« La vénus à la fourrure » de Roman Polanski

Le nouveau film de Roman Polanski ravira tous ceux qui s’interrogent sur les rapports troubles de soumission-domination entre hommes et femmes.

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« La vénus à la fourrure » de Roman Polanski

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 26 novembre 2013
- A +

Par Francis Richard.

Polanski

La Vénus à la fourrure de Leopold von Sacher-Masoch est l’œuvre la plus connue de l’écrivain autrichien. Dans ce roman, un homme, Séverin, est amoureux d’une statue marmoréenne de Vénus, qui se trouve dans un jardin public. Dans ce jardin, il rencontre un jour une femme hors du commun, Wanda, qui ne s’est donné qu’une règle, celle de n’obéir qu’aux lois du plaisir. Séverin se lie et conclut avec Wanda un contrat par lequel il se soumet entièrement à elle : il sera son valet, son esclave, son jouet. Le masochisme ne vient-il pas de Masoch… En contre-partie, Wanda se vêtira d’une seule fourrure et sera alors pour lui d’une animalité divinement érotique.

David Ives, qui a fait une adaptation pour le théâtre de ce roman, a écrit le scénario du film de Roman Polanski. Le film se passe à huis clos. De l’extérieur n’est montré que le théâtre délabré dans lequel il se déroule et qui se situe sur un boulevard arboré de Paris, qui n’est pas sans rappeler le boulevard des Batignolles où se trouve le théâtre Hébertot.

Thomas (Mathieu Amalric) est dans la salle de ce théâtre. Il téléphone à sa compagne Marie-Cécile. Il est abattu. Il vient d’auditionner de jeunes comédiennes pour incarner le rôle de Wanda dans son adaptation au théâtre de La Vénus à la fourrure et n’a pas trouvé chaussure à son pied. Vanda (Emmanuelle Seigner) arrive en retard pour l’audition. Pour Thomas il n’est d’abord pas question de l’auditionner. C’est trop tard. Mais Vanda, au prénom prédestiné pour le rôle, arrive à l’entortiller tant et si bien qu’il consent à lui donner la réplique pour les trois premières pages de la partition. Dont Vanda s’est procuré un exemplaire original on ne sait trop comment.

Thomas a mis le doigt dans un engrenage. L’audition ne se limite pas aux trois premières pages. Car, finalement, Vanda connaît encore mieux le texte de la pièce que son auteur et le joue de manière époustouflante. À chaque interruption, Vanda ne se prive pas de faire des réflexions sur le personnage qu’elle incarne et sur celui de Séverin et s’insurge contre le caractère sexiste de l’œuvre, que confirme l’épigraphe de la partition, tirée du Livre de Judith :

Et le Tout-Puissant le frappa.
Et le livra aux mains d’une femme.

Thomas se défend faiblement : cette épigraphe se trouve dans le roman de Sacher-Masoch. Puis, il explose et lui dit qu’elle n’y comprend rien. Ce qui le surprend d’autant plus qu’elle joue merveilleusement bien la Vénus à la fourrure… Peu à peu, Vanda improvise et, comme dans le roman et la pièce, exerce sa domination physique sur Thomas, qui perd complètement le contrôle de la situation… La fiction théâtrale devient réalité.

Les scènes ont vite été sensuelles. Je pense notamment à cet instant où Vanda fait mine de ranger le contrat qui la lie à Thomas en le glissant dans son soutien-gorge et en dévoilant l’aréole d’un sein…

Et elles sont même devenues très sensuelles. Je pense au moment où Séverin enfile de longues bottes, qui n’en finissent pas de se se refermer par fermeture-éclair, sur les longues jambes de Wanda et au moment où Wanda parvient à mettre des chaussures à talons aiguilles aux pieds trop grands de Séverin… Je pense à tous ces moments où les lèvres de Wanda et de Séverin sont près de s’effleurer et s’écartent tout soudain comme si elles se trouvaient au bord d’un acmé et s’y refusaient pour maintenir le désir…

Emmanuelle Seigner passe d’un registre à l’autre avec maestria. Elle est tantôt Wanda, tantôt Vanda, deux personnalités très différentes habitant un même corps. Mathieu Amalric est de même tantôt Séverin, tantôt Thomas. Physiquement, on dirait un double de Roman Polanski, en plus jeune. Ce qui est d’autant plus troublant qu’Emmanuelle Seigner est Madame Polanski à la ville… Le film de Roman Polanski ravira les amateurs de théâtre et de cinéma par ses dialogues et son déroulement. Il ravira tous ceux qui s’interrogent sur les rapports troubles de soumission-domination entre hommes et femmes…

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  • j’ose espérer que ce film n’a pas été réalisé avec l’argent des contribuables (CNC…) !

    • Il y’a de grandes chances que si. C’est très difficile de faire un film en France sinon. Et si ce n’est pas le cas, il est au moins distribué avec l’argent du contribuable.

      Mais je ne vois pas en quoi se serait pire qu’avec n’importe quel autre film Français.

