Quelles leçons tirer de l’échec de l’austérité au Portugal ?

Si l’austérité portugaise entraîne le pays dans un cercle vicieux récessif, c’est avant tout les hausses d’impôts qui sont en cause.

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Quelles leçons tirer de l’échec de l’austérité au Portugal ?

Publié le 12 juillet 2013
- A +

Si l’austérité portugaise entraîne le pays dans un cercle vicieux récessif, c’est avant tout les hausses d’impôts qui sont en cause.

Par Jérémie Rostan [*].
Un article de l’Institut économique Molinari.

La toute récente démission du ministre des Finances portugais, Vitor Gaspar, est partout présentée comme une énième preuve de l’échec des politiques d’austérité. De fait, alors que le FMI prévoyait un retour de la croissance début 2013, accompagné d’un alignement du déficit public sur les critères européens, la récession portugaise devrait empirer cette année, et avec elle le déséquilibre du budget. Le problème est que l’on prétend en conclure que la réduction des dépenses publiques doit laisser place, en Europe, à des « politiques de relance ». C’est-à-dire que, faisant l’amalgame entre la discipline budgétaire et les programmes d’austérité actuels, on exploite l’échec des seconds pour repousser à jamais la nécessaire réforme des États-providences européens.

Or, depuis 2011 et le plan d’aide de la Troïka, l’austérité portugaise a bien plus porté sur l’augmentation des prélèvements que sur la réduction des dépenses du gouvernement. Lors de la présentation du projet de budget 2013, Vitor Gaspar défendait ainsi d’« énormes hausses d’impôts » – représentant de fait 80 % de l’ajustement fiscal prévu. Les dépenses publiques, elles, ont augmenté de 2 points de PIB par rapport à 2008.

Dans une large mesure, ce sont pourtant ces dernières qui sont responsables de la situation actuelle du Portugal. Celle-ci ne date ni de 2011, ni de 2008, mais de plus de 10 ans. Sur cette période, le pays a été en quasi stagnation, croissant de 0,7 % en moyenne, le taux le plus faible des économies de la zone euro. Une des principales raisons en est l’importance du coût du travail pour les entreprises du pays, lequel grève l’emploi et la compétitivité internationale. Le taux de chômage officiel frôle aujourd’hui les 18 % au Portugal, mais s’élevait déjà à 8 % deux ans avant la crise financière ; et le pays se classe 49e sur le plan mondial en terme de compétitivité, handicapé dans son classement par le fait que le gâchis de ressources par l’État y est jugé le plus grave (133e sur 144).

Outre un coût unitaire du travail excessif, le Portugal souffre donc d’autres maux structurels, parmi lesquels un environnement peu propice à l’entrepreneuriat (notamment en termes de fiscalité sur les entreprises et d’entraves à la libre-concurrence dans les secteurs protégés), un marché du travail rigidifié par la protection avantageuse des insiders, et un secteur public surdimensionné. Au Portugal, plus de 12 % de la population active employée… l’est par l’État.

Le gouvernement actuel a bien essayé de remédier à cette partie du problème par une réforme du mode de financement de la protection sociale, ainsi que par une baisse des salaires dans la fonction publique. Mais rejetée par l’opinion et annulée par la Cour constitutionnelle du pays, aucune des mesures n’a véritablement abouti.

L’histoire économique récente du Portugal est représentative de ce que l’on pourrait appeler la fatalité de l’État-providence : la croissance des dépenses de l’État empêche celle de l’économie censée les financer. D’où la logique de surendettement dont les effets sont les plus visibles dans ces pays de la zone euro où, au sortir d’une dictature, la démocratie sociale a voulu rattraper ses voisins sans en avoir les moyens productifs : Grèce, Portugal, Espagne.

Mais la France n’est pas à l’abri, et à moindre échéance qu’on ne le croit. C’est pour cela qu’il importe de ne pas se mentir et prétendre que les réformes de la protection sociale et de la fonction publique ne peuvent être que maléfiques. Si l’austérité portugaise entraîne le pays (comme tous ceux qui suivent la même voie, d’Athènes à Londres) dans un cercle vicieux récessif, c’est avant tout les hausses d’impôts qui sont en cause. Celles-ci sont rendues nécessaires par le niveau des dépenses publiques et par la grande difficulté à les limiter. Dans ce contexte, elles sont aussi la seule alternative à une catastrophe financière dont les conséquences ne seraient certainement pas plus désirables.

S’il est un appel à lancer face à l’échec des politiques d’austérité en Europe, l’urgence est donc, non pas aux « politiques de relance, » mais au contraire à la baisse des dépenses publiques, et plus profondément à la refonte du système entier qui les sous-tend.

On irait jusqu’à évoquer une « nouvelle révolution française ». Pour qui l’a oublié, la première fut une révolte contre l’impôt, la dictature réglementaire, et les privilèges, dans un contexte de surendettement de l’État…


Sur le web. Publié initialement sur 24hGold.

