Le Royaume-Uni sort grandi de son refus de partir en guerre

Le Parlement britannique n’a pas affaibli le monde anglo-saxon, mais a réaffirmé les valeurs démocratiques qui font qu’il mérite d’être défendu.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le Royaume-Uni sort grandi de son refus de partir en guerre

Publié le 6 septembre 2013
- A +

Le Parlement britannique n’a pas affaibli le monde anglo-saxon, mais a réaffirmé les valeurs démocratiques qui font qu’il mérite d’être défendu.

Par Daniel Hannan, depuis Oxford, Royaume-Uni.

« Ces Anglais – singes capitulards mangeurs de rosbif »

Vous ne lirez pas ceci partout, mais voilà. Le rejet parlementaire d’une action militaire en Syrie est positif pour David Cameron et négatif pour Ed Miliband. Plus précisément, c’est positif pour notre réputation dans le monde.

Positif pour David Cameron ? Comment puis-je écrire une chose pareille ? N’a-t-il pas été « sapé », « mortellement affaibli », « reçu un coup en pleine face » et soumis à tout autre cliché journalistique ? Les journaux nous l’assurent ainsi. Durant 72 heures, ils ont titré sur le parti politique ayant « gagné cette journée ». Mais envisageons la possibilité que la majorité des gens soient moins intéressés par fouetter du Tory plutôt que de savoir si nous allons bombarder la Syrie.

Un journaliste, voyant le Premier Ministre reconnaître sa défaite lors d’un vote parlementaire, pense automatiquement « Demi-tour, humiliation ». Une autre personne est plus susceptible de penser « Cameron a écouté le pays, quel beau changement après Blair ». Quand Cameron s’est levé après le vote, je m’attendais à ce qu’il soit paralysé, dise qu’il a pris note de la grande variété d’opinions exprimées, ferait une déclaration en temps voulu et blablabla. Au lieu de cela, il a été un modèle de dignité : il a accepté de bonne grâce que le pays soit contre l’intervention et a promis d’honorer la décision du Parlement.

Personne ne pourrait appliquer le terme de « digne » au comportement révoltant d’Ed Miliband. Lors du débat, j’avais réprimandé une poignée de mes collègues conservateurs sur le ton de leurs attaques contre le chef de l’opposition. Lorsqu’on pèse une décision ayant des conséquences de vie et de mort, je postais sur Twitter qu’il n’y avait aucune raison d’argumenter sur un faible leadership. Je pensais que Miliband, quel que soit son avis, méritait d’être écouté avec respect.

Le problème, c’est qu’il n’en a rien fait. Je ne pense pas que quelqu’un ait la moindre idée de savoir s’il était pour ou contre les frappes aériennes. Je ne suis même pas sûr qu’il ait bien réfléchi à la question. Au lieu de cela, il avait deux buts. Tout d’abord, montrer qu’il n’était pas Tony Blair. Ensuite, critiquer les Tories. Si vous pensez que je suis partial, lisez ce résumé dévastateur de Dan Hodges. Ce dernier a été tellement dégoûté de l’opportunisme de Miliband qu’il a quitté le Labour Party.

Et à propos de la perspective générale – l’idée que la Grande-Bretagne se trouve affaiblie et déshonorée dans le monde entier ? Les dommages à l’alliance anglo-américaine ? L’humiliation de rester là et regarder les Américains y aller avec les Français, que John Kerry a salué hier comme étant « notre plus vieil allié » ?

Ces préoccupations sont fondées sur une vision vraiment étrange de cette relation spéciale – ou plutôt, le point de vue des extrémistes anti-américains. Il est supposé que l’alliance anglo-américaine se résume à une obligation inconditionnelle de la Grande-Bretagne de soutenir les actions militaires américaines. Vous entendez ceci au Venezuela ou en Iran. Je me le suis fait expliquer de façon assez obsessive par un journaliste de la télévision russe récemment. Mais aucun Anglais ou Américain ne pense ainsi.

Plusieurs Américains bellicistes et anglophiles ne veulent pas s’impliquer en Syrie. Par exemple, Donald Rumsfeld a toujours affirmé que cela rendrait les choses encore pire. John Bolton, un ami de longue date de la Grande-Bretagne, considère qu’il s’agirait d’un mauvais déploiement de ressources, et assure à Tim Stanley que la décision du Parlement ne fera aucun mal à l’alliance des puissances anglo-saxonnes.

Il est vrai que Barack Obama est probablement déçu. Franchement, il s’agit cependant de son propre problème. Pourquoi les armes chimiques sont-elle la « ligne à ne pas dépasser » dans une guerre qui a vu des prisonniers mutilés et exécutés, des civils délibérément ciblés, des informateurs décapités ? Parce que le 20 août dernier, le président Obama a répondu de façon confuse et non préparée à un journaliste :

Une ligne rouge, pour nous, c’est de voir plein d’armes chimiques se déplacer et être utilisées. Cela changerait mon calcul. Cela changerait mon équation.