  • Quel est le rapport de cet article avec le libéralisme?

    En plus, à la lecture de l’article et quand on connaît les déboires judiciaires de Polanski, ce film semble plutôt être une ode à la perversité qu’une réponse aux « rapports troubles de soumission-domination entre hommes et femmes… ». Prochaine étape: éloge d’un film porno.

    • Toute étude d’une relation de pouvoir a à voir avec le libéralisme.

      La vie de Polanski n’a rien à voir avec son oeuvre. Le fait est que, quelque soient choses dont ils c’est rendu coupable, ces films sont excellents.

      « Prochaine étape: éloge d’un film porno. »

      Un article su « Salo, ou les 120 journées de Sodom », de Pasolini, pourrait en effet avoir un intérêt. Pour du vrai porno en revanche, il faudrait en trouver un qui ait ça place ici.

      • @ moi

        Le libéralisme porte bien plus sur la liberté individuelle que sur la relation de pouvoir dans son ensemble. Le libéral veille à ce que deux individus soient libres de leur choix, ce qu’ils font ensuite de cette liberté n’est pas son problème. En l’occurrence ce film présente deux individus qui font un choix libre, la position libérale s’arrête là, le reste appartient à la morale.

        Et niveau morale, la vraie vie d’un auteur a toujours clairement une influence sur son œuvre, il n’est d’ailleurs pas étonnant de voir le nom de Polanski sur un tel projet… 

        • « Et niveau morale, la vraie vie d’un auteur a toujours clairement une influence sur son œuvre, il n’est d’ailleurs pas étonnant de voir le nom de Polanski sur un tel projet…  »

          Dans la mesure ou c’est la même personne qui vie cette vie et fait ces films, il est évident que la même personnalité transparait dans les deux.

          Néanmoins un acteur ou un réalisateur peut faire des films merveilleux ou livrer des prestations d’acteur éblouissantes bien que sa vie soit extrenement dissolue, ou même qu’il soit clairement partit assez loin du mauvais côté de la loi.

          Dans un autre domaine, les vies de François Villon et Arthur Rimbaud ont été extrénement violentes, ce qui qui n’empêche pas leur poésie d’être exceptionnelle.

          Polanski a violer une fille mineure et mérite la prison pour ça, mais ça ne m’empêchera pas de trouver que la jeune fille et la mort est un chef-d’oeuvre.

          On peut être une vrai crapule et être très doué pour son art.

          Je n’ai pas vu la Vénus à la fourrure, mais si ce film à inspirer de l’auteur de cet article et qu’il y’a trouvé quelque chôse à partagé en tant que libéral, c’est se conduire en sagouin que de lui répondre comme vous l’avez fait.

          « Le libéralisme porte bien plus sur la liberté individuelle que sur la relation de pouvoir dans son ensemble. »

          Alors d’ou vient-il que tant d’auteurs libéraux, de Jasay à Rand en passant par Arendt est fait tant de textes qui sont des déconstructions méthodiques des structures de pouvoir? Les relation de pouvoir entre les gens est en plein dans le champs du libéralisme. Celui-ci partant de l’individu pour en venir à parler du groupe est même plus légitime que de nombreuses autres écoles.

          « En l’occurrence ce film présente deux individus qui font un choix libre, la position libérale s’arrête là »

          Asolument pas. Déjà parce que leur contrat n’est pas légitime, pour commencer. En effet, si j’en crois l’article, il s’agit d’une aliénation du droit de propriété de l’un des deux partis. On peut donc au moins poser une question qui se trouve directement dans le champ du libéralisme. A partir du moment ou les deux personnages signent un contrat, on peut discuter de la légalité du contrat.

          Enfin:
          « il n’est d’ailleurs pas étonnant de voir le nom de Polanski sur un tel projet… »

          Pourquoi, c’est ce qu’il a l’habitude de faire, pour vous? Parce que si vous me dites que c’est parce que Polanski à violer une mineure, premièrement, je ne vois pas le rapport avec le masochisme, et deuxièmement, De Palma a fait des films très voyeurs et complaisants, sans avoir jamais violer personne, mineur ou non.

          • @ moi

            Je ne conteste pas qu’une crapule puisse être douée pour son art, mais lorsqu’elle s’attèle précisément à un sujet qui tombe en plein dans ses vices, c’est déjà tellement malsain que pour ma part, cela occultera tout le côté artistique du film, ce qui est une opinion autant valable que celle de ceux qui vont le trouver génial.

            L’auteur de l’article ne fait qu’un éloge du film qui s’apparente plus à de la publicité qu’à une réflexion pertinente. il est donc légitime de se demander la raison de cette publicité, et d’émettre des réserves quant au produit vanté; rien de sagouin là-dedans.

            Votre développement est déjà plus intéressant, je poursuivrai donc dans cette voie. Les auteurs libéraux s’attaquent au pouvoir de la contrainte qu’est celui de l’Etat. A partir du moment où deux individus font librement un contrat, il n’est plus question de contrainte, quelques soient les termes du contrat. Et en vertu du droit naturel, un contrat passé sans contrainte est toujours légitime, et si un droit étatique le rend illégal, c’est ce droit étatique qui est le problème, pas le contrat en lui-même.

