Ouverture des données de santé : les pouvoirs publics font encore blocage

L’administration tente de conserver la mainmise sur les données de santé. Pourtant, le modèle de gestion du système de soins qu’elle propose aux citoyens continue d’apporter chaque jour ou presque les preuves de son inefficience.

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Autocollants Open Data (Crédits : Jonathan Gray, licence Creative Commons)

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Ouverture des données de santé : les pouvoirs publics font encore blocage

Publié le 14 décembre 2013
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Par l’Initiative Transparence Santé.

Autocollants Open Data (Crédits : Jonathan Gray, licence Creative Commons)C’est bien un débat sur l’ouverture des données publiques en santé que le chef du gouvernement Jean-Marc Ayrault avait annoncé début juillet. La ministre de la Santé, Marisol Touraine en a décidé tout autrement, et a finalement mis sur pied une commission composée pour majeure partie d’acteurs publics, notoirement défavorables à une démarche d’Open data en santé.

Pas étonnant que cette commission ait essuyé, dès sa première réunion organisée le 21 novembre, un tir nourri de la part de plusieurs participants (le Collectif interassociatif sur la Santé et l’UFC-Que Choisir, membres de notre collectif, en tête) estomaqués que la ministre ait ainsi enterré l’idée d’un débat véritablement transparent associant les citoyens.

Une commission mais pas de débat public !

C’est donc entre gens de bonne compagnie que seront discutées les conditions d’accès aux données publiques de santé. L’initiative n’attend pas grand chose des travaux de cette commission qui devraient s’achever fin avril. Sinon qu’elle entérine les conclusions du rapport Bras préconisant notamment l’accès aux données individuelles anonymisées de l’Assurance maladie aux seuls acteurs de la sphère publique.

Ces données sont pourtant essentielles à la bonne compréhension de notre système de santé et à la mise en place d’actions qui permettraient d’en corriger les nombreux dysfonctionnements. Surconsommation de médicaments, décès évitables par milliers dus à des prescriptions injustifiées, scandales sanitaires à répétition, dilapidation d’argent public…

L’administration en dépit de ces échecs, passés et présents, n’entend pas lâcher le morceau. La principale raison de cette frilosité tient selon le Professeur Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), dans la volonté de « maintenir l’illusion que la santé des Français est gérée avec rigueur et discernement ».

Les nouveaux anticoagulants (enfin) en question

Il n’est pas besoin de trop gratter le vernis pour constater que c’est loin d’être le cas. Dernier exemple en date, la publication fin novembre par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) d’un rapport alarmant sur l’utilisation des nouveaux anticoagulants oraux. Utilisés depuis la fin de l’été 2012 « pour éviter des phlébites, des embolies ou des AVC, ces médocs coûtent un bras à la Sécu », ironise Le Canard enchaîné dans son édition datée du mercredi 12 décembre.

imgscan contrepoints 2013-2483 santéSurcoût attendu [par rapport aux traitements existants, les anti-vitamines K, ndlr] : 150 M€ d’ici à 2016. Et l’hebdomadaire satirique de rappeler que ces nouveaux médicaments sont (déjà) « dans le collimateur de la justice : huit familles ont porté plainte à la suite de décès ». L’étude de l’ANSM, que l’Initiative appelle de ses voeux depuis longtemps, pointe la « croissance exponentielle des prescriptions, qui, dans un nombre non négligeable de cas, relève Le Monde, sont réalisées dans des situations inappropriées ou avec un risque accru d’hémorragies ».

De quoi se plaint l’Initiative puisque l’étude a bien été menée ? D’abord, les autorités ont beaucoup trop tardé à la mettre en place. La surveillance de la consommation de ces médicaments, dont on sait qu’ils présentent un profil de risque important aurait du être instaurée dès le début de leur commercialisation. Les pouvoirs publics ont attendu plus d’un an pour se réveiller. Pour la réactivité, on repassera.

