Corée du Nord : un paradis communiste pour personne

La Corée du Nord montre le vrai visage de l’élite dans un pays authentiquement communiste.

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Statues de Kim Il Sung & Kim Jong Il à Pyongyang, Corée du Nord (Crédits J.A. de Roo, licence Creative Commons)

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Corée du Nord : un paradis communiste pour personne

Publié le 8 janvier 2014
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Par Stéphane Montabert.

Statues de Kim Il Sung & Kim Jong Il à Pyongyang, Corée du Nord (Crédits J.A. de Roo, licence Creative Commons)Tout a été dit, semble-t-il, sur la Corée du Nord. 24 millions d’habitants survivant sous le joug de Kim Jong-un, dernier avatar despotique de la dynastie régnante de cette contrée dévastée, vivant dans un univers kafkaïen où le moindre faux-pas peut emporter une famille dans la déportation et la mort. Le mélange de totalitarisme orwellien et de despotisme soviétique semble imperméable au passage du temps ; seules les frasques du nouvel héritier brisent la chape de silence recouvrant le pays, récoltant une attention médiatique démesurée.

Il est sans doute choquant d’affirmer que la Corée du Nord soit à la mode, bien que ce soit le cas. On s’intéresse à elle, à son parfum d’exotisme rance, à son totalitarisme maîtrisé. La Corée du Nord, pour le touriste occidental, c’est le frisson du danger contenu, l’univers parallèle à portée de main, le parc d’attraction paléo-communiste où on essaye de voler quelques images du réel et de tourner en bourrique son accompagnateur assigné en lui faisant avouer l’absurdité de son environnement.

C’est très amusant.

Les Nord-Coréens ne le vivent probablement pas de cette façon. Pour eux, la vie n’existe pas, il n’y a que la survie. Marcher droit. Ne pas se faire remarquer. Essayer d’avoir de quoi manger. Se méfier absolument de tout, les espions à la solde du régime étant partout. La sincérité est un concept totalement impensable pour un Nord-coréen, même dans un cadre familial. Derrière le touriste occidental apprenant maladroitement la cérémonie de dépôt de fleur devant les statues gigantesques de Kim Il-sung et Kim Jong-il sur la colline Mansu qui domine Pyongyang, se cache peut-être un agent chargé de vérifier la sincérité du guide envers le régime. Comment le savoir ?

L’idée selon laquelle les Nord-Coréens croient au discours officiel est absurde, même si elle a la vie dure. L’exemple de la Corée du Nord permet de démonter une deuxième idée fausse, encore plus répandue : la perspective d’une nomenklatura vivant confortablement à l’abri des misères du petit peuple. Ne prenons pas cette hypothèse à la légère, elle a conduit sur le chemin du communisme des générations d’intellectuels persuadés qu’ils intègreraient l’élite du nouveau régime qu’ils appelaient de leurs vœux. Le terme d’idiot utile a été spécialement inventé pour eux – des gens contribuant volontairement et délibérément à l’émergence d’un État voué à les broyer.

Il existe bien entendu des gens à l’abri du besoin en Corée du Nord, jouant de leur pouvoir pour s’assurer une existence matérielle confortable. Pourtant, ils sont loin, très loin du bonheur.

Nous en avons un aperçu à travers la polémique médiatique du moment. Les médias s’interrogent : Kim Jong-un a-t-il fait liquider son oncle Jang Sung-taek par une meute de 120 chiens affamés, ou non ? Pourtant, cette question est totalement sans importance. Numéro deux du régime et tuteur du dictateur en place, il était probablement une crapule de la pire espèce méritant chaque seconde de son supplice. Mais là encore, ce n’est pas l’essentiel. Pour comprendre vraiment de quoi il retourne il suffit d’examiner une petite photo prise lors des funérailles de Kim Jong-il.

Prise le 28 décembre 2011, elle montre la tête du cortège funéraire. Entourant le corbillard, le nouveau venu Kim Jong-un et le « gang des sept », soit les sept plus hauts dirigeants du pays. Qu’est-il advenu d’eux en deux ans ?

  • Jang Sung-taek, officieux numéro deux du régime et oncle de Kim Jong-un, a été publiquement arrêté avant d’être exécuté, peut-être dévoré par des chiens.
  • Ri Yong-ho, chef de l’état major de l’armée, est présumé mort.
  • Kim Yong-chun, vice-maréchal de l’armée, a été dégradé avant de disparaître.
  • Kim Jong-gak, ministre des forces armées, a été limogé avant de disparaître.
  • U Tong-chuk, chef de la sécurité de l’État, a disparu.

 

Restent toujours en place Kim Ki-nam, chef de la propagande, et Choe Tae-bok, président fantoche de l’assemblée populaire. On dit qu’ils ont des difficultés à trouver le sommeil.

La Corée du Nord montre le vrai visage de l’élite dans un pays authentiquement communiste : chacun complote à son niveau et place les pions qu’il peut avant de se faire physiquement éliminer à son tour et de voir son réseau démantelé par des purges, jusque dans les ambassades à l’étranger.

Rappelons pour mémoire que même Kim Jong-il, le père du dirigeant actuel, n’eut d’autre choix que de mettre son fils à l’abri en Suisse sous une fausse identité, ce qui en dit long sur sa sérénité relative. Kim Jong-un est paraît-il le père d’une petite fille, Ju-Ae ; osera-t-il la laisser grandir au pays ?

Nul être sain d’esprit ne saurait vivre heureux dans un pays communiste, quelle que soit sa place dans la pyramide du pouvoir. Même au sommet.

Le paradis communiste n’existe pas, pour personne.


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  • Bonjour
    Je me rappelle lors de la chute des pays de l’est des reportages sur les datchas des dirigeants, en fait c’était de sordides maisons avec des papiers peints des années 50 et des fauteuils du même acabit.
    Gorbatchev et surtout sa femme adoraient l’occident et son luxe (et celui des dirigeants).

  • Bon article à envoyer à la figure de ceux qui disent que le communisme n’a jamais été véritablement mis en place.

    • Un régime communiste c’est un régime sans état. Donc la Corée du nord n’est pas communiste.

      • Sauf que tout collectiviser sans Etat… Marx était fort pour lancer des idées, pour en produire des crédibles, c’était une autre affaire…

      • L’utopie communiste oui, mais la dictature du prolétariat, étape nécessaire pour aller vers le communisme ressemble fortement à une organisation étatique, à moins que cela ne se fasse par une opération du Saint Esprit…

        Et Marx n’était pas vraiment un admirateur de l’ordre spontané qui était justement pour lui l’ordre bourgeois, préférant l’ordre imposé…

        C’est toujours lolesque les cocos qui dénigrent les régimes communistes (ou socialistes) à cause du fait qu’ils violent les droits individuels qui ne sont pourtant que la liberté bourgeoise… Si les cocos dénigrent ces régimes, c’est soit qu’ils adhèrent aux valeurs bourgeoises et donc ne sont pas de vrais cocos, soit qu’ils sont de sacrés fourbes.

        • Opération du Saint Esprit comme la main invisible qui régule le marché…

          • La main invisible ne régule pas le marché, ignare. La main invisible est une métaphore des effets (bénéfiques, selon l’auteur de la métaphore) du marché lui-même.
            Ni plus ni moins « Opération du Saint Esprit » que le père Noël comme métaphore de la dépose de cadeaux à Noël, ou que l’État comme métaphore de l’action d’un groupe de personnes bien réelles (les « agents de l’Etat »).

          • La main invisible de l’évolution de la vie est aussi l’opération du Saint Esprit ?

        • Pour Marx, l’ordre spontané reposait sur l’extermination des peuples qui n’étaient pas mûrs pour la révolution communiste.

      • « communiste » est un adjectif qui s’applique aussi bien à une aspiration, ou une adhésion à une idée, qu’à une situation.
        La Corée du Nord est communiste aussi bien que Pierre Laurent (qui, que je sache, ne vit pas dans une communauté à laquelle il verse tout ses revenus et qui en échange pourvoit à tous ses besoins).

  • Un communiste (ce que je ne suis pas) pourrait réponde a cette article un reportage sur le Congo ou la Somalie pour représenter l’anarcho-capitalisme…

  • Ce régime nous rend un service inestimable en nous montrant la réalité totalitaire dans son horreur nue, mais aussi sa stabilité et la carte de la route de la servitude.

    D’où l’extrême importance de s’en prémunir, de dénoncer le poison mortel en germe dans l’État-providence.

    • Malgré l’absence de tragédie attribuable au capitalisme et la quantité pharaonique de misère et de mort causée par les formes de socialisme, les gens continuent de croire au socialisme.

      Donc, à quoi ça sert de voir des gens souffrir à cause de l’égo d’illuminé si c’est pour n’en retenir aucune leçon,

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