Riche en vue de Dieu : Providence et prospérité dans l’Église depuis la Révolution

L’Économie de la Providence relate comment les ordres religieux et les congrégations ont reconstruit leur patrimoine après les saisies révolutionnaires, grâce à la recherche de nouvelles sources de revenu et à la vie en communauté.

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Economie de la Providence

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Riche en vue de Dieu : Providence et prospérité dans l’Église depuis la Révolution

Publié le 14 août 2013
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L’Économie de la Providence relate comment les ordres religieux et les congrégations ont reconstruit leur patrimoine après les saisies révolutionnaires, grâce à la recherche de nouvelles sources de revenu et à la vie en communauté.

Un article de Will Conquer.

Pendant la Révolution française presque tous les monastères et les abbayes ont été supprimés et leurs biens saisis. Pourtant, après la Révolution française, de nombreux instituts religieux ont très bien réussi à se rétablir, accumulant parfois de grands patrimoines, dans un contexte encore hostile.

L’Économie de la Providence, recueil publié par l’université de Louvain, traite de la question de savoir comment les ordres religieux et les congrégations ont reconstruit leur patrimoine, une condition nécessaire à la croissance du nombre de services religieux, éducatifs et caritatifs.

On est bien loin des légendes d’une Église riche. Loin aussi des clichés d’une Église miséreuse. On voit plutôt le modèle d’une Église prête à se réformer, prête à se sacrifier, prête à tout donner, pour la gloire de Dieu et le salut des hommes.

L’âme au Ciel, les pieds sur Terre

La vie spirituelle est importante, cependant, les aspects économiques ne le sont pas moins. Telle est la conclusion de ce volume qui recueille les contributions en anglais et en français de divers chercheurs et qui veut nous faire comprendre pourquoi les instituts religieux ont connu une ère de grande prospérité économique entre les 18e et 20e siècle, ce pendant que cette période correspond à celle d’une politique de répression étatique intense durant laquelle les États ont confisqué de nombreuses propriétés religieuses.

Pour les couvents la nécessité de rechercher de nouvelles voies d’autonomie économique s’impose pratiquement après la Révolution française. En France, et en général dans toute l’Europe, la vie monastique était possible grâce à de grandes propriétés rattachées aux monastères et abbayes. Lorsque les autorités de l’État décident de s’approprier ces actifs, d’une part plusieurs monastères disparaîtront (surtout du côté des religieuses) et de l’autre, il devient nécessaire de chercher d’autres moyens de subsistance.

Le livre présente différents articles sur cette transition qui se déroule au XIXe siècle. Le modèle économique des ordres fait peau neuve, pour travailler l’agriculture, l’éducation, les hôpitaux, les prisons (où ils sont rémunérés par ces mêmes États !). Avec l’augmentation des vocations et du nombre de moines et de nonnes, les salaires qu’ils recevaient dans le même temps, devient un moyen de soutien et de financement pour les travaux. Aussi parce que la nouvelle structure centralisée des instituts religieux signifie qu’une fois leurs propres frais payés, toutes les maisons religieuses envoient leur surplus au Supérieur général, qui peut l’utiliser pour augmenter ou fonder de nouvelles œuvres. La croissance des vocations permet alors cette expansion. Les Jésuites et les Frères des Écoles Chrétiennes opèrent progressivement un changement pour leur époque avec l’introduction de frais de scolarité pour les élèves, étant donné la diminution du financement des bienfaiteurs (avec l’appauvrissement de la noblesse notamment) ; les modèles de financement évoluent et ces ordres, privés de leurs mécènes et de leur patrimoine, s’orientent vers un modèle de petits donateurs. Si ce modèle est plus stable, il incite aussi à une logique de croissance, qui sert non seulement l’ordre, mais plus encore l’éducation du plus grand nombre.

Un point évoqué en filigrane est le rôle de l’internationalisation des ordres dans leur survie économique. L’existence d’une communauté internationale dont les biens sont repartis sur différents territoires assurent une certaine stabilité financière face aux confiscations arbitraires des gouvernements nationaux, et une porte de sortie quand elles sont poussées à l’exil par des lois liberticides (en France, sous le gouvernement d’Émile Combes).