Il suffit de les déplacer ? Et en déplacer juste une petite quantité plutôt que « plein » ? Devons-nous vraiment bombarder un pays, en dehors du cadre d’une intervention de l’ONU ou de la Ligue Arabe, en raison d’une ligne rouge griffonnée de façon si imprécise ?

Posez-vous la question. Dans la situation opposée, serions-nous soutenus par le président Obama ? Nous participons actuellement à deux grands conflits diplomatiques avec l’Espagne et l’Argentine. Dans le premier conflit, l’administration Obama est soigneusement neutre. Dans le deuxième, elle penche en faveur de l’Argentine. J’ai déjà affirmé qu’Obama est le président américain le moins pro-britannique depuis le XIXe siècle. Notre alliance avec les États-Unis est beaucoup plus grande que ce qui arrange en ce moment le Commandant en Chef.

Vous ne trouverez pas de plus grand partisan de l’alliance anglo-américaine que moi. La volonté des peuples anglo-saxons de combattre côte à côte est peut-être le plus grand atout de la liberté dans ce monde. Elle a vaincu les nazis. Elle a vaincu les Soviétiques. Elle a répandu la liberté sur chaque continent et archipel. Parfois, elle nous a demandé d’envoyer des soldats dans des contrées lointaines où nos intérêts immédiats étaient faibles, mais où l’intérêt plus large du monde anglo-saxon était en jeu. La guerre de Corée, par exemple, n’avait pas d’avantage pour les britanniques. Mais elle a convaincu les Soviétiques qu’ils faisaient face à un adversaire déterminé et uni. Une action militaire en Syrie ne fait pas partie de la même catégorie. Ni le Royaume-Uni, ni les États-Unis n’ont d’intérêt national dans cet ancien pays.

Quant à l’idée qu’il est négatif de rester à regarder alors que les Français s’engagent, la situation inverse de l’Irak, ce serait sûrement une division historique des tâches. L’Irak était un protectorat britannique, la Syrie était française. Mon argument principal est que parmi tous les pays du Proche et Moyen Orient, la Syrie est celui où nous avons le moins de responsabilités. Si nos amis français veulent s’impliquer, nous devrions leur souhaiter bonne chance. Je peux voir en quoi cela les concerne. Mais ceci ne nous concerne pas.

Est-ce que notre participation a renforcé la tendance anti-américaine de l’extrême-gauche britannique ? Non. Il est vrai que les mouvements pacifistes, qui détestent toute action militaire américaine par principe, sont opposés à celle-ci également. Mais ils représentent une minuscule fraction de l’électorat. Loin des deux tiers de personnes qui ne sont pas convaincus qu’il faille bombarder Assad.

Beaucoup plus de gens s’opposent à cette campagne particulière, tout en soutenant chaleureusement l’Alliance Atlantique. Je pense qu’un bon nombre d’entre nous pourrait être persuadé d’adopter une ligne plus dure dans la région si nos intérêts étaient menacés. Pour empêcher l’Iran d’acquérir la bombe nucléaire par exemple. En effet, il existe des circonstances où nous pourrions prendre des mesures contre le régime syrien. Si, par exemple, ce dernier faisait un acte de guerre contre notre allié de l’Otan, la Turquie.

Mais, dans l’état des choses, l’argumentation en faveur d’une intervention n’a pas été convaincante. Une majorité des Britanniques et une majorité des Américains s’y opposent. En parlant pour cette majorité, le Parlement n’affaiblit pas le monde anglo-saxon, mais réaffirme les valeurs démocratiques qui font qu’il mérite d’être défendu.


Sur le web. Traduction : Cthulhu/Contrepoints.

Voir les commentaires (9)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (9)
  • C’est certain…. Belle victoire…
    La démocratie anglaise valide l’invasion Irak en inventant des preuves… Et refuse le soutien des des dizaines d’oradour …
    Belle conception de la démocratie …

  • Sûr qu’elle en sort grandie. Pendant ce temps en France la manipulation médiatique continue au quotidien (y compris via Mediapart et le Canard Enchaîné, dont l’indépendance est reconnue par les français et qui sont donc des courroies de transmission plus efficace que la « grande presse » et les « grands médias » auxquels plus personne ne fait confiance).
    Et seuls quelques médias osent s’élever contre et dire la vérité au sujet de la situation syrienne.
    Par exemple : http://www.networkvisio.com/n31-france/article-syrie-manipulations-et-doutes-autour-d-une-ingerence-occidentale.html?id=5751

  • Au moins Cameron a le courage de ses opinions et a refusé de cautionner les mensonges éhontés d’Obama. Le souvenir des mensonges de Blair a certainement pesé … En France Hollande a tellement pris l’habitude de mentir aux français qu’il ne peut plus se contredire, mentir fait partie de sa personnalité ! Triste avenir que nous réserve le capitaine de frégate (récemment promu) …

    • il est vrai que sarkozy , lui , n’a jamis menti aux français……chirac non plus……et les autres avant eux étaient des parangs d’honnêteté……

  • « Ces Anglais – singes capitulards mangeurs de rosbif »
    Je ne comprends pas très bien cette légende !
    singe OK, capitulards, un peu moins que les Français en 40 – Churchill croisant des Français dans les couloirs – ah vous Français, plus intelligents que les Anglais ! (gêne des Français) – Vous, avoir arrêté la guerre parce que vous avoir compris la défaite, nous Anglais ne pas avoir compris et nous continuer la guerre. – Rosbif, à la plage d’accord mais leur préférence c’est le mouton,la panse farcie à la menthe etc. Beurk !

    • Ce n’est pas une légende,c’est juste une allusion à « Cheese-eating surrender monkeys » qui est une façon péjorative de décrire les français aux Etats Unis.Par contre je ne sais pas si c’est utilisé en Angleterre.

  • Je vis au Royaume-uni, et regarde tout ca avec un peu de recul.

    D’apres-vous, quelle est l’opinion de la presse internationale sur Hollande et les Francais qui l’ont choisi comme chef ?

    Sachez juste, qu’hors de France, les journalistes ne sont pas forcement de gauche, ils ne touchent pas d’allocations pour soutenir les ventes, ni mentir, ni se mettre a plat-ventre devant le gouvernement, ils font (pour la majorite) un vrai travail d’investigation et informent.

    … dernier exemple de la qualite des medias francais (connu aujourd’hui du monde entier) : l’auto-censure de l’AFP concernant la photo ridicule du President.

    …comme quoi, on peut etre suce-boules mais de maniere benevole !

    Le monde juge et rigole !

  • Si, comme le pensent certains, il n’y a aucune autre « solution finale » que l’écrasement d’un camp par l’autre et la paix des cimetières, on peut être tenté comme l’est l’Elysée, d’écraser sous les missiles les capacités de bombardement de l’armée régulière syrienne, avec quelque chance d’y parvenir.
    Sait-on estimer combien faudra-t-il de jours à l’armée syrienne pour reconstituer ses capacités offensives à proportion des besoins tactiques, si elle en réchappe.
    Dans l’affirmative – elle les reconstitue – la guerre passera sur le mode « à outrance ».
    Dans la négative – elle se liquéfie comme l’armée de Saddam Hussein – les minorités que le Quai d’Orsay passe déjà par pertes et profits (qataris) seront immédiatement éradiquées par les gentils mercenaires venus en Syrie remonter le Califat !
    Bel avenir.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Voilà maintenant quatre ans que le Royaume-Uni a officiellement quitté l'Union européenne. Depuis le Brexit, la Grande-Bretagne a connu trois Premiers ministres, et d'innombrables crises gouvernementales. Néanmoins, malgré le chaos de Westminster, nous pouvons déjà constater à quel point les régulateurs du Royaume-Uni et de l'Union européenne perçoivent différemment l'industrie technologique. Le Royaume-Uni est un pays mitigé, avec quelques signes encourageants qui émergent pour les amateurs de liberté et d'innovation. L'Union européenne, qua... Poursuivre la lecture

Dès qu’il s’agit du Brexit, cet affront fait à l’Union européenne, la pensée désidérative ou wishful thinking décide dans la plupart des rédactions de l’angle des articles et de la titraille.

Tout se passe comme si la ligne éditoriale dépendait de croyances basées sur ce qui est agréable à imaginer pour un globaliste opposé par principe aux nations libres, plutôt que sur des faits réels, vérifiables ou rationnels. À la moindre occasion, les politiques et les médias mainstream voient poindre la fin du Brexit. Mais la Grande-Bretagne ne ... Poursuivre la lecture

Au début du mois, la ministre britannique aux Affaires et au Commerce, Kemi Badenoch, a signé l'Accord global et progressif pour le partenariat transpacifique (CPTPP), un nouvel accord commercial conclu avec 11 pays d'Asie et du Pacifique, couvrant une zone commerciale d'environ 500 millions de personnes, soit 15 % du PIB mondial. Et ce, avant l'adhésion de la Thaïlande et de la Corée du Sud. Peut-être qu'après tout, à un moment donné, les États-Unis, qui, sous la présidence de Trump, ont décidé d'abandonner l'accord, pourraient également cho... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles