Colbert 2.0. ou la relocalisation pour les ploucs

Colbert 2.0. est un programme qui doit permettre aux PME d’évaluer l’opportunité d’une relocalisation de leurs activités en France. Un outil « concret et opérationnel » qui doit servir à « construire une prise de conscience » chez les chefs d’entreprises, a estimé Arnaud Montebourg. Voyons voir…

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Colbert 2.0

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Colbert 2.0. ou la relocalisation pour les ploucs

Publié le 30 juillet 2013
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Colbert 2.0. est un programme qui doit permettre aux PME d’évaluer l’opportunité d’une relocalisation de leurs activités en France. Un outil « concret et opérationnel » qui doit servir à « construire une prise de conscience » chez les chefs d’entreprises, a estimé Arnaud Montebourg. Voyons voir…

Par Tony Bocock.

Quiconque connait un peu les problématiques de l’outsourcing sait bien que cela fait quelques années déjà qu’on ne croit plus aux vertus miracles des délocalisations. L’attrait des bas salaires, en effet, s’est révélé n’être souvent qu’un leurre. En 2011, une enquête menée auprès de 70 sociétés américaines ayant recours à l’infogérance montrait que, si un objectif d’économie de 30% des dépenses informatiques avait souvent été fixé au départ, on constatait plutôt dans les faits une économie moyenne de 15% au cours des 18 premiers mois et, à échéance du contrat, un surcoût de 30% par rapport à un service comparable et bien géré en interne.

Pour réussir, l’outsourcing doit viser un gain de productivité, c’est-à-dire un mix où le coût du travail est mis en correspondance avec les compétences et l’efficacité réelles, ainsi qu’avec les investissements nécessaires. Réussir un tel mix n’est rien de simple. C’est d’abord une affaire de maturité.

Sur ces bases, le Président Obama a lancé un programme de « reshoring », fondé par ailleurs sur des éléments nouveaux et déterminants : la baisse du coût du travail, ainsi que des prix de l’énergie et de l’immobilier aux USA ; dans un contexte où les coûts logistiques internationaux se tendent, tandis que ceux de production augmentent dans les pays émergents.

En France, Arnaud Montebourg a voulu lancer un programme similaire. De quels avantages compétitifs nouveaux dispose-t-il pour le faire ? La question est évidemment assez cruciale. Elle semble cependant avoir peu préoccupé la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services qui, avec l’aide d’excellents experts, vient de mettre sur pied le logiciel Colbert 2. 0. Lancé lundi dernier, il s’agit d’un programme qui doit permettre aux PME d’évaluer l’opportunité d’une relocalisation de leurs activités en France.

Cet outil « concret et opérationnel » doit servir à « construire une prise de conscience » chez les chefs d’entreprises, a estimé Arnaud Montebourg. À travers un questionnaire sur la localisation des achats, des délais de livraison, ou encore sur le taux de produits défectueux, Colbert 2.0 établit un diagnostic qui se veut un véritable assistant dans la prise de décision des chefs d’entreprise. Il propose également un parcours de relocalisation et livre les coordonnées des interlocuteurs de l’État qui peuvent les guider dans leurs démarches. On peut donc comprendre qu’avec une telle arme de pointe, les ambitions soient extrêmement fortes : d’ici à 2017, l’objectif fixé par le Ministère du Redressement productif est de voir… 1.000 nouvelles relocalisations ou nouvelles implantations sur le territoire national.

Pour bâtir l’outil, on s’est d’abord attaché à mettre en avant les avantages comparatifs des territoires, en tenant compte des déterminants et des effets des relocalisations, par secteurs d’activité – sachant que selon les chiffres communiqués, on se fonde sur l’exemple de 107 relocalisations. Parmi elles, on a distingué les « relocalisations de retour », marquant l’échec d’un projet de délocalisation, et les « relocalisations de développement compétitif », qui suivent une logique de compétitivité (hors prix) et d’innovation. En somme, sur la base d’une centaine de cas, on s’est demandé ce qui avait motivé leur relocalisation, en excluant les entreprises l’ayant faite faute de mieux.

