Marc Crapez : « Le libéralisme c’est avoir le courage de ses opinions » (2/2)

Entretien avec Marc Crapez
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Marc Crapez (Crédits : Marc Crapez, tous droits réservés)

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Marc Crapez : « Le libéralisme c’est avoir le courage de ses opinions » (2/2)

Publié le 30 septembre 2013
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Marc Crapez est un habitué de nos colonnes. Cet entretien est l’occasion pour nos lecteurs de le découvrir. Pourquoi est-il libéral ? Le libéralisme a-t-il sa place en France?

Entretien réalisé par PLG, pour Contrepoints.

Première partie ici.

Quelle serait d’après vous la meilleure stratégie pour faire émerger ces idées politiquement ? 

La meilleure stratégie serait d’apprendre à penser contre soi-même. Historiquement, le libéralisme s’est opposé au traditionalisme. Mais il ne s’est pas opposé au traditionalisme en tant que tel et par bon plaisir. Il s’est opposé au traditionalisme dans la mesure où celui-ci faisait régner une chape de plomb sur la société. Le libéralisme estimait qu’il y avait mieux à faire que la reproduction à l’identique. A partir du moment où le traditionalisme est archi-vaincu, le libéralisme peut changer son fusil d’épaule.

Il faut repenser la lettre du libéralisme si l’on veut rester fidèle à son esprit

Dès lors que l’écrasante majorité arbore l’emblème du progressisme, il devient stérile de s’en réclamer. Sachant que le conservatisme est unanimement blâmé, il devient puéril de s’en démarquer. En effet, le libéralisme se défie du dogmatisme. Il s’élève contre toutes les formes d’oppression. Refuse de hurler avec les loups. Il est soucieux d’éviter la facilité et de rompre le consensus, puisque la concurrence est créatrice.

C’est la même chose au sujet du libre-échange, on ne peut pas invoquer Bastiat dont le libre-échangisme fut développé dans un environnement fortement protectionniste, pour justifier un militantisme en faveur du libre-échangisme au sein d’une Union européenne qui le pratique déjà comme un dogme intangible. Semblablement, du temps de Ricardo, le problème de l’exil fiscal ne se posait pas car il n’aurait jamais ne serait-ce qu’effleuré des acteurs économiques dont l’économiste soulignait le patriotisme farouche. Il faut donc repenser la lettre du libéralisme si l’on veut rester fidèle à son esprit.

Le libéralisme ne peut pas se permettre d’être sectaire ni susceptible.

 

Quel regard portez-vous sur les différents mouvements en révolte ? 

Beaucoup d’initiatives sont bienvenues. Le citoyen se réapproprie des questions qui le regardent. Cela dit, soyons lucides, la thématique du ras-le-bol du contribuable n’offre pas d’horizon politique constructif. Le libéralisme ne peut pas se permettre d’être sectaire ni susceptible. Par exemple, des internautes « contrepointistes » se sont scandalisés qu’un économiste hostile à Free ait cette formule : « Quand l’idéologie de la concurrence dessert l’économie ». Rien de choquant, pourtant, au fait qu’il existe une dérive idéologique de la théorie de la concurrence et qu’elle puisse (dans certains cas) desservir l’économie.

De même que la liberté est corruptible en licence et en permissivité, voire en une anarchie de particularismes, passions ou pulsions, il faut bien que le libéralisme puisse être déformé, qu’il existe une corruption intellectualiste de la nature du libéralisme. Ce serait un non-sens philosophique qu’il n’existe pas d’ultra-libéralisme. Pour d’aucuns, l’individu serait en droit d’adresser à la société des doléances illimitées. Ils oublient que le libéralisme ne peut réclamer cette abolition des bornes puisqu’il repose sur le sens des réalités et des contre-pouvoirs.

Le libéralisme peut servir de rationalisation éthique à la sécession égoïste ou élitiste d’individus qui refusent catégoriquement de consentir à l’impôt. Ce libéralisme entraîné par l’ivresse de sa propre logique guette l’avènement d’un état final par assomption d’une harmonie utopique. Ce scientisme épouse l’intellectualisme de gauche, qui repose sur l’utopie du progrès en tant qu’impératif moral.

