Le web aux mains des minorités organisées

Le web un champ de bataille partisan où les stratégies d’occupation du terrain sont décisives, plus que les faits et les preuves.

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Le web aux mains des minorités organisées

Publié le 18 juillet 2013
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Le web un champ de bataille partisan où les stratégies d’occupation du terrain sont décisives, plus que les faits et les preuves.

Par Guy Sorman.

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J’ai demandé à Jimmy Wales – à New York – fondateur de Wikipédia, pourquoi les biographies étaient aussi peu vérifiées, bourrées d’erreurs et de jugements haineux. Par-delà mon cas, pour chaque personne citée d’un peu de notoriété, je repère un mélange de faits vérifiables et de jugements à l’emporte-pièce. Jimmy Wales ne nie pas le caractère « instable » des biographies, surtout pour les vivants, précise-t-il. Être vivant et actif mobilise les adversaires et ceux-ci sont plus nombreux à intervenir sur le web que les amis et partisans. Si l’on est d’accord avec tel ou tel auteur ou personne publique, il est rare qu’on aille sur le web manifester son soutien ; les adversaires, eux, ont le temps et la rage. « Quand on est mort, me rassure Jimmy Wales, les biographies se stabilisent et deviennent plus objectives » : en somme, il suffit de patienter.

Les sujets d’actualité sont tout aussi traversés par les controverses et généralement biaisés par des commentateurs engagés. Je consultais récemment « la maladie des frênes », inquiet pour les miens : ils sont menacés de disparaître, dévorés par un coléoptère comme les ormes morts, il y a trente ans. Wikipédia dit tout sur cet insecte, mais attribue sa prolifération à des causes qui paraissent autant idéologiques que scientifiques : la mondialisation, les OGM, le réchauffement climatique. La fiche Wikipédia en anglais ne cite aucune de ces raisons.

Autre exemple : cherchant quelques références sur la Révolution verte en Inde, je découvre avec stupeur que celle-ci a été voulue par des Fondations américaines (Ford) pour déstabiliser la société indienne, conduisant à de nouvelles inégalités sociales et à l’apparition des bidonvilles (sic). Il n’est pas dit sur Wikipédia que, grâce à la Révolution verte, on ne meurt plus de faim en Inde et que le pays est devenu exportateur de riz. Derrière cette interprétation malhonnête de la Révolution verte, on devine quelle idéologie est à l’œuvre : Wikipédia est aux mains des bien-pensants « altermondialistes », fâchés avec notre époque et ce qu’il est convenu d’appeler le progrès.

C’est donc à tort que l’on qualifie le web de « démocratique » : il est un champ de bataille partisan où les stratégies d’occupation du terrain sont décisives, plus que les faits et les preuves. Il faut naviguer sur le web, sachant que les eaux sont troubles. Et Wikipédia, ce n’est pas l’Encyclopédie.

Voir les commentaires (12)

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Créer un compte Tous les commentaires (12)
  • Donc c’est Wikipedia qui est le champ de bataille, pas « le Web »… La preuve, il y a Contrepoints!

  • On ne meurt plus de faim en Inde. pffff, propos débile habituel sur ce site.

  • La discussion et les heurts verbaux (même quand c’est écrit 🙂 ) sont l’essence même de la démocratie. C’est leur absence qui est préjudiciable.
    Mais cela demande une attention et une vigilance de tous les instants. Ce que font certains et c’est pour cela qu’ils sont visibles.

    • Le terbium, métal qui est encore extrait des mines (10 t par an pour une réserve mondial de 300 000) sur wiki en français

      « Le terbium est une ressource non renouvelable dont l’épuisement est prévu pour 2012 » (ref le CNRS en plus !!)

      En anglais, pas une ligne sur cette soi-disante disparition.

  • Entièrement d’accord. En ce qui concerne Wikipedia, la version française est pauvre par rapport à la version US. Je suppose qu’il y a plus d’intervenants sur la version US, et que donc il est plus aisé d’arriver à une version presque neutre. Ceci dit, le Wikipedia français n’est pas si mal, par rapport à ce qu’on peut lire en France par ailleurs.

    • +1
      wikipedia est démocratique, pour le meilleur et pour le pire. Mais au lieu de faire le calimero, vous plaindre et fuir wikipedia, vous pouvez vous battre pour élaguer les conneries qui y sont déversées. Des fois ça ne marche pas, mais des fois si. Et je parle en connaissance de cause.

    • @Vladimir Vodarevski: Il n’y a pas de version US ni française de Wikipédia, mais une version en anglais, et une en français.