Cela a permis d’isoler certains avantages à partir desquels on a cartographié les territoires. On a donc érigé comme critères nationaux d’attractivité et de compétitivité, les avantages que sont venus chercher quelques entreprises. On a travaillé exactement comme les agences de promotion des investissements qui ont fleuri dans les pays en développement ces dix dernières années, portées par les organismes de coopération multilatéraux et dont le bilan parait aujourd’hui un peu plus que mitigé. On a raisonné comme si la problématique de l’externalisation relevait d’une simple balance coûts/avantages alors que, dynamique, elle répond d’abord à une question d’accès aux marchés dans le cadre d’une compétition internationale – en quoi, si elles permettent le développement international, les délocalisations ne sont pas forcément un mal pour un pays.

À partir de telles prémisses, il n’est guère surprenant qu’on se retrouve à favoriser surtout les entreprises high tech, innovantes – celles qui ont le moins besoin de se délocaliser et pour lesquelles les aides publiques, en France, sont particulièrement généreuses ! Libération s’est ainsi amusé à tester Colbert 2. 0. d’abord au titre d’une «Centrale du Bois» de 10 salariés, au chiffre d’affaires inférieur à un million d’euros, envisageant un retour au pays, plus précisément en Ardèche. Après avoir répondu aux quarante-huit questions du questionnaire – telles que «Quel niveau de gain de productivité par l’automatisation de votre processus de production serait susceptible de déclencher le rapatriement d’une partie de votre production en France?» – et avoir indiqué que, pour vendre des palettes de bois, le « fabriqué en France » n’était guère un argument commercial, le logiciel a conclu : « le rapatriement de la production en France ne semble pas relever d’un impératif stratégique à court terme » ! Se déclarant ensuite comme l’entreprise MultiContact, spécialisée dans les produits digitaux haut de gamme, recherche et développement à tous les étages, 60 salariés, 8 millions de chiffre d’affaires, partante pour un retour en région parisienne, le logiciel s’est montré bien plus intéressé, affichant, pour emporter la décision, la liste des aides publiques disponibles…

L’appellation « outil concret et opérationnel » pouvait mettre la puce à l’oreille. En France, on l’emploie surtout quant un sujet n’est pas traité au fond et n’aboutit qu’au lancement d’un gadget censé ébahir les ploucs quelques temps. Une réflexion maigrelette, un logiciel baptisé « 2. 0. » pour faire joli et moderne, la communication roborative d’un ministre au creux de l’été et, au total, l’une des grandes puissances économiques mondiales qui, sur un sujet clé, témoigne d’un niveau de réflexion et d’une capacité d’initiative dignes d’une sous-préfecture.

Inquiétant, non ?

—-
Article initialement publié sur Le Cercle Les Échos.

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  • « bien géré en interne », pour le constater année après année, c’est bien tout le problème en tout cas pour les projets informatiques.
    Cela dit, ce n’est pas bien de se moquer d’un idiot. C’est trop facile.

  • Peut-être que si cet outil avait été nom nommé « iColbert » ça aurait fait mieux… tel quel le 2.0 laisse supposer une version précédente…
    Quant à la mise en place par l’état d’un tel outil il relève au mieux d’une profonde naïveté (je n’ai pas dit : profonde méconnaissance du monde de l’entreprise, ce qui vu les attributions du ministre en question est un aura mot pour dire « incompétence crasse »). Une décision de délocalisation est rarement prise à la légère, le phénomène n’est pas nouveau et lors entreprises commencent à avoir une vision claire des coûts induits, des risques en terme de process, des risques d’image, et des gains potentiels. Dans ce contexte un tel « outil » n’est rien de plus qu’un hochet pour amuser quelques fonctionnaires en mal d’activité et un ministre en manque de couverture médiatique

  • Juste par curiosité, j’aimerai savoir combien a coûté la création et la réalisation de ce Colbert 2.0 pour ne servir quasi à rien et à quasi personne ? Il fallait surement permettre à Montebourg d’occuper l’espace médiatique (Valls fait pareil en ce moment), justifier la pertinence de son ministère par tous les moyens possibles et imaginables, peu importe combien cela coûte… on est pété de tunes, alors au diable l’avarice !!
    C’est vraiment la misère ce gouv.

