Comment aider les pauvres et les opprimés, par Walter Block

Le développement, et non l’altruisme, est la seule manière d’avoir un impact durable et efficace sur la diminution de la pauvreté.

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Comment aider les pauvres et les opprimés, par Walter Block

Publié le 6 octobre 2013
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Jour 24 de l’anthologie des 30 textes de Robert Wenzel qui vous amènera à devenir un libertarien bien informé : cette lettre a été envoyée par Walter Block le 21 juillet 2004 à la mission de justice internationale.

L’Institut Coppet vous propose depuis cet été, en partenariat avec Contrepoints, l’anthologie des trente textes libertariens de Robert Wenzel traduite en français. Robert Wenzel est un économiste américain éditeur du site Economic Policy Journal et connu pour son adhésion aux thèses autrichiennes en économie. Cette anthologie regroupe une trentaine de textes qui s’inscrivent quasi-exclusivement dans le courant autrichien et plus généralement dans la pensée libertarienne. Le but principal de cet ensemble bibliographique de très grande qualité est de former au raisonnement libertarien, notamment économique, toute personne qui souhaiterait en découvrir plus sur cette pensée.

Lire aussi les premiers textes de l’anthologie.


Résumé : Walter Block répond à un discours de M. Haugen qui invitait les chrétiens du monde entier à faire preuve d’altruisme et à aider les pauvres et les opprimés, victimes d’un grand nombre d’actes cruels à travers le monde. La réponse de l’économiste est de l’inviter à privilégier le développement économique afin de réduire les actes barbares plutôt que l’augmentation des actes de bienveillance dans la société. C’est la seule manière d’avoir un impact durable et efficace sur la diminution de la pauvreté et la réduction du nombre d’actes répréhensibles.


Clochard à Paris

Par Walter Block. Traduit par Victor Stepien, Institut Coppet

Walter Block est le titulaire de la chaire d’économie de Harold E. Wirth à l’Université Loyola, senior fellow de l’Institut Mises, et chroniqueur régulier pour LewRockwell.com.

Lettre ouverte à la mission de justice internationale

Cher M. Haugen,
J’ai assisté à votre discours au Regent College à Vancouver le 14 juillet 2004. Je voulais faire un commentaire ce jour-là, mais le temps des questions était trop limité. Donc je vous propose de lire mes recommandations par ce biais épistolaire.

Si je devais résumer votre discours, ce serait que des actes cruels ont lieu à une échelle importante à travers le monde en ce moment, et que les chrétiens doivent tenter d’y remédier. Pour cela, les personnes croyantes doivent abandonner leurs propres intérêts, et faire davantage de dons caritatifs, aussi bien en temps qu’en argent.

Selon Adam Smith :

« Notre dîner ne provient pas de la gentillesse du boucher, ni de celle du brasseur ou du boulanger, mais de leurs propres intérêts. Il ne s’agit pas de leur humanité mais plutôt de leur amour-propre, et même pas de répondre à des besoins mais plutôt d’atteindre des objectifs avantageux pour eux. » (La richesse des nations, 1776)

Ce que j’en déduis, ce n’est pas que la gentillesse n’existe pas chez les êtres humains. Plutôt, c’est que cela n’existe qu’en très petite quantité. Ce qui signifie que les êtres rationnels voudront capitaliser sur cette rare et précieuse fleur au lieu d’insister pour qu’elle soit utilisée de manière bâtarde ; ils se rendront compte qu’elle sera toujours en petite quantité, plutôt que de penser qu’elle pourra toujours croître.

Par ailleurs, il existe de bonnes raisons sociobiologiques qui expliquent cela. Ces raisons expliquent pourquoi l’espèce humaine est si « figée » en cette direction. S’il existait une tribu d’hommes des cavernes qui ne s’intéressaient pas en premier lieu à eux-mêmes, pour en exclure autrui, ils auraient disparu il y a bien longtemps. Par ailleurs, si cette tribu hypothétique étalait largement sa gentillesse, au lieu de la garder précieusement pour en faire bénéficier les membres de sa famille, ses amis et ses voisins, ils ne seraient plus de ce monde. On vient de ce genre de peuples ; cela explique plus ou moins la manière dont nous nous comportons. C’est vrai, il existe quelques exceptions, mais elles ne font que renforcer la règle générale. Nous nous occupons de nos petites vies, parce que c’est ce qu’étaient obligés de faire nos ancêtres pour survivre.