          • Mais le droit de propriété est inaliénable. Ce qui veut dire qu’on ne peut pas le céder. Un contrat valide est un échange de propriété, mais la propriété en elle même ne peut pas faire l’objet d’un contrat.

            Ou, du moins, rien n’empêche ces deux personnes de passer ce contrat si elles en ont envie, mais rien ne les oblige non plus à le respecter. Il a valeur de promesse et rien de plus.

            Un contrat annonce les modalités d’un transfert de propriété. Mais seule la contrepartie d’une clause déjà éffectuée est éxutoire. Si nous passons un contrat pour que vous me livriez 300kg de riz contre 1200€, par exemple, à ce stade, nous ne nous devons rien l’un à l’autre. Ce n’est qu’au moment ou j’ai reçu le riz (ou vous mon argent, peu importe) que l’autre devient lié par sa promesse. Dans l’interval, n’importe lequel d’entre nous peut annuler le marché à n’importe quel moment (et éventuellement subir les pénalités prévues en cas de rupture).

            Dans nôtre cas, le contrat tel qu’il est présenter oblige la fille à porter se fourrure tant que le gars fait ce qu’elle lui dit, et inversement. Si l’un des deux décide d’arrêter, quel que soit ses motifs, alors l’autre ne pourra pas présenter ce contrat devent un tribunal. En tout cas pas pour l’y obliger. Il pourra néanmoins demander paiement des pénalités si elles ont été prévues dans le contrat, et si elle ne reviennent pas à aliéner les droits fondamentaux de l’une des deux parties.

            Il ne peut pas éxister de contrat perpétuel, car cela revient précisément à aliéner le droit de propriété de l’un des deux contractants. Ils peuvent signer ce contrat tant qu’ils le veulent, mais il n’a aucun caractère obligatoire et ne pourra en conséquence pas être produit devent une cour.

            Sur l’inaliénabilité des droits, si on suit le droit naturel, nos droits déscendant de notre nature, on ne peut pas plus les aliéner qu’un serpent peut décider de voler.

            Ainsi tout ce que font les deux personnage du film est volontaire, et ils ne sont finalement liés par aucun contrat, et tout ce qu’il font est pleinement conscentit.

            Ce qui m’amène à:

            « mais lorsqu’elle s’attèle précisément à un sujet qui tombe en plein dans ses vices… »

            Quel est donc, à part le sexe, le rapport (si je puis m’exprimer ainsi) entre une relation parfaitement libre entre adultes consantants et un viol sur mineur? Si on part comme ça, la vue de 2 personnages qui s’embrassent, dans un film de Polanski doit vous être insupportable!

          • @ moi

            Je suis tout-à-fait d’accord sur le fond: ces personnes sont libres de passer un contrat de ce genre, mais rien, et surtout pas l’Etat, ne peut légitimement les forcer à respecter ce contrat.

            On est donc bien dans un cadre de non-contrainte qui sort du champ d’action du libéralisme et ne concerne au final que la morale.

            Et niveau morale, ce genre de contrat s’apparente à de la perversion sexuelle, au même titre que l’est un violeur, la seule différence étant que ce dernier ajoute la contrainte réelle à la perversion.
            Et après oui, tout ce qui est sexuel n’est pas nécessairement perversion, tout dépend ensuite des valeurs morales auxquelles l’on se réfère… 

  • Un très bon moment de pur bonheur…. quelle actrice emmanuelle seignier, quelle intelligence ce film.
    Quel magnétisme, on est subjugué, pas un moment de répit dans cette valse des mots, dans cette joute,
    une fois de plus Roman Polanski nous éblouit.
    Bravo à l’artiste.

  • Allez déjà voir le film ! C’est d’abord une comédie. Et c’est réussi. C’est entre autres un film sur les relations hommes femmes (libéral ? Comme le sont les relations d’offres et de demandes ! mais ce n’est pas son sujet,je ne crois pas) Mais c’est surtout un film sur la vérité . Vérité du théâtre, de l’acteur, du metteur en scène, vérité de la scène aussi !Vérité de la relation, qui exige de l’authenticité. Dans un monde qui l’est si peu. Si prévisible. Vérité de l’artiste qui bouscule (Wanda).
    Ce monde si peu sensible à « l’ambiguité », par exemple , et trop sensible à l' »ambivalence ».
    !!!Et terriblement drôle ! Tout le monde en prend pour son grade! Le féminisme, entre autres, mais l’intello aussi, etc..
    Du grand art !

  • Ps pour répondre à l’auteur de l’article : il ne me semble pas que Polanski soit sensible à l’érotisme botté. C’est un cliché (efficace!) dont il use . Mais avant , il se moque de l’érotisme à la Marlène, à l’allemande … Non ?

  • Excellent film, plus sulfureux encore que Bittermoon. Mathieu Amalric brillant.

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