  • Tout cela est caractéristique de ce gouvernement socialiste noyé dans sa propre idéologie. Au lieu d’améliorer la compétitivité du pays, il cherche à persuader les entrepreneurs que le pays est déjà compétitif. Au lieu d’agir, ils communiquent … des brasseurs de vent en somme …

  • Bonjour,

    Certains disent que la politique de Colbert a été néfaste à la France et l’a lourdement endettée

    Avez-vous de la littérature à ce propos pour me renseigner ?

    Merci

    • @ Amellal Ibrahim : il est effectivement temps, que l’on invente Google, pour que vous ayez des réponses à votre question, ainsi que quelles autres ……

      Mais pour vous guider, le Cran,(Conseil représentatif des Associations Noires), (Rassurez vous, nous, nous ne pourrions pas créer le CRAB, ce serait raciste, et nous serions sûrement sous le coup, d’une accusation gauchisante quelconque, grâce à sa justice du même acabit).

      Donc, ce  » Conseil » trouve  » atroce » d’appeler ce logiciel, du nom de celui qui rédigea le Code Noir ? ! Quel rapport ?

      Le Code Noir, fut rédigé par Colbert, pour justement  » adoucir  » autant faire ce peut, la condition difficile et certes ignoble des esclaves.

      Lu à notre époque, totalement sorti du contexte , il peut choquer effectivement surtout si l’on se force vraiment, à ne pas remettre les choses à leur juste place.

      Pourquoi bloquer son cerveau, sur la période de l’esclavage ? Sinon, pour in fine, bien entretenir des tensions entre les communautés, souffler sur des braises vieilles de plus 350 ans ! tout faire pour que certaines plaies ne puissent pas se refermer?

      A force de divagations sans nom, de ce genre de propos, issues d’associations communautaristes, qui laisse libre cours à leur fantasmes observationnels et revanchards, nous ne sommes pas surs, qu’en finalité, cela n’alimente pas l’inverse de ce qu’ils souhaitent.

      Ceci dit au passage, aucune loi, aucune association, n’éradiquera le racisme. Tout ce que fait la gauche, foire lamentablement, va même à l’inverse de ce qu’elle veut, là, comme ailleurs.

  • Pourquoi un logiciel? Ils sont même pas foutus de tenir un simple blog, et je parle même pas de le rendre attractif 😛

    Ils auraient dû créer un réseau d’agence, avec des guichets tenus par des gens obtus et bien bronzés, c’eut été plus honnête de leur part.

    Les socialistes? Une pièce auto-montée de sévèrement bulbés qui se poussent au cul les uns les autres, pour avancer? Non non juste pour être au-dessus.

  • Rien que le nom…

    Colbert : on joue les modernes, et on se réfère à une époque où, comparativement, l’économie française était sous-développée. On cite en exemple un étatiste forcené, le symbole de la rage dirigiste et de l’ingérence gouvernementale dans l’économie.

    Et on s’imagine séduire les chefs d’entreprise avec ça…

    2.0 : c’était à la mode il y a… combien ? dix ans ? On essaie de se montrer à la pointe de la coolitude technologique, et on ne fait que prouver sa ringardise terminale.

    Rien que la tentative de trouver un nom « mode » et « branché » montre que ces gens-là prennent le problème par le mauvais bout. Les entreprises s’en foutent, que l’Etat soit cool. Ce qu’elles veulent, c’est qu’il soit efficace et discret. Qu’il fasse ce qu’il est payé pour faire, et qu’il ne soit pas sans cesse dans leurs pattes à les empêcher de travailler.

    Quant au site lui-même… Je suis allé voir.

    Pour commencer, loin des promesses de « transparence » et de responsabilité, il est impossible d’y accéder sans s’identifier. Et les éléments d’identification indiqués comme obligatoires sont nombreux.

    A Dieu ne plaise que le gouvernement soit au service des citoyens ! Il s’agit de montrer tout de suite qui est le chef, et ce n’est pas vous.

    Mieux : le site précise que « votre correspondant local relocalisation », ou quelque chose comme ça, est susceptible de vous contacter une fois que vous aurez répondu au questionnaire.

    Ah oui, parce qu’il y a un questionnaire. Vous ne pensez tout de même pas que le gouvernement va vous expliquer honnêtement, tout de suite, là, comme ça, ce qu’il met en oeuvre pour vous aider à relocaliser. Non, non : c’est à vous de donner des informations au gouvernement, et il ne vous dit pas à l’avance ce qu’il compte en faire, naturellement.

    Sinon que ses larbins sont susceptibles de vous harceler au téléphone dès que vous vous serez dénoncé, en ligne, comme un sale délocalisateur.

    Les seules informations que le site consent à lâcher, avant que vous ne vous soyez plié à la double humiliation de l’identification et de l’interrogatoire, suggèrent que ce que vous obtiendrez en retour sera uniquement de la propagande.

    Les délais de livraison ont de l’importance pour vous ? Haha, vous voyez bien, vous êtes très con de faire fabriquer en Chine, il faut y aller à pied, ça prend des plombes et vous ne le saviez même pas.

    Le made in France est un argument commercial sur votre marché ? Hahaha, mais quel abruti vous faites, mon pauvre ami, il fallait nous demander à nous, au gouvernement : on vous aurait dit tout de suite que vos clients allaient vous cracher dessus si vous leur fourguez de la camelote fabriquée par les Papous.

    Sur un site d’aide à la relocalisation, réalisé par le gouvernement pour aider les entreprises, je chercherais, pour ma part, des informations économiques ; des calculateurs où je pourrais saisir mes propres données ; des comparatifs chiffrés montrant, preuves à l’appui, que le coût du travail n’est pas si élevé que ça en France ; des simulateurs pour connaître les aides publiques auxquelles j’aurais droit ; des cas d’école donnant les chiffres significatifs d’entreprises ayant relocalisé avec succès ; etc, etc, etc.

    Au lieu de cela, j’ai droit aux prémices d’un interrogatoire vaguement gestapiste, où je dois travailler pour le gouvernement au lieu que ce soit lui qui travaille pour moi, où l’on me promet la « confidentialité » de mes données tout en m’expliquant que je suis forcé de les livrer (la confidentialité des données fournies à l’Etat ? mais de qui se moque-t-on ? la confidentialité, cela consiste essentiellement à empêcher l’Etat de savoir des trucs sur vous !), et où on fait planer une vague menace sur moi, la menace de tous les chefs mafieux, de toutes les polices politiques et de toutes les polices fiscales.

    Le gouvernement est anti-entreprises. Il les écrase de taxes.

    Il n’aime pas les riches.

    Il n’aime pas les patrons.

    Il hurle à la traîtrise dès lors qu’un patron ou un riche fait mine de s’apercevoir que les limites de la Frônce ne coïncident pas avec celles du monde.

    Il met la fraude fiscale (ou ce qu’il considère comme tel) sous le régime de la législation anti-terroriste.

    Il fait passer une loi qui autorise le recours à des actes illégaux pour persécuter les cibles du fisc.

    Il confie la traque fiscale aux services secrets, c’est à dire à l’armée.

    Puis, il ouvre un site pour, prétendument, « aider » les entreprises à relocaliser, site sur lequel celles-ci doivent commencer par balancer tous leurs secrets commerciaux et avouer le crime de délocalisation — tandis que le gouvernement prend soin de faire savoir que ces informations seront soigneusement compulsées par ses agents (mais ce sera « confidentiel » ! donnez les numéros de vos comptes suisses au fisc, ne vous inquiétez pas, ces informations seront traitées en toute confidentialité !)

    ON SE FOUT DE LA GUEULE DE QUI, EXACTEMENT ?

  • Aller consulter un tel site pour un entrepreneur est une très grave faute de gestion.

  • Qu’on puisse penser qu’un petit questionnaire en ligne bidon puisse être suffisant pour pouvoir juger si oui ou non une relocalisation est avantageuse revèle bien l’imbécilité qui règne au Ministère du redressement productif. Encore une connerie couteuse…

  • Tandis qu’Obama dépensait des milliards pour écouter ses sujets (et les autres) à leur insu, nos astucieux redresseurs ont trouvé qu’il suffisait de quelques millions et d’offrir aux sujets de ce côté-ci de la mare l’opportunité de donner d’eux-mêmes les informations.
    En France, on n’a pas d’argent, mais on a des idées !

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