Une étude aux nombreuses lacunes

Plus grave encore, les résultats de cette étude s’appuient sur des données datant…  du 4ème trimestre 2012. Comme d’habitude, donc, on prétend réguler la consommation médicamenteuse avec des données périmées (de près d’une année, en l’occurrence) alors qu’il est tout à fait possible techniquement d’exercer une surveillance en temps réel. Enfin, aucune information n’est disponible dans cette étude sur un éventuel accroissement des hospitalisations que l’on pourrait associer à l’explosion des prescriptions de ces nouveaux anticoagulants.

Les autorités sanitaires disposent pourtant, là encore, des outils qui permettent de croiser les données de consommation des médicaments avec celles des admissions dans les établissements de soins. On comprend des conclusions de l’ANSM que ces informations seront disponibles dans le courant du premier semestre 2014. Combien de patients d’ici là auront succombé à une hémorragie qui aurait été évitable ?

Près de 6 000 décès seraient imputables chaque année à des prescriptions injustifiées de médicaments, selon le Professeur Bernard Bégaud. En dépit de ce constat alarmant, les pouvoirs publics continuent de se satisfaire d’un mode de surveillance archaïque. Qu’ils ne s’étonnent pas que la société civile pointe leur incompétence et réclame avec tant d’insistance l’ouverture des données.

À lire et à visionner absolument

Suggestion de lecture cette semaine, le rapport publié mardi par Terra Nova qui fustige le chantier de modernisation de l’action publique lancé par le gouvernement. Dans ce document, le think tank de gauche indique tout le bien qu’il pense de l’ouverture des données publiques, « un ferment essentiel d’innovation » et appelle (proposition 14, pages 65 et 66) à « amplifier » le mouvement. Un gouvernement socialiste rappelé à l’ordre par un think tank de gauche, voilà qui ne manque pas de sel… ni de poivre.

À ne pas manquer non plus, la rediffusion d’un reportage d’Envoyé Spécial diffusé ce jeudi 12 décembre à 20h45 et consacré à l’excès de consommation des médicaments, un sujet décidément dans l’air du temps. « À chaque seconde qui passe, peut-on lire sur le site de l’émission, l’Assurance Maladie rembourse 730 € de médicaments, soit 43 800 € à chaque minute. Pour l’année 2011, ce furent 23 Md€, 40% de plus qu’il y a 10 ans. Nous consommons toujours plus de médicaments mais est-ce vraiment utile ? Derrière ces dépenses, un immense gaspillage pourrait être évité ».

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  • OUI VIVE L’OPEN DATA!

    mais de qui se moque-t-on?
    votre « initiative » est loin d’être louable, quand on sait QUI en sont les grands penseurs:

    Alain Bazot, Président de l’UFC-Que-Choisir ;
    Mehdi Benchoufi, Président du Club Jade ;
    Marianne Binst, Directrice générale de Santéclair ;
    Annie Chicoye, Directeur Exécutif, Institut Economie et Management de la Santé, ESSEC Business School ;
    Dr. Patrick Guérin, Président Celtipharm ;
    Thomas Laurenceau, Rédacteur en chef de 60 millions de consommateurs ;
    Barbara N’Gouyombo, Directrice générale de Fourmi Santé ;
    Christian Saout, ancien Président du Collectif interassociatif sur la Santé (Ciss).

    Nous avons donc ici des assureurs privés, des « collectifs » d’usagers pseudo et auto proclamés, financés par l’état, servant de tampon manipulateur de nos concitoyens….
    Oui votre clique a tout intérêt à ce que ces données soient rendues plus faciles d’accès, mais laissez moi douter de vos motivations…. L’altruisme et la compassion ne sont certainement pas vos priorités.
    Vous parlez de surprescriptions, de décès pouvant être évités, de maitrise des coûts …. c’est rigolance et LOLitude mes amis….
    Oui l’open DATA c’est l’ELDORADO des organismes complémentaires, des boites tournant autour de l’e-santé, mais ce ne sera certainement pas pour le bien des patients, ni des français en général….
    Imaginez, chers compatriotes, quand ces « grands penseurs de la médecine » saurent exactement de quoi vous souffrez, quels sont vos « facteurs de risques » (diabète, cholesterol etc…) leur permettant de vous classer selon une échelle de risque potentiel et donc de pertes financières….. NE SOYEZ PAS DUPPES, c’est bien sûr pour mieux « cibler » votre cotisation dans le futur système de santé totalement inégalitaire …
    Oui les LOUPS SONT AUX AGUETS, mais ce ne sera que pour mieux vous PIQUER VOTRE ARGENT et NE SURTOUT PAS VOUS SOIGNER
    Par ailleurs, je rappelle à tous les lecteurs, patients potentiels, que RIEN ne remplacera jamais ce moment singulier qu’est la consultation avec votre médecin, le soin avec votre infirmière ou kiné, car c’est un moment de confiance pure, inscrite dans le serrement que font les professionnels de santé, ainsi qu’un des actes du contrat médecin-malade….
    LES LOUPS ne demandent qu’une chose… que vous les laissiez écouter aux portes, et regarde par le trou de la serrure…
    A bon entendeur..

  • C’est sur que les statistiques anonymisées sur
    Le nombre d,hymen réparés
    Et de sidas importés,
    Ça dégouterait les cotisants de cotiser à ce tonneau des danaïdes

  • Des affaires comme celles du médiator que l’Open data aurait révélé immédiatement.

    Au lieu de cela, c’est un médecin qui par une ténacité extraordinaire, a du collecter à ses frais et risques les data pour pouvoir mettre enfin le nez de l’agence du médicament dans sa M.

    En refusant l’Open Data, on démontre que l’on a rien compris du scandale du Médiator, et les suivants sont déjà à nos portes…

    • Servier était protégé par les plus haut dignitaires de cet état, c’est pas un open data qui empêchera les gens protégés d’être protégés.

  • Taux d’élucidation des décès…

    Ceux qui ont peur de l’Open data de santé
    sont les mêmes qui étaient contre les fichiers génétiques….

    Le fichier génétique a fait avancer le taux d’élucidation des crimes, où nous étions à la traine…

    L’Open data santé révèlera les traitements qui tuent plus qu’ils ne soignent tout en coutant trop cher.

    Mais certain préfèrent l’opacité entretenue par un petit nombre qui s’arroge le droit de décider, devenant ainsi la cible de tous les lobbies pharmaceutiques….Cahusac n,est pas loin….

  • je vais vous donner un exemple très concret:
    vous etes jeune, plutôt en bonne santé, mais au décours d’un examen de routine chez votre « professionnel de santé » (hé oui, les médecins tels que vous les connaissez auront très certainement disparus du fait de leur cout prohibitif et de leur vilaine tendance à vouloir rester indépendants), on découvre un vilain souffle au coeur… bon… plusieurs examens plus tard, il s’agit d’une insuffisance valvulaire. Vous devez être suivi tous les 6 mois/1 an , nécessitez des examens couteux, et peut être meme une lourde intervention (qui malheureusement ne pourra jamais être réalisée par un robot hein ) dans un délai que meme le service de la prospective médicale de votre assurance ne saurait déterminer (ça doit bien exister un sévisse comme ceci?).
    Votre med..pardon, officier de santé, vous dit qu’il serait judicieux de changer de travail (vous êtes cariste, vous portez des charges lourdes et faites des efforts à glotte fermée) au risque dans le cas contraire, de finir mort au beau milieu de l’entrepôt..
    Mais il vous conseille surtout, HOO MON DIEU LE SALAUD, de ne surtout pas divulguer ces informations à quiconque, et surtout pas votre employeur, qui pourrait vous virer sans autre forme de procès, ou votre assurance, qui pourrait vous trouver bien trop cher à assurer…..
    Et vous savez pourquoi il vous conseille cela? parce que rien, ni personne, ne saurait préjuger de votre avenir, et que meme si vous avez « un souffle », votre vie n’est pas terminée, et avec un bon suivi, il se peut très bien que vous viviez tout à fait normalement le restant de vos jours….
    Ainsi donc, VOUS, patient, avec la complicité de votre MEDECIN, vous décidez de ne rien dire, tout en appliquant les conseils de votre officier de santé moldave ( hé oui, les salauds de médecins français sont tous partis ailleurs, traitres à la patrie).

