Hollande : le triple piège de l’incapacité à dire non

La difficulté à dire « non » provient d’une incapacité à choisir entre exercer son pouvoir ou préserver la relation.

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Hollande : le triple piège de l’incapacité à dire non

Publié le 8 novembre 2013
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Par Michel Ghazal.

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Indécision, manque d’autorité, ambigüité, lâcheté, faiblesse, fragilité, flou… suite aux dernières reculades du Gouvernement, les critiques en ces temps gris pour la France et les Français vont bon train contre le mode de gouvernance du Président Hollande.

Mon diagnostic est différent : il s’agit essentiellement d’une incapacité à dire non. Et les freins à dire non sont multiples.

À vouloir préserver la relation à tout prix, ménager les susceptibilités, éviter les conflits, avoir peur de déplaire, craindre de perdre un allié, de faire de la peine ou de dévisser dans les sondages, M. Hollande a fini par se renier en oubliant les intérêts fondamentaux qu’il est supposé défendre. Par conséquent, son autorité de leader en a pris un sacré coup.

comment dire nonCette incapacité à dire non se traduit, selon William Ury*, par trois réactions de substitution qui enferment le décisionnaire dans un triple piège.

Piège N°1 : Céder en étant accommodant : dire oui quand il faut dire non

Pour éviter, par exemple, de compromettre la relation avec ceux qui, au nom de la compassion, brandissent les droits de l’homme au mépris de la loi, voici qu’une exception est imaginée pour cette lycéenne Leonarda qui a l’habitude de sécher les cours. Ou bien, face à la montée de la colère des Bretons contre l’écotaxe, coiffant les bonnets rouges de la révolte de 1675 contre les impôts injustes de Louis XIV, voilà qu’une suspension de celle-ci – alors que son principe avait été loué par beaucoup car ouvrant la voie à une réflexion en profondeur sur les systèmes de transport – est considérée, non comme une reculade, mais comme une manifestation de courage et d’écoute.

Et, qu’avons-nous observé à partir de ces deux exemples ? Dans le premier cas, une insatisfaction générale, autant des partisans de la générosité que de ceux de la fermeté, mais surtout, un appel par certains à la mobilisation des lycéens avec pour objectif de faire plier le Gouvernement et d’obtenir le retour en France de toute la famille de Leonarda en violation des règles sur l’immigration.

Dans le second cas, nous avons assisté à une poursuite des manifestations des Bretons destinées à obliger le Gouvernement à supprimer purement et simplement cette taxe et pas seulement la suspendre. Ils l’ont même fait sous forme d’un ultimatum avec un délai au-delà duquel « ils entreprendraient de nouvelles actions ». En parallèle, des actes de violences ont été commis consistant à détruire des portiques et de bornes chargées de récolter l’écotaxe. Heureusement, cette fois-ci, que le Gouvernement s’est montré ferme et n’a pas cédé en déclarant que ce « n’était pas une bonne méthode ».

Céder et être accommodant, c’est dire oui quand il faut dire non. Cela est nuisible non seulement pour l’image d’un Gouvernement qui recule mais aussi parce que cela crée des précédents fâcheux qui encouragent ensuite à la surenchère des demandes et incite à la contagion. Face au principe de liberté – je fais ce que je veux, quand je veux, comme je veux –, vivre en société implique l’acceptation d’un minimum de règles. Il est donc indispensable d’éviter les « non » mous et d’avoir de vrais « non ».

Piège N°2 : Être intransigeant : dire non, mais mal

À l’inverse, si dire non et exprimer un refus vis-à-vis d’un comportement désobligeant ou une exigence déraisonnable est fait de manière agressive, cela aura un impact dévastateur et nuira à la qualité de la relation. L’autorité rencontrera alors inévitablement la colère et la révolte. Rappelons nous, à titre d’exemple, le sentiment de non considération qui a prévalu chez les opposants au « mariage pour tous » face au « non » de M. Hollande à qui ils réclamaient juste de le rencontrer pour s’exprimer. Ceci a mis des centaines de milliers de manifestants dans la rue.

Piège N°3 : Esquiver : ne dire ni oui ni non

La troisième manière courante face aux freins et la peur à dire non, c’est l’esquive : ne dire ni oui ni non. Il s’agit d’un vrai problème quand ceci affecte le pouvoir de décision d’un leader : « effrayé à l’idée de déplaire, le sujet hésite, oscille, balbutie et agit sans jamais trancher ». Il y a toujours l’espoir que le problème va disparaître, que la croissance va revenir ou que le chômage va baisser. Alors, on évite d’agir pour éviter de mécontenter X ou d’offenser Y. Or, ne pas choisir n’a jamais effacé par miracle un problème et l’esquive n’a jamais réglé les difficultés. En hésitant entre deux couleurs de pulls ou de cravates, il est parfois possible de s’offrir les deux, mais face à des décisions cruciales, l’entre-deux est impossible. Comme le souligne W. Ury, « les problèmes qui suppurent deviendront un jour des crises qu’on ne pourra plus esquiver ». Mais ce sera trop tard pour la France.

Dire non c’est concilier pouvoir et relation

La difficulté à dire « non » provient d’une incapacité à choisir entre exercer son pouvoir ou préserver la relation. Cette indécision précipite malheureusement dans le triple piège : se montrer accommodant, ou au contraire rejeter de manière agressive ou enfin nier ce qui se passe en esquivant.

Or, dire « non », c’est être capable de concilier l’affirmation de son pouvoir et la préservation de la relation. Cette attitude permet de défendre nos propres besoins sans détruire les relations auxquelles nous tenons. Parce que dire « non », rappelons-le, c’est toujours dire oui à des besoins qu’on veut protéger et qui sont importants pour nous.

Et un chef, comme un parent, doit savoir dire non. Sinon, que deviendraient les enfants si leurs parents étaient incapables de leur poser quelques limites fermes et respectueuses ? Face à un parent qui lâche en permanence sans offrir de résistance, l’enfant devient non seulement agressif mais odieux et finit par faire la loi à la maison.

En étant capable de dire de vrais « non » libérés de la peur d’offenser l’autre ou de susciter sa colère, M. Hollande aurait alors la possibilité de délivrer de vrais « oui ». Car, comme le dit William Ury, « Apprendre à dire non avec habileté et sagesse, permet de protéger ce qui compte pour vous et de changer ce qui  ne fonctionne plus ». Dire non à l’autre de façon claire plutôt que de rester bloqué dans les hésitations et l’indécision, lui permet d’aller de l’avant et de prendre ses responsabilités.

Comment y parvenir ? En montrant qu’il y a un espace négociable et un espace non négociable. En rejetant l’ultimatum des bonnets rouges comme méthode inappropriée et en affichant, même après coup, une fermeté face au vandalisme, le pouvoir a dit un vrai « NON ». Il a certes ainsi fermé une porte mais il en a ouvert immédiatement une autre en invitant les différentes parties à s’asseoir autour de la table pour parler de la crise bretonne autour d’un « Pacte d’avenir pour la Bretagne ». Si je rappelle ces faits, c’est pas seulement par souci de justice vis-à-vis de nos gouvernants, mais pour dire aussi que l’espoir n’est jamais perdu.

Qu’il est difficile le métier de politique ! …

William Ury, Comment dire non, savoir refuser sans offenser, éditions du Seuil, 2007, 299 pages.

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  • Savoir dire non, c’est aussi savoir dire oui, c’est symétrique. « Non, mais on discute », « oui, mais on discute » sont en temps de crise des insultes. Si on veut discuter, on reporte la décision.

  • « Or, ne pas choisir n’a jamais effacé par miracle un problème et l’esquive n’a jamais réglé les difficultés.  »
    Mais si justement. Le corrézien Henri Queuille l’a théorisé : ‘Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout », et les corréziens d’adoption Chirac et Hollande l’ont pratiquer toute leur vie, avec suffisamment de succès.
    Comment voulez vous qu’Hollande cesse d’en user comme il a toujours fait ? Pourquoi voulez-vous qu’il abandonne une méthode qui lui a si bien réussit jusqu’à présent ?

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