[*] Jérémie Rostan enseigne la philosophie et l’économie à San Francisco. Il est l’auteur, en plus de nombreux articles pour mises.org et Le Québécois libre, de guides de lecture aux travaux de Condillac et de Carl Menger, ainsi que d’un ouvrage, Le Capitalisme et sa Philosophie, et de la préface a la réédition de L’éthique de la liberté de Rothbard (Belles Lettres).

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  • Le socialisme a tué l’économie portugaise et plombé les mentalités.

    Du temps de Salhazar, tout le monde avait du travail, et les plus modestes avaient un toit, et une table bien garnie. Mais aussi une bonne école, et des soins de santé.

    Après la révolution des oeillets, des entreprises qui ont subi … 275 jours de grève en un an, et autres fariboles, une foule de salariés se sont retrouvés sans emploi, on a majoré considérablement et inutilement le nombre de fonctionnaires, découragé l’entreprise, et tué tout ce qui fonctionnait.

    Pour prendre un exemple au bas de l’échelle, toute famille vaguement « bourgeoise », même un tout petit commerçant, avait deux bonnes, chiffre qui augmentait avec l’aisance du foyer. Ces filles avaient un travail fort cool, étaient logées, chauffées, nourries, blanchies, avaient un petit salaire, mais aussi une dot quand elles se mariaient. A présent, il reste au mieux une aide ménagère quelques heures par semaine, et toutes ces gamines sont à charge de leurs familles.

    Un de mes amis, médecin qui tenait une permanence dans un centre médical pour défavorisé, me disait épouvanté que, pour la première fois de sa vie, il voyait arriver des enfants « avec un gros ventre », donc totalement sous-alimentés. Formidable progrès social.

    Ce n’est qu’il y a deux ans que les portugais sidérés ont réalisé que leur gouvernement socialiste n’avait jamais rien fait que creuser la dette. Ils l’ont viré aussi sec, mais le pli est pris, il faut de l’Etat Providence, encore et toujours.

    Heureusement, le portugais est naturellement très attaché à son pays mais aussi très mobile : il décide en quelques minutes de « resolver a sua vida », fait son baluchon et s’en va. C’est cette diaspora qui est la plus prometteuse.

    Mais dans le pays, la dynamique est faible, et le redressement sera fort long …

    • A quand un autre Salazar…

      • Ah, pitié. Salazar c’est pas un libéral, juste un nationaliste conservateur, un genre de Pétain, en plus malin.

        • Oui, Salhazar était un type modeste, agé, rêvant d’un, pays heureux et paisible, mais économiquement à la fois sain et dépassé.
          S’il règnait par la terreur, c’était celle de son esprit d’une vivacité incroyable : pas un Ministre n’osait le voir sans avoir au préalable lu toute la presse internationale 🙂 au risque d’un petit sourire et d’un « vous êtes bien Ministre, n’est-ce pas » … Ca suffisait !

          Au fond, c’est ce de Portugal là que rêve Marine Le Pen … sauf qu’elle ne lui arrive pas à la cheville.

          Quant à l’image donnée par les médias, elle est comme d’hab archi fausse. Rien d’un dictateur blindé !

          Chaque jour, il quittait sa modeste petite ferme pour se rendre à S. Bento, dans une vieille américaine des années 50, conduite par un chauffeur largement septuagénaire. Une sentinelle « d’honneur » à l’entrée, une vieille religieuse qui tenait sa maison, et un Président qui vous reconduisait lui-même à la porte en vous aidant à mettre votre manteau ….

          Quand je vois Taubira faire du vélo avec 4 body-guards … 🙂

          En Belgique, aucun Ministre n’a de protection, et plusieurs se déplacent par facilité en vespa …

          • à lire Salazar le regretté de Jean-Claude Rolinat. un livre très intéressant. certes l’auteur fait parti de la mouvance nationaliste et donc n’est pas impartial mais cet ouvrage court, lisible, synthétique mais précis, justifié et référencé, facile à lire. aujourd’hui, 41% des Portugais considèrent Salazar comme le plus grand de leurs compatriotes, devant le navigateur Vasco de Gama. même si Salazar n’était pas du tout libéral et même si c’étit un dictateur, j’avoue que j’ai beaucoup de sympathie pour lui. c’était un grand homme

    • « Au bas de l’échelle, toute famille vaguement « bourgeoise », même un tout petit commerçant, avait deux bonnes, chiffre qui augmentait avec l’aisance du foyer. »

      Ce que vous décrivez là me paraît plus l’apanage d’un pays pauvre que d’un pays libéral. Un tout petit commerçant suisse ou australien n’a pas deux bonnes, que je sache.

      Cela sans vouloir critiquer le Portugal que vous avez connu. Ce mode de vie peut aussi avoir des vertus. Mais il ne faut pas en faire une peinture idyllique.

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