Crise des devises : les effets de la création monétaire

Les politiques monétaires de la Fed et de la BCE ont provoqué une instabilité monétaire.

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Crise des devises : les effets de la création monétaire

Publié le 10 septembre 2013
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L’Inde, la Turquie, et d’autres pays s’organisent pour défendre leur monnaie. Au-delà des bruits de bottes du côté de la Syrie, c’est l’information la plus importante de ces dernières semaines. En effet, nous sommes actuellement les cobayes d’une expérimentation monétaire, qui consiste à faire de la politique monétaire l’alpha et l’oméga de la politique économique. L’idée est que la création monétaire crée de la croissance. Cette politique s’appuie sur un curieux syncrétisme qui mélange keynésianisme et monétarisme. Chaque bonne nouvelle sur le plan économique aux États-Unis est ainsi attribuée à la politique monétaire de la Fed, la banque centrale US.

Les faits qui ternissent cette théorie monétaire sont quelque peu ignorés. Déjà, attribuer toutes les bonnes nouvelles économiques aux États-Unis à la Fed est, à tout le moins, exagéré, mais cela a précédemment été évoqué dans l’article « La Fed contre la BCE« . Le sujet de cet article, illustré par la chute de la valeur de certaines monnaies, est la manière d’appréhender l’inflation. Car l’inflation représente le danger de l’excès de création monétaire. C’est ce que démontre la théorie quantitative de la monnaie, mais surtout l’expérience, que ce soit l’hyperinflation brésilienne, ou la stagflation des années 1970. Par conséquent, une bonne politique monétaire doit permettre de créer de la croissance en évitant l’inflation.

Mais l’inflation, qu’est-ce que c’est ? Là est le talon d’Achille de la politique monétaire. Elle s’accommode d’une définition très restrictive de l’inflation, qui ne permet pas de réfléchir à tous les effets d’une politique monétaire.

L’inflation qui est mesurée et diffusée chaque mois est l’évolution des prix à la consommation. Mais pourquoi seulement les prix à la consommation ? Et l’immobilier, par exemple ? Comme par hasard, la crise actuelle provient de l’éclatement d’une bulle immobilière aux États-Unis. Ce qui illustre à la fois l’insuffisance de l’indicateur d’inflation, et de la politique monétaire, qui ignore l’effet Cantillon.

D’autre part, qu’est-ce qu’une augmentation des prix ? Un progrès technique peut provoquer une baisse des prix. Et, dans ce cas, si les prix ne baissent pas, c’est peut-être qu’il y a une inflation due à la politique monétaire. Il est très compliqué de mesurer l’inflation. L’indicateur qui nous est servi chaque mois est une construction très élaborée, qui tient compte justement du progrès technique qui fait qu’un ordinateur au même prix que celui de l’an dernier représente en fait une baisse des prix, du fait de l’augmentation des performances du matériel. Mais cette mesure de l’inflation repose donc sur des hypothèses statistiques finalement subjectives. Il est très difficile, quasi impossible, de mesurer l’évolution des prix pour un produit ou un service donné, tant les produits et les services évoluent. Même un stylo BIC évolue, dans la composition de l’encre par exemple.

Enfin, l’appréhension de l’inflation reste nationale, alors que les effets de la politique monétaire dépassent les frontières. C’est ainsi qu’aujourd’hui certains pays, comme la Turquie, s’inquiètent de voir la valeur de leur monnaie diminuer. Évidemment, pour des Français nourris à la pensée unique, on peut penser que la baisse de valeur d’une monnaie est une bonne chose, qui favorisera les exportations. Cependant, la réalité est un peu moins simpliste. La baisse de valeur d’une monnaie signifie que les investisseurs se détournent du pays en question. Et que ce pays aura du mal à payer ses importations, et pourra même manquer d’investissements, et donc de croissance. Il pourrait avoir des difficulté à honorer ses engagements dans des monnaies étrangères, et donc ne plus pouvoir emprunter pour boucler son budget.

Ces turbulences monétaires sont provoquées par les interrogations sur la politique monétaire de la Fed. En effet, la politique de création monétaire, appelée quantitative easing, a provoqué un afflux de monnaie sur les marchés financiers. Cette monnaie s’est notamment déversée chez les pays émergents, qui proposaient des taux d’intérêt plus attractifs que les taux US. Le Brésil avait dénoncé cette politique, qui faisait augmenter la valeur de sa monnaie. Cet afflux de monnaie se concentre sur des investissements de court terme, et provoque une instabilité monétaire, car ils peuvent sortir du pays à tout moment. La politique monétaire de la Fed, mais aussi de la BCE, a donc provoqué une instabilité monétaire, non prise en compte par les théories keynésienne ou monétariste.

Au-delà des effets visibles sur les taux de change, la création monétaire a d’autres effets qui ne sont pas non plus pris en compte par les théories, et qui sont de l’inflation. Ainsi, la politique des États-Unis qui a consisté à favoriser les prêts hypothécaires a provoqué un boom immobilier  de 2001 à 2007. Cette politique de crédit facile a provoqué une hausse de la consommation également. L’inflation, mesurée par l’évolution des prix à la consommation, n’a pas augmenté. Cependant, l’effet de cette politique sur l’inflation chinoise n’a pas été envisagé. Si les prix US restaient sous contrôle, c’est parce que beaucoup de produits étaient importés de Chine. Le boom de la consommation, provoqué par la création monétaire, avait donc des effets en Chine. Dans quelle mesure l’inflation chinoise était-elle provoquée par la politique monétaire US ? Je ne connais aucun article sur ce sujet.

Les effets de la création monétaire sont largement sous-estimés, car cela dérangerait la thèse dominante du pilotage de l’économie par la création monétaire. Seule l’école autrichienne y attache une importance. Les turbulences monétaire actuelles viennent faire une piqûre de rappel malvenue.

Je ne sous-estime pas les dirigeants de la Fed ou de la BCE. Je suis certain que parmi tous les indicateurs qu’ils surveillent, se trouvent les effets de la création monétaire sur les devises, sur les actifs immobiliers. Je reproche à la théorie économique d’ignorer volontairement tous les effets d’une relance monétaire, car cela remettrait en cause ses thèses. C’est là un grand manque de rigueur scientifique.

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  • L’analyse est bonne, sauf à mon avis sur un point crucial.
    Les USA ont tout fait en connaissance de cause. Pour le QE, la question était: l’inflation sera-t-elle aux USA ou dans le reste du monde? Or très vite, il est apparu que l’inflation se déplaçait chez les émergents. Une économie US trop faible (et des taux faibles), la crise en Europe, une Chine en période de consolidation. Et l’inflation exportée avait ses avantages: hausse du coût du travail dans les autres pays, donc par contraste, attractivité meilleure aux USA, créations de bulles, donc d’instabilité à venir.
    Pour moi, tout est coordonné et pensé longtemps à l’avance. A mon avis, les premiers bénéficiaires de cette politique sont les institutions financières et les spéculateurs américains: qui a fait ‘craquer’ les devises des pays ‘faibles’? Comment expliquer un mouvement coordonné et diversifié, touchant des pays ayant connus des troubles sociaux juste avant?
    ‘Le dollar est notre monnaie. Mais c’est votre problème’.

    • Il ne faut jamais expliquer par la malveillance ce qui peut l’être tout aussi efficacement par l’ignorance.

    • Si dans l’interprétation d’une politique vous hésitez entre machiavélisme et c..rie, n’hésitez plus. C’est la c..rie.

      Autrement dit: Aux États-Unis aussi, il y a des socialistes.

    • Accessoirement, il faut être socialiste pour croire que cette politique sert les États-Unis. L’économie n’est pas à somme nulle.
      Tout le monde perd au socialisme, objectivement.
      La seule satisfaction est peut-être celle de l’appétit de pouvoir et de contrôle des politiciens.

  • « Évidemment, pour des Français nourris à la pensée unique »
    La précision relative aux « fançais » (seuls) et à « la pensée unique » est malvenue dans un article dans lequel, moi français, je cherche justement à comprendre ce qu’est la valeur des ‘choses’ et essaye de mieux comprendre un peu plus chaque jour.

  • Autre manière de dire la même chose:
    Le marché et la planification centralisée étant les deux moyens d’allouer les ressources:
    Le premier exige des taux libres, lesquels montent pour empêcher une allocation fantaisistes (plus ils sont hauts, mieux il faut sélectionner ce dans quoi on investit), sauf création monétaire .

    Les partisans de la planification centralisée sabotent donc le marché avec des taux complètement absurdes.
    Ces taux sont rendus nécessaires par l’ampleur de la dette publique, donc de la planification centralisée.

    Conclusion: Le socialisme est non seulement puéril et destructeur, il empêche le marché de fonctionner et en cela permet aux politiciens socialistes de prétendre que le marché ne fonctionne pas.

  • « Dans quelle mesure l’inflation chinoise était-elle provoquée par la politique monétaire US ? » Les statistiques chinoises sont une vaste plaisanterie, une saillie drolatique renouvelée chaque mois. On comprend que personne ne prenne le risque de se lancer dans une discussion savante à propos de l’inflation chinoise ou de n’importe quel autre statistique venant de ce pays.

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