et ses ennemis. Mais de là à en faire un défenseur de la cause individualiste, il y a un océan que je ne franchirai pas !

  • Tant que je suis sur vos contresens, M. Copeau,

    Vous en faites un aussi sur l’immunité parlementaire et l’inviolabilité présidentielle. Leur but est d’éviter qu’une enquête vienne (suite à un mauvais hasard) perturber le vote d’un texte ou le travail de exécutif. Ni les parlementaires, ni le chefs de l’État ne sont au-dessus des lois. Seulement, toute action contre eux doit attendre la fin de leur mandat. Ce n’est certes pas parfait, mais ça nous évite une République des juges qui serait pire. A moins que vous ne croyiez à l’infaillibilité des juges … mais j’en doute.

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