  • Au-delà de Wikipedia, si Internet remplace chez bon nombre d’entre nous les encyclopédies et dictionnaires imprimés, pour tout ce qui concerne l’information à caractères culturel et pratique, il est aussi un outil au service des débats d’idées. Mais qu’en est-il réellement ? Les forums dédiés et les espaces offerts aux commentaires sur de nombreux sites et blogs sont-ils vraiment des lieux d’échange, comme se l’imaginent les plus honnêtes – ou naïfs, ce qui tend hélas à revenir au même – des internautes, ou bien les dés sont-ils pipés ? Et par qui ?
    Il arrive en effet que la censure y soit tellement active que réagir à tel ou tel propos prend des allures de sport de haut niveau auquel ne peuvent se livrer que les plus pugnaces et les mieux entraînés des internautes. Bien au-delà de cette vigilance ayant pour objet d’éviter les entorses à la morale publique, à la bienséance, voire à la simple courtoisie, quiconque est d’un avis différent de celui autorisé par ce que blogs et sites qualifient aussi pompeusement qu’abusivement de « ligne éditoriale » est impitoyablement pourchassé et voit ses contributions interdites d’accès, quand elles ne sont pas simplement passées à la trappe.
    A partir d’une maîtrise des techniques ignorées d’un grand nombre d’internautes, les administrateurs de sites auto-qualifiés de journaux en ligne et qui se présentent eux-mêmes comme des journalistes professionnels, gèrent comme ils l’entendent l’information qui défile à longueur de journées sous leurs yeux, aidés par des séides que sont trop souvent les modérateurs. C’est ainsi qu’au nom de la liberté d’expression ils traquent tout ce qui émane des opposants à la cause à laquelle ils se dévouent.Le moindre des aspects de cette dérive n’est pas que des journaux et autres magazines, souvent respectables dans leurs éditions papier, se laissent aller à une telle pratique. Il semble plutôt que les abus de censure soient le fait de collaborateurs de second rang, auxquels est confiée la gestion des sites et autres blogs pour y apprendre le métier, mais aussi de sous-traitants et d’automates dont le réglage ne s’improvise pas et requiert, outre une grande sagacité lors de leur mise en service, d’être sans cesse contrôlés et actualisés, ce qui est loin d’être le cas.
    À quand cet observatoire permanent qui décernerait des distinctions aux forums, blogs et site d’opinion s’étant distingués par leur ouverture d’esprit.

    Le soin avec lequel certains médias en ligne procèdent au nettoyage des commentaires qu’il arrive de déposer à des visiteurs ne partageant pas leurs orientations ou ne respectant pas leur « ligne éditoriale », est aussi admirable que surprenant d’ingéniosité. Il serait même justifié de qualifier ce soin de consciencieux si la conscience n’en était pas précisément absente ; cette conscience qui voudrait que soient respectées la pluralité comme la liberté d’opinion. Car que reste t-il de la leur à ceux qui procèdent à ce nettoyage, quand ce n’est pas à l’interdiction pure et simple de publier ? Une conscience qu’ils n’ont pas en tout cas, c’est qu’un tel refus de remise en cause de ses propres idées tue ou pour le moins gangrène les meilleures. Il est pourtant prouvé et connu que ce qui vit en vase clos et refuse l’échange avec le milieu extérieur est condamné à l’asphyxie à plus ou moins bref terme.

    Ainsi la pensée unique sévit chaque jour un peu plus et c’est ainsi – par exemple – que « l’Observatoire des Inégalités » bénéficie en permanence d’une publicité sur le Net. (cf. actualités Google, rubrique inégalités), où les internautes peuvent lire à longueur de temps « Favorable à la diffusion des données, l’Observatoire des inégalités autorise la reproduction des textes et données dont il est l’auteur … » Comme par ailleurs, ledit observatoire est constitué en forteresse, ouverte aux seuls docteurs dûment acrédités, il n’est pas inutile de souligner que cette faveur s’applique à ses propres textes, publiés sans la moindre possibilité d’y répondre ou de les commenter. Autrement dit, encore un de ces acteurs du e-débat démocratique, non seulement davantage soucieux de véhiculer leurs certitudes que d’en vérifier le bien fondé en les soumettant à la critique, mais semblant ignorer que l’inégalité de traitement de l’information est bien un comble pour un observatoire des inégalités.

  • Où voyez-vous le champ de bataille, alors que le problème est simplement le manque de contribution d’une des parties ? Et puis sur des articles polémique, faire un tour sur la page « discussion » permet de relativiser ce qui est écrit et de savoir quelles sont les infos à prendre avec des pincettes.

    • Wiki, c’est un logiciel avant tout. C’est une source d’information populaire, avec des règles techniques plus ou moins strictes qui contribuent à l’éclosion de certains contenus. Sachant cela, il faut rendre à Jimmy Wales ce qui est à lui: on y trouve beaucoup de renseignements et surtout de sources intéressantes (y compris dans la page discussion). Le Wiki Allemand et Anglais sont mieux fournis, mais selon le thème, la qualité n’a pas de nationalité.
      Dernièrement je n’ai pas pu m’empêcher de réécrire la biographie intéressante d’un grand politicien libéral (décédé), laissée encore après des années à l’état d’ébauche et rédigée de manière franchement peu objective… nuisant plus à l’image du libéralisme par l’excès de naïveté sans doute que par méchanceté. Et dont la page discussion était entièrement vierge.

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Quénel est journaliste indépendant. Il travaille principalement sur le développement des organisations terroristes en Asie du Sud-Est, les questions liées au renseignement et les opérations d’influence. Membre du collectif de journalistes Longshot, il collabore régulièrement avec Les Jours, le magazine Marianne, Libération. Son dernier livre, Allô, Paris ? Ici Moscou: Plongée au cœur de la guerre de l'information, est paru aux éditions Denoël en novembre 2023. Grand entretien pour Contrepoints.

 

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