Une gauche sans boussole

Y a-t-il encore un pilote dans l’avion France avec la politique menée par François Hollande et Jean-Marc Ayrault ?

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Gauche déboussolée (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence CC-BY 2.0)

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Une gauche sans boussole

Publié le 2 novembre 2013
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Par Fabio Rafael Fiallo.

imgscan contrepoints 2013-2326 gauche déboussoléUne des tâches les plus ingrates ces temps-ci consiste à rechercher de la cohérence et de l’efficacité dans l’action que mènent le Président Hollande et son Premier ministre. L’année avance, les saisons changent, mais en France rien ne vient altérer la série de nouvelles décevantes sur le front de l’emploi, les cafouillages gouvernementaux et les reculades en rase campagne.

Tiraillé entre, d’une part, son discours « anti-riches » et ses promesses électorales, et d’autre part, l’impératif de restaurer la compétitivité de la France et de réduire le déficit public, le Président Hollande n’arrive pas à trancher.

N’osant pas tailler dans un État-providence que l’économie n’arrive plus à financer, et craignant une insurrection des 5,5 millions de fonctionnaires s’il venait à s’attaquer sérieusement aux dépenses de l’État, le président français et l’actuelle majorité socialiste ont préféré multiplier les hausses d’impôts, ayant dû reculer à maintes reprises à cause de l’ampleur du mécontentement que ces hausses provoquent chez les différents acteurs économiques1.

On eût pu croire que le Président avait décidé d’arrêter le matraquage fiscal. En effet, mi-septembre, il avait promis qu’en dehors de la TVA il n’y aurait « plus de hausses d’impôts », ajoutant qu’« aucune taxe nouvelle » ne serait imposée pour améliorer les comptes de la Sécurité Sociale2.

Or, il aura suffi de quelques semaines après cette déclaration pour voir le gouvernement annoncer deux nouvelles hausses d’impôts – la taxation des produits de l’épargne et l’écotaxe –, lesquelles donnèrent lieu, elles aussi, à des reculades mirobolantes.

Après tant de zigzags en matière de fiscalité, comment les entrepreneurs pourraient-ils vouloir investir et embaucher alors qu’ils sont en droit de craindre l’arrivée inopinée d’un nouveau coup de massue fiscal capable de mettre à terre leurs prévisions de rentabilité ?

Rien d’étonnant à ce qu’un sondage mené pour le compte de la Chambre de commerce américaine en France, publié le mois dernier, montre que seulement 13% des entreprises américaines établies dans l’Hexagone ont une perception favorable des perspectives économiques de la France, contre 56% en 20113.

Les allers et retours fiscaux ne créent pas seulement de l’incertitude chez les entrepreneurs. Elles alimentent aussi le sentiment d’injustice et la grogne fiscale parmi les classes moyennes. « Puisque ceux qui rouspètent fort obtiennent gain de cause, eh bien, faisons comme eux, protestons », dira chaque groupe social. Si bien que, in fine, les hausses d’impôts maintenues par le gouvernement n’auront pas obéi à des critères de justice sociale ou d’efficacité économique, mais tomberont fondamentalement sur les groupes sociaux les plus fragiles, ceux qui n’ont pas les moyens de bloquer l’activité économique.

Deux poids, deux mesures donc, lequel est également à l’œuvre dans la taxation des produits de l’épargne. En effet, dans le but de désamorcer la colère à l’égard des augmentations dans ce domaine, le gouvernement décida de limiter ces hausses d’impôts à certains contrats d’assurance vie, laissant en l’état d’autres produits financiers tels que les plans d’épargne en actions (PEA). Cela veut dire que les gains dérivés d’une même action seront imposés différemment selon que l’action concernée fait partie d’un contrat d’assurance vie ou d’un PEA.

Où se trouve l’égalité si chère à la gauche dans un tel procédé ?

Le faux-fuyant s’est emparé des membres de l’actuelle majorité. Les élus socialistes manquent souvent à l’appel pour défendre ou expliquer les hausses d’impôts décidées par le gouvernement. Comme on l’a vu clairement à propos de l’écotaxe, nombre d’entre eux préfèrent même s’afficher plutôt du côté de la contestation4, et ce afin de sauver leur peau lors des prochaines échéances électorales.

Quant aux classes dites populaires, elles ne s’y retrouvent guère plus dans cette gauche à laquelle elles adhéraient facilement jadis.

Ainsi, le Front National grignote désormais des voix à gauche et plus seulement au sein de la droite modérée. Les syndicats – normalement ancrés à gauche – n’ont pas de prise sur la contestation qui monte au sein de la population. Les salariés des abattoirs du groupe Gad ont fait fi du code de la lutte des classes et s’en sont battus entre eux5. Les organisations de paysans bretons opposées à l’écotaxe se voient accusées par l’eurodéputé EELV José Bové d’être manipulées par le Medef6. Puis, tandis que FO s’est associée à la manifestation contre l’écotaxe de samedi 2 octobre à Quimper, d’autres centrales syndicales, notamment la CGT, ont appelé à une contre-manifestation à Carhaix7.

La soi-disant « conscience de classe », dont la gauche avait fait son fonds de commerce, n’est plus le vecteur des mobilisations de la société civile.

François Hollande se trouve dans un effroyable carrefour. Soit il reste empêtré dans la nasse du discours de la gauche, laquelle, comme à son habitude, ne verrait pas d’un mauvais œil une augmentation des dépenses de l’État sous peine de creuser encore plus les déficits publics ou de taxer plus les entreprises, et alors la compétitivité de la France poursuivra sa descente aux enfers. Soit il tranche dans le vif et – tel Gerhard Schröder en Allemagne avec son « Agenda 2010 » – se fixe l’amélioration de la compétitivité comme objectif principal, et alors il risque de voir sa majorité exploser en plein quinquennat.

  1. « Avant l’écotaxe, les 7 précédents reculs fiscaux du gouvernement », Le Monde, 29-10-2013.
  2. « Fiscalité, Syrie… François Hollande a voulu rassurer et s’expliquer », Le Monde, 15-09-2013.
  3. « La France attirante pour seulement 13% des entreprises américaines », AFP, 15-10-2013
  4. « Écotaxe. Urvoas (PS) demande son ajournement en Bretagne », OuestFrance.fr, 27-10-2013.
  5. « Abattoirs Gad : des salariés se battent entre eux à Josselin », Le Point, 23-10-2013.
  6. « Écotaxe : Le gouvernement sera-t-il obligé de reculer ? », France 3 Bretagne, 28-10-2013.
  7. « Des divergences autour de la manifestation de Quimper samedi », Le Figaro, 01-11-2013.
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  • « Trancher dans le vif » ? Hollande ? Accoler cette expression avec ce nom… devrait provoquer un court-circuit neuronal. Et déclencher un grand éclat de rire.

    La raison d’être de Hollande n’est pas d’être de « gôche » ou de défendre la « gôche ».

    Sa raison d’être est de défendre… Hollande. Lui-même. Survivre. A tout prix.

    Dès lors, il dispose d’une diagonale du fou. Une option osée, et peu de gens lui donnent crédit.

    Et pourtant, ce serait sa seule chance rationnelle.

    Dissoudre.

    En 2015.

    D’ici là la crise se sera durcie.

    Le PS sera bien entendu balayé. Et les crétins de l’UMP… retourneront à Matignon.

    En à peine 1 an et demi… ils seront également balayés par la crise… Et Hollande (école Mitterrand) jouera alors la carte du rassemblement, ainsi que le rempart contre la Bête Immonde… Il passe de justesse au second tour avec Lepen.

    Et est réelu. Avec moins que Chirac l’Africain (82 %)… disons 59 %.

    « Mission accomplie ».

    • J’imagine que c’est là le raisonnement qu’on tient dans l’entourage de notre « fromage ou dessert », mais aucun électeur ne verra en Hollande un rempart crédible contre quoi que ce soit, en supposant que les circonstances ne l’aient pas déjà écrabouillé d’ici-là.

    • Et bien, je suis d’accord avec l’analyse de Christophe, aussi terrible et incroyable que cela puisse être, n’oublions pas que le PS a une solide garde en réserve, les mêmes bras cassés certes, mais qui seront présentables le moment venu et surtout capables de promettre la lune ainsi que la villa qui va avec.

      En l’état des finances, il n’est même pas certain que la droite soit réellement intéressée par le pouvoir.

      Et puis, un énarque est construit pour ne pas trancher, Hollande est effectivement le modèle du genre, il rendrait miscible l’huile et l’eau.

      • Celui qui fera les réformes ne sera pas réélu, et nos politiques ayant fait un métier de la fonction d’élu pour la très grande majorité, la seule chose qu’ils savent faire, c’est tenir « encore un peu », pour refiler la patate chaude à la majorité suivante…
        Et c’est ce qui se passera, de majorités social-conservatrices de gauche à majorité social-conservatrices de droite, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sous, j’en suis convaincu.

  • Il va bientôt y avoir une majorité de français de fourche en France qui vont se révolter.

  • Je crzins au contraire que la Hollandie gouvernementale ne sache très bien où elle va !

    Elle se moque de la gestion, de l’endettement, de la sécurité, de la Justice et du reste.

    Elle veut simplement changer la société ! Plus elle fabrique de pauvres, plus ils votent à gauche.
    Il faut alors les « aider », ce qui procure des tas de niches juteuses pour les colleurs d’affiches méritants.

    Donc, il faut encore et toujours traquer les bas de laine, et si les « riches » se sauvent épouvantés, c’est tant mieux : le Grand Soir approche.

    Le reste ? Ce ne sont que maquillages cosmétiques !

    • Les revirements incessants du pouvoir invalident cette perspective.
      Ce sont, malheureusement pour ceux qui les subissent, des incapables qui ne savent pas comment s’y prendre pour garder leurs acquis et donner satisfaction à leur electorat.
      Bien sûr qu’ils fabriquent des pauvres à tour de bras, mais aussi beaucoup de revanchards qui ne leur pardonneront pas de les avoir cocufiés.
      Ce gouvernement est aux abois! La curée n’est plus très loin…

    • Rasoir d’Ockham: le gouvernement se comporte en gouvernement amateur sans cap et sans colonne vertébrale idéologique définie autre que le clientélisme et la poursuite de la politique de la cigale menée par toutes les majorité précédentes, c’est donc qu’il est composé d’ignares en économie.

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