    Ho oui, avec l’open data, votre assureur aurait pu vous profiler et savoir que vous étiez à risque, pour adapter « au plus juste votre cotisation » un peu comme le jeune conducteur masculin n’ayant pas passé le peri-mis accompagné…
    Ho oui, avec l’open data , votre employeur pourrait éviter de vous employer, hein ,pour vous protéger du risque potentiel de vous voir creuser sur SON lieu de travail….
    No vraiment, l’open DATA c’est bon pour vous, pour moi…. Mais surtout pour EUX.

    • c’est pas ça l’open data…

      les données sont anonymes et on s’interesse aux statistiques.

      Ces données existent, mais sont au mieux inexploitées, au pire étouffées par le systeme pour favoriser un Labo ou acheter la paix sociale

      avec comme resultats
      les effets secondaires des medicaments caches au public pour proteger le business

      et l absence de prevention

      • Rien n’est anonyme sur la toile….vous vendez vous meme vos infos perso sur facebook, et vous revez d’en faire autant avec votre dossier medical….
        Meme orwell n’en demandait pas autant…

        • open data n’a rien à voir avec votre dossier medical .
          il s’agit de loi des grand nombres, de quelles pathos decèdent les gens et ca qu’ils prenaient…

          bref de sécurité des prescriptions et de prevention.

          • laissez les pros gérer la santé , vous ne comprendrez JAMAIS que la médecine st une affaire d’Homme , pas de chiffres…

            • « laissez les pros gérer la santé »

              Confusion tristement banale entre assurance-santé et santé : la santé est une affaire d’homme, l’assurance-santé est une affaire de chiffres. C’est lassant de lire toujours les mêmes vaines arguties, comme si le monopole actuel n’était pas en soi la pire solution concernant la santé individuelle ou la confidentialité des données. La santé « publique » collectivisée, c’est la perte de chance assurée pour les malades, une hypocrisie absolument contraire au serment d’Hippocrate.

    • Qui garanti que les données sont anonymes?

      • ceux-là meme qui les manipulent déjà…
        Sachez par exemple que l’assurance maladie est parfaitement capable de savoir qui consomme quoi en matière de santé…;Vous utilisez tous une carte vitale non? elle est nominative non?
        Encore, dès qu’un médecin prescrit trop de tel ou tel médicament ( meme s’il n’est pas honteusement et grassement payé en sous mai par le labo) et bien il lui est envoyé une alerte, voir une convocation pour « s’expliquer » auprès de la secu…. déli statistique ?
        Alors imaginez vous devoir vous justifier auprès de votre assurance parce que vous avez besoin d’une boite de plus de votre médicament?
        OUI, c’est ça l’open data

      • @Hippocrate
        Oui bien sur qu’ils sont au courant, maintenant, vont-ils diffuser des infos nominatives, c’est la question.
        Pour les sidaique, ça va pas être drôle.

      • « Qui garanti que les données sont anonymes ? » La concurrence.

  • Sur les NACO vous vous trompez et vous faites le relais d’intérêts corporatistes…

  • « Ces données sont pourtant essentielles à la bonne compréhension de notre système de santé et à la mise en place d’actions qui permettraient d’en corriger les nombreux dysfonctionnements. »

    Il est impossible de corriger les nombreux dysfonctionnements du système de santé collectivisé, car ces dysfonctionnements sont la tare originelle, génétique, le défaut intrinsèque de toute institution dérivée du socialisme. Corriger ses défauts reviendra à achever l’Obèse.

    Les données sont essentielles pour privatiser et mettre en concurrence le secteur de l’assurance santé, et des pans entiers de la production de santé (hôpitaux). C’est pourquoi la caste des politiciens et des hauts fonctionnaires protège fermement son pouvoir de rétention de l’information, qui apparaît de plus en plus clairement comme un pouvoir d’assujettissement de la population et non un pouvoir au service de la population, parfaitement contraire aux principes démocratiques.

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