Je suis tout à fait d’accord avec votre projet : réduire ou, encore mieux, éliminer, les effets néfastes qui, selon vos propos éloquents, nous paralysent comme les tueries de masse, l’esclavage, etc. Mais la manière donc vous vouliez y remédier, en augmentant le taux de bienveillance dans notre société, et en élargissant son étendue, me paraît vouée à l’échec à partir de ce que je viens de vous expliquer.

Peut-être que vous ne vous en êtes pas aperçu, mais tous les pays que vous citez comme exemples de brutalité sont sous-développés ou rétrogrades (vous utilisez l’expression « en voie de développement », mais ce n’est qu’une tournure de phase politiquement correcte qu’il vaudrait mieux éviter). Ainsi, une manière alternative d’éradiquer la cruauté, ce serait de passer par le développement économique. Fortuitement, Adam Smith nous y apporte encore une fois une solution adéquate. Le titre entier de son livre le plus connu s’intitule : Smith, Adam, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations. En somme, sa recette pour le développement économique reposait, avec quelques timidités, sur le capitalisme de laisser-faire. Murray N. Rothbard, mon propre mentor, va bien plus loin, et critique la façon dont Adam Smith s’éloigne trop de ce but qui est la liberté économique entière (Rothbard, Murray N., 1997. The Logic of Action: Applications and Criticism from the Austrian School. Vol II. Cheltenham, UK: Edward Elgar).

L’idée principale, c’est que le gouvernement qui gouverne le moins gouverne le mieux. Une partie de mes recherches rajoute l’idée que la liberté économique conduit à la prospérité : Gwartney, James, Robert Lawson et Walter Block, 1996, Economic Freedom of the World, 1975-1995. Vancouver, Canada: Fraser Institute. Puisque davantage de richesse réduit l’inhumanité des hommes envers les hommes, il s’agit d’une méthode que vous ne devriez pas négliger, ni même votre organisation.

Selon moi, votre affirmation qui consiste à dire que pour être un bon chrétien, il faut s’efforcer d’enrayer les effets néfastes dont vous parlez, vous devriez apprendre que certains pays sont riches et d’autres désespérément pauvres. Par ailleurs, le proverbe suivant me paraît utile : « Mieux vaut ne pas se battre avec les alligators, mais assécher le marais. » Vous essayez de vous battre avec les alligators, en essayant de secourir la petite Marie ou le petit David ou José. C’est très bien, cela. Je vous félicite. Il faut bien que quelqu’un le fasse, puisque ces injustices ne demandent qu’à être enrayées. Et c’est vrai qu’il existe les phénomènes de la spécialisation et de la division du travail. Mais je pense que vous devriez vous rendre compte qu’il existe également un autre moyen, plus bénéfique et plus global : il s’agit du développement économique qui se base sur les économies de marché.

J’insiste sur ce point non seulement en vue de ce que vous avez dit lors de votre cours magistral, qui ne disait rien des remarques que je viens d’énoncer, mais en vue de la question qu’on vous a posée. Elle a été posée par un jeune garçon qui devait être étudiant au Regent College puisque ses remarques se basaient sur les sornettes marxistes habituelles enseignées dans ce genre d’établissements universitaires. Il vous a demandé si vous n’étiez pas inquiet des problèmes systémiques comme la « violence économique » basée sur la distribution inégale des salaires. (Je ne m’en souviens pas mot à mot, mais c’était plus ou moins ce qu’il vous demandait.) Selon lui, les pays occidentaux devraient augmenter leurs aides humanitaires aux pays sous-développés. Mais il s’agit là d’un manque de compréhension économique monstrueux, comme l’a démontré le travail de Peter Bauer maintes fois. Au lieu de morigéner ce jeune homme comme il aurait dû l’être, vous avez été d’accord avec ses idées de base et vous vous êtes excusé de ne pas utiliser ses principes, à cause de la nécessité de la spécialisation et de la division du travail, ce qui m’a semblé fort louable. Mais ses idées de base socialistes étaient erronées, et si elles étaient mises en place, elles augmenteraient le taux de brutalité dans les pays pauvres, plutôt que de le diminuer.

Cependant, je suis d’accord pour admettre qu’il existe de bonnes raisons qui expliquent pourquoi le marché libre n’est pas à l’ordre du jour. Si ce n’était pas le cas, vous vivriez tous dans un paradis d’économie de marché libre. (À mon avis, à l’époque des hommes des cavernes, nous sommes devenus trop habitués à suivre les ordres du chef de tribu. Et comme nous vivions dans de toutes petites communautés contrairement à maintenant, seule la coopération directe est restée. La coopération indirecte, à travers des marchés gigantesques, est venue bien trop tard dans notre espèce pour s’inscrire dans nos gènes.) Mais tout ceci n’est pas une raison valable pour que des intellectuels comme vous s’abandonnent au refrain du socialisme.

Les pays occidentaux riches n’ont pas vraiment besoin du capitalisme ; un système a déjà été mis en place où le capital et le système légal donnent une prospérité relative, et donc peu de chances de tueries de masse internes. Ce sont les pays d’Afrique pauvres qui ont le plus besoin d’une économie de marché. Grâce à leur expérience heureuse de liberté économique relative pendant des années, l’Occident capitaliste peut désormais se permettre un peu de socialisme pernicieux. Par contre, puisque l’économie de marché est presque méconnaissable dans le Tiers-Monde, l’égalitarisme socialiste sonnerait vraiment le glas de son économie.

En somme, je voudrais conclure avec un dernier point critique concernant votre présentation : enlevez ce clip vidéo qui montre un homme qui tentait d’acheter un enfant ligoté par la police. Vous ne vous en êtes peut-être pas aperçu, mais on pouvait également voir un poste de télévision dans le fond de l’image. Et donc cela veut dire qu’ils ont de l’électricité, et donc un peu de prospérité. Tout ceci est complètement incompatible avec votre récit de gens qui vendent leurs enfants car ils vivent dans une pauvreté extrême.

J’espère que vous prendrez ces remarques comme je le souhaite : pour vous aider à améliorer vos remarques qui étaient déjà très pertinentes au départ.

Sentiments distingués,

Walter Block

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  • C’est un très bon courrier, j’aurais juste un peu insisté sur les effets bénéfiques de l’école autrichienne pour les pauvres et les opprimés.

  • ……tout aussi collectiviste ou holistique que son jeune contradicteur….
    Pitoyable, fondé sur des présupposés faux de ce que sont les sources des mécanismes dits  » de coopération » dans la « horde primitive »: l’auteur croit visblement à la notion de « système » qui serait « supérieur » ( en quoi? ) ou « autre chose » que la somme des interactions entre parties deux à deux!
    Tentative pitoyable de refonder une « main invisible » ou un « providentialisme » laïque ou divin en économie, et plus généralement- sans le dire- une théorie du psychisme animal ou humain fondée sur des algorithmes du contrôle optimal ( très à la mode chez certains zoologues…. et beaucoup de « décideurs » crypto collectivistes « libéraux!!! » ).
    Le résultat final est largement défendable, mais certainement pas pour les arguments avancés.
    Au moins Ayn Rand met t’elle en avant l’individualité!

  • Bien vu ! Mais il est un aspect qui n’est pas évoqué, et qui m’est apparu pendant les années ou j’ai patronné un centre d’aide sociale.

    Le bon gauchiste ne fait rien pour sortir le client de la dèche : il le comprend, le materne, et lui file des tuyaux pour pomper d’avantage de subsides …

    La libérale que je suis voyais ces gens (sauf handicapés bien entendu) comme des citoyens « en panne » qu’il faut réparer.

    La différence est essentielle ! En deux ans en moyenne, mes « clients » étaient tous sortis du cercle de l’assistance, leurs enfants avaient d’excellents résultats scolaire, et la famille épargnait ! Cela demande de se fouler, de faire du cas par cas, mais avec un taux de réussite de plus de 80 %, cela vaut la peine ! Surtout quand on voit que les rechutes sont fort rares.

    La gauche aime les pauvres parce qu’elle en vit, et ne veut surtout pas qu’ils s’échappent …

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