Enfin, l’étude des documents comptables montre comment la vraie  source de la richesse des ordres religieux et monastiques se trouve dans la vie ascétique des moines et des nonnes. La vie commune, la frugalité, le célibat, l’apostolat, voilà leurs « talents » cachés : une vie spirituelle de ce type en plein « boom » des vocations a produit de la richesse en abondance à réinvestir au bénéfice des autres. 

En somme, en devenant « riche en vue de Dieu » (Lc 12, 21), des hommes et des femmes se sont faits pauvres pour leurs frères, et ont ainsi amassés, pour eux, des trésors dans les Cieux.

Sommaire de The Economics of Providence / L’économie de la providence Management, Finances and Patrimony of Religious Orders and Congregations in Europe, 1773 – ca. 1930 / Gestion, finances et patrimoine des ordres et congregations en Europe, 1773 – ca. 1930 Édité par Jan De Maeyer, Jimmy Koppen, Jeffrey Tyssens, Maarten Van Dijck,  Leuven, Leuven University Press, 2012, 370 pages.

 

  • Maarten Van Dijck & Jan De Maeyer – The Economics of Providence. An Introduction to the Economic History of Religious Orders and Congregations, 1773-1930 / L’économie de la providence. Introduction à l’histoire économique des ordres et congrégations, 1773-1930 ;
  • Preston Martin Perluss – Monastic Landed Wealth in Late-Eighteenth-Century Paris. / Principal Traits and Major Issues ;
  • Bernard Bodinier – De la Révolution à la séparation de l’Église et de l’État. Le sort des abbayes normandes ;
  • Bernadette Truchet – Une reconstitution paradoxale et stratégique. L’enquête de 1900 sur le patrimoine foncier des ordres et congrégations en France : l’exemple de Lyon ;
  • Robert L. Philippart – Luxembourg 1789 – 1914 : entre ciel et terre. Le management habile des ordres et congrégations ;
  • Michel Casta – Le patrimoine fragile des bénédictines d’Erbalunga, 1862-1932 ;
  • Maarten Van Dijck – From Workhouse to Convent. The Sisters of Saint Vincent and Public Charity in Eeklo, 1830-1900 ;
  • Joy Frith – Accounting for Souls. Anglican Sisters and the Economies of Moral Reform in Victorian England;
  • Carmen M. Mangion – Developing Alliances. Faith, Philanthropy and Fundraising in Late-Nineteenth-Century St Helens ;
  • Maria Luddy – ‘Possessed of Fine Properties’. Power, Authority and the Funding of Convents in Ireland, 1780-1900 ;
  • Xavier Dusausoit – Les jésuites et l’argent. Fondation et gestion de cinq collèges jésuites belges au XIXe siècle (Alost, Gand, Bruxelles, Mons et Verviers) ;
  • José Oliveira & Maria de Fátima Brandão – Account Books and the Use of Accounting in the Monastery of Arouca, 1786-1825;
  • Giancarlo Rocca – L’économie des instituts religieux italiens de 1861 à 1929. Données pour une recherche ;
  • Giovanni Gregorini – The Organization and Economics of Religious Congregations in Northern Italy, 1861-1929 ;
  • F. Javier Fernández Roca – Management Strategies of Ecclesiastical Patrimonies in Spain, 1900-1936.

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  •  » la vraie source de la richesse des ordres religieux et monastiques se trouve dans la vie ascétique des moines et des nonnes »

    Ce qui signifie non seulement abnégation, mais aussi dévouement et discipline spirituelle mais aussi au travail.
    Je pense que c’est la qualité de ce travail qui a assuré la prospérité de l’Église. En matière d’enseignement et de soins de santé, deux extensions naturelle du magistère moral, je pense que la qualité des prestations a fortement régressé depuis la nationalisation.
    Inutile d’insister sur l’école publique; quant aux soins, j’ai par exemple l’impression que les soeurs nous auraient évité bien des infections nosocomiales, tant j’ai toujours été impressionné par l’extrême propreté de leurs locaux (supérieure à celle des hôpitaux publics)…

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