Le Droit naturel : analogie avec le langage

Initiation au droit naturel classique par l’intermédiaire d’une analogie avec le langage.

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Le Droit naturel : analogie avec le langage

Publié le 19 juin 2013
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Initiation au droit naturel classique par l’intermédiaire d’une analogie avec le langage.

Par Aurélien Biteau.

JusticeSi la plupart des libéraux s’accordent sur la nocivité de l’inflation législative fondée sur une certaine forme de positivisme juridique et défendent le droit naturel, il existe pourtant des divergences quant à la définition de celui-ci. Sans compter que certains vont jusqu’à dire que le droit naturel n’existe pas.

Deux grandes conceptions du droit naturel se distinguent : l’une classique, fondée sur le réalisme philosophique et née dans l’Antiquité ; l’autre moderne, davantage idéaliste et développée durant la période moderne (XVI-XVIIIè s.).

La version moderne du droit naturel a remporté un succès important en se trouvant être le socle essentiel du libéralisme en tant que philosophie politique : Hobbes, son précurseur, Locke, et les grands textes révolutionnaires (la Bill of Rights anglaise de 1689, la Bill of Rights américaine de 1789, la DDHC française de 1789, etc.) en ont posé les jalons, repris et développés par de nombreux philosophes, économistes et hommes politiques dont Bastiat, Ayn Rand ou autre Rothbard comptent parmi les plus populaires.

Leur essor, suivi par leur corruption sous la forme des Droits de l’Homme contemporains et du positivisme juridique, a mis en retrait la conception classique du droit naturel, voire l’a rendue presque inintelligible à nos contemporains, si bien que cette conception a connu un déclin intellectuel important, malgré l’intérêt qu’elle représente pour la défense de la liberté.

Par cet article, je souhaiterais mener une sorte d’initiation au droit naturel classique par l’intermédiaire d’une analogie avec le langage (le français servira de cas concret). En effet, le langage est l’exemple le plus intuitif et le plus simple à comprendre de phénomène spontané. Or le droit classique participe comme lui de l’ordre spontané et présente donc des points de similarité.

Tout d’abord, dans la conception classique, le droit est une chose. Le droit est objectif, et non pas subjectif : il ne se trouve pas dans les individus, il n’appartient pas au sujet et n’est pas une faculté de ceux-ci, ni un pouvoir. Les individus ont la faculté d’agir, de croire ou de penser, mais le droit n’est pas une faculté de l’individu et ne se confond pas avec celles-là.

De la même façon, le français est une chose objective. On peut étudier le français sans avoir à étudier les individus français. Bien sûr, les Français ont la faculté de parler français, et les étrangers de l’apprendre. Mais cette langue, comme le droit, n’appartient pas au sujet. Il s’en distingue.

Second point : le droit permet de résoudre des conflits juridiques réels, c’est-à-dire qui se posent réellement dans la société. Il ne s’agit pas d’analyser l’idée abstraite de l’Homme pour y trouver l’idée des conflits qu’il peut rencontrer et l’idée du droit vrai immuable. Nulle question de fiction juridique entre Robinson et Vendredi. Le droit naturel classique consiste à trouver, par les conflits réels proposés au juge, les solutions de droit appropriées.

Dans le cas du langage, personne ne s’amuse à chercher dans l’idée de l’Homme son juste langage, nul ne fait de propositions de la bonne langue à partir de robinsonnades. Spontanément, le langage se développe pour faciliter la compréhension entre les hommes réels.

Troisièmement, le droit est évolutif. Les conflits réels changent au cours du temps, au fur et à mesure des progrès économiques, des innovations technologiques ou bien de l’essor de tel ou tel type de philosophies ou religions. Par conséquent, les solutions de droit du passé peuvent ne plus être celles du présent. L’esclavage, par exemple, a disparu, mais la propriété est restée et nous faisons encore usage du vocabulaire juridique romain sur ce point.

Il en va de même pour le langage comme chacun sait. Le français évolue constamment, et il serait difficile de comprendre aujourd’hui un Français du XVIè s. Les facteurs influençant l’évolution de la langue sont par ailleurs plus ou moins les mêmes que ceux qui influencent le droit.

Quatrièmement, le droit n’est pas identