La dette américaine, un actif de plus en plus risqué

La dette américaine devient un produit de plus en plus risqué pour ceux qui en détiennent ou envisagent de l’acquérir.

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La dette américaine, un actif de plus en plus risqué

Publié le 25 octobre 2013
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Par Philippe Herlin.

L’épisode tragicomique du « shutdown » est – temporairement – terminé, mais cela nous oblige à réévaluer en profondeur la dette américaine. Est-elle encore un actif sans risque, sous-entendu la Fed sera toujours là pour payer, voilà une question que l’on doit se poser ?

Les médias ont souvent caricaturé les positions « extrémistes » du Tea Party, mais la situation du budget fédéral est vraiment inquiétante. Pour 100 dollars de dépenses, il n’y a que 65 dollars de recettes fiscales, et donc 35 dollars de déficit. C’est clairement un budget à la dérive. Même pour la monnaie internationale de réserve et de transaction, encore largement incontestée, un tel déséquilibre n’est pas tenable. Mais entre une présidence démocrate qui ne veut rien lâcher et un congrès républicain qui veut tailler dans les dépenses, aucun accord n’émerge. Les deux parties se sont seulement entendues pour reporter les échéances de quelques mois.

On n’est pas obligé de croire en son objectivité absolue, mais tout de même, l’agence de notation chinoise Dagong donne dans son communiqué du 17 octobre des éléments chiffrés qui font réfléchir. Entre le déclenchement de la crise en 2008 et la fin 2012, « la dette a augmenté de 60,7%, tandis que le PIB nominal a augmenté de seulement 8,5%, et que les recettes fiscales ont diminué de 2,9% ». Dagong en conclut que « les recettes fiscales ne peuvent plus être la principale source de remboursement de la dette ». Ah bon, il reste quoi alors, le défaut ? La planche à billets ?

Il ne faudrait cependant pas s’inquiéter car la Fed pourra toujours fabriquer des dollars. Ce n’est pas l’opinion de Dagong qui évalue la perte de valeur que cela entraîne : « la dépréciation du dollar a entraîné une perte de 628,5 milliards de dollars aux créanciers étrangers entre 2008 et 2012 ». Voilà qui ne peut que les inciter à s’éloigner de la dette américaine. Conséquence logique, les acheteurs classiques se restreignant : la Fed ne pourra pas diminuer son programme de rachat de bons du Trésor, et risque même de devoir l’augmenter…

Il faut rajouter, explique Dagong, un risque lié à ces perpétuelles discussions et blocages institutionnels : « la vulnérabilité de la chaîne de la dette est telle que le défaut de paiement technique peut se produire à tout moment ». Ce risque est renforcé par un élément que ne donne pas l’agence mais qu’il importe d’avoir à l’esprit : la durée moyenne de la dette américaine est de 4 ans seulement (7 ans pour la France ou l’Allemagne par comparaison). Cela signifie que d’ici quatre ans le Trésor devra renouveler la moitié du stock de dette actuel (près de 17.000 milliards de dollars), c’est-à-dire émettre plus de 8.000 milliards de dette, auxquels se rajouteront les déficits budgétaires à venir. Nous sommes dans une course folle.

La dette américaine devient ainsi un produit de plus en plus risqué pour ceux qui en détiennent ou envisagent de l’acquérir. Il ne suffit pas de dire que la Fed fera tourner ses rotatives en cas de problème : la valeur de cette dette baisse, l’appétit des clients habituels diminue, le risque de défaut technique n’est pas à écarter, aucune solution politique n’émerge pour revenir à l’équilibre budgétaire. Pour l’instant les marchés américains et européens demeurent largement confiants, toujours optimistes quant au règlement des conflits budgétaires entre Obama et les Républicains, mais un jour ou l’autre ce risque va se matérialiser, ce sera alors un tremblement de terre.


Un article de Goldbroker.com.

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  • « un jour ou l’autre ce risque va se matérialiser » : avant même qu’il ne se matérialise, c’est la confiance dans la Fed qui est en train de s’évaporer, le temps qu’une majorité d’investisseurs comprenne que la Fed est piégée par sa politique absurde.

    Réduite à la fonction de Trésor d’un Etat US en faillite, l’immense bad bank qu’est la Fed n’a déjà plus aucune crédibilité.

    Le 31 janvier prochain, l’arrivée de l’apprentie-sorcière Yellen, sans légitimité, aux ordres d’un Obama enferré dans son délire idéologique, pourrait être le signal de la panique. Contre-intuitivement, la fuite devant les actifs en général, les dettes souveraines en particulier, n’entraînera probablement pas la chute du dollar, car ce dernier n’a à ce jour aucun remplaçant crédible. Peu importe l’agitation monétaire des Chinois : la monnaie d’une dictature n’a par définition aucune valeur. Peu importe l’euro : les Etats européens, France en tête, s’obstinent à organiser leur insolvabilité, malgré les efforts de l’Allemagne pour sauver l’euro. Peu importe le yen : les kamikazés ont déjà pris l’air pour leur mission-suicide. Peu importe l’or coté : ce n’est que du papier ! Ces hypothèses éliminées, il ne reste plus que le billet vert lui-même. Devenu actif refuge ultime, on peut craindre qu’il soit l’objet d’un vaste mouvement de thésaurisation, du fait de l’absence d’un meilleur emploi, contribuant à plonger l’économie mondiale dans une période de glaciation, quels que soient le niveau et la fréquence des émissions supplémentaires de la Fed. Nous serions alors dans une situation totalement nouvelle, le dollar échappant à la Fed, avec des taux réels divergeant complètement des taux officiels maintenus à zéro. « Winter is coming ! » (citation)

    •  » la monnaie d’une dictature n’a par définition aucune valeur  »

      je ne suis pas certain que le franc crée sous le premier empire, dictature s’il en est, n’avait aucune valeur, avant la chutte finale des années 1812 – 1815 évidement.

      quant au yuan, quand les chinois auront un moindre interet à le voir demeurrer trés bas pour favoriser les exportations, il est peu probable qu’il sévapore comme les mark de la république de weimar: les quantités d’or présentent en chine augmentent d’année en année, la RPC à une autre croissance que les USA, on ne voit toujours pas l’éclatement de la bulle immobilière chinoise arriver, et le foncier ( agricole ou constructible ) à en chine une valeur considérable et il apartient à l’etat.
      quant au fait qu’il n’y ai pas de démocratie en chine, ça plaide plutot pour la stabilité monnaitaire: le gouvernement chinois n’est pas pret de dépenser 20% de plus que ce qu’il a en caisse pour donner des allocations aux étrangers, comme en france.

      • « la RPC à une autre croissance que les USA » : pour en être aussi sûr, il faudrait qu’ils cessent de (se) raconter des bobards sur leur inflation. On peut afficher officiellement 7% de croissance, si on « oublie » malencontreusement 7% d’inflation, la croissance réelle restera nulle.

        « pas de démocratie en chine, ça plaide plutot pour la stabilité monnaitaire » : une dictature génère nécessairement de l’instabilité puisque que la raison de son existence est d’empêcher l’apparition des équilibres spontanés de marchés (qui ne plaisent pas au pouvoir). Il n’y a rien à espérer de la monnaie chinoise tant que la structure du pouvoir ne change pas en Chine.

        Ceci dit, les pays occidentaux ont créé des problèmes du même ordre à cause des politiques interventionnistes, de l’obésité des Etats providentiels ou du fait de l’existence des BC. Entre la Chine et l’Occident, c’est à un concours de nuls qu’on assiste, à qui mènera la politique économique la plus stupide.

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