Je combats les impostures intellectuelles et les cartels idéologiques.

 

Pour finir, quel message aimeriez-vous faire passer pour convaincre du bien-fondé de votre combat ? 

Je combats les impostures intellectuelles et les cartels idéologiques. On a frauduleusement baptisé « libéralisme » l’idéologie libre-échangiste qui guide les élites. Il a été perdu de vue que le libéralisme bien ordonné vise à éviter les situations de monopole. Que le libéralisme s’efforce de promouvoir une liberté loyale et réciproque. Qu’il s’emploie à assurer la pérennité du contrat social en sécurisant les transactions. Qu’il est, en principe, défenseur de la discussion libre et non biaisée.

Faire croire que la France est cernée par des professions de foi protectionnistes, au prétexte que le débat sur la modulation du libre-échange a enfin lieu, c’est oublier que cela ne s’est encore jamais traduit en actes et que le libre-échangisme reste triomphant dans l’Union européenne.

Si l’inflation et le protectionnisme sont des foyers d’effets pervers, autrement dit de conséquences indésirables, il est cependant préférable de garder l’option de mesures de rétorsion protectionniste. Renoncer d’avance à toute modulation du libre-échange est une abdication de sa prérogative politique. L’Europe a trop renoncé à disposer d’une puissance politique garantissant la concorde intérieure et la sûreté extérieure.

Première partie ici.

 

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  • Merci pour votre article fort intéressant.
    Une chose m’échappe cependant, comment peut-on classer de Gaulle dans les libéraux ?

    • Il était surement plus libéral que Staline…….

    • Voir ses propos sur l’étalon or, et l’influence de Rueff.

      • Merci de m’avoir éclairé sur certains points de la pensée politique de DG.
        Je veux bien admettre qu’il a su s’inspirer auprès de certaines sources libérales économiques et bien sûr son attitude après la défaite de 40 renvoie indubitablement à l’idée de liberté, il reste à mes yeux l’homme des réformes terriblement étatistes du conseil de la résistance, de l’ORTF voix de la France, du rapprochement vers Mao ou l’URSS par anti-américanisme (primaire ?) etc, toutes choses qu’on ne peut pas vraiment qualifier de libérales. Enfin merci, je vais creuser le sujet….

        • Croyez-vous qu’un monde mono-polaire a une chance de favoriser la liberté? Du temps désormais heureusement révolu durant lequel les USA était seule super puissance, qu’ont-ils fait? De la merde intégrale. Au moins face à l’URSS la défense de la liberté était le prétexte #1, ensuite pas vraiment.

          De Gaulle en favorisant une troisième voie, a forcé les américains à justifier correctement leur prétendue défense de la liberté tandis qu’ils étaient tentés d’agir uniquement pour leurs vues hégémoniques et a finalement fait diversion dans le conflit est-ouest pour responsabiliser chacun. Politique possible uniquement avec la bombe et une armée sérieuse.

          Il y a bien entendu un aspect bonapartiste que les libéraux purs et durs de contreproints n’avaleront jamais chez De Gaulle. Mais sa politique industrielle quelque peu planiste est autrement plus libérale que celle de ses successeurs et surtout, sa politique étrangère a été juste grandissime. En faveur de la paix, actes à l’appui. Et qu’on vienne pas me parler du discours de Montreal de 1967… Nos cousins québécois nous en parle encore, alors que je ne sais même pas s’ils ont entendu parlé de François Hollande…

    • Il y en a bien qui rajoutent Jésus ou Mahomet dans la liste, alors…

  • bah

    « le libéralisme ne peut pas se permettre d’être sectaire », certes, mais pourquoi un peu plus loin dire, certainement par abus de langage, la chose suivante : « libéralisme bien ordonné ».

    Qu’elle est votre définition d’un « libéralisme bien ordonné » ? au demeurant cette phrase sibylline se confond dans l’idée qu’elle véhicule et de façon paradoxale quant à la définition du libéralisme avec une administration « socialiste » de la société, non ?

  • Je ne comprends pas la partie sur le « libre échangisme ».

  • « Ce scientisme épouse l’intellectualisme de gauche, qui repose sur l’utopie du progrès en tant qu’impératif moral »

    Vous enfoncez une porte ouverte, enlevez « l’intellectualisme de gauche » et la liaison est plus directe. Mettre à gauche tout ce qui ne va pas et à droite tout ce qui ne va pas non plus. Ce fond de politique partisane rallonge le texte, et n’apporte rien à la compréhension de la question libérale. D’ailleurs il faudrait être au dessus de la simple critique des acteurs politiques.

  • Pire que de Gaulle. Merci d’éclairer ma lanterne en m’expliquant comment Jules Ferry, qui a perverti l’idée libérale de l’école libre et gratuite pour tous en machine de propagande étatique, puisse être qualifié de « libéral » ?

    • Sans trop prendre de risque je crois pouvoir affirmer qu’aucun homme politique ayant dirigé la France ai jamais été libéral ni de près ni de loin. Sur une échelle de 1 à 100, 1 étant la parfa

    • Sans trop prendre de risque je crois pouvoir affirmer qu’aucun homme politique ayant dirigé la France ai jamais été libéral ni de près ni de loin. Sur une échelle de 1 à 100, 1 étant la parfait libérale et 100 le parfait étatiste, tout nos homme politique se classerait entre 90 et 99…

  • Après lecture je comprends mieux pourquoi M. Crapez estime qu’il n’y a d’avenir politique qu’au sein de l’UMP.

  • C’est verbeux comme un article du Monde, et creux comme un discours d’énarque.
    Mon cher Marc Crapez, le prenez pas mal, mais vous renforcez l’adversaire en vous perdant dans des circonvolutions fumeuses (ex: sur la concurrence) et en acceptant bêtement leurs slogans bidons (du genre « trop de concurrence nuit à la concurrence »).
    Primo, C’EST FAUX!
    Deuxio, c’est votre devoir de libéral de défendre le droit d’une entreprise à entrer sur un marché comme pour Free par exemple.

  •  » Il a été perdu de vue que le libéralisme bien ordonné vise à éviter les situations de monopole. »

    On ne saurait mieux dire. Aux US, c’est les oligarques Charles et David Koch qui pronent le « libéralisme ».

    • N’importe quoi. Le libéralisme n’est en rien contre les monopoles advenant naturellement. Ces monopoles sont le fruits de la satisfactions des clients et n’importe qui peut venir le contester à tout moment. Les seuls monopoles nuisible sont ceux imposés par l’état car les clients n’ont pas voix au chapitre et les concurrents muselé par la violence.

  • Le libéralisme a bel et bien des valeurs à défendre. Il ne se résume pas à la lutte contre la pensée dominante. La prépondérance de la liberté, le respect de la propriétés et l’exigence de responsabilité ne sont des pas concept auxquels on adhèrent un temps puis qu’on rejettent plus tard en fonction d’obscures calcul politiques ou de considération d’équilibre abscons.

  • Les élites « libre échangistes »??? les monde parallèles existent donc bel et bien alors…
    La liberté « loyale et réciproque » : le concept serais intéressant si il n’était pas vide de sens… La liberté c’est la liberté elle n’a pas à être ni loyale ni réciproque. La liberté c’est juste l’assurance que personne n’exercera de violence en votre encontre pour quelle que raison que ce soit et réciproquement vous n’exercerez pas de violence envers les autres. La liberté c’est l’antithèse de l’état qui n’existe que par la violence.

  • excellent reportage! « la liberté est corruptible en licence et en permissivité » : nous sommes d’accord : http://www.contrepoints.org/2013/04/26/122762-libre-oui-faire-ce-que-je-veux-non

  • Les commentaires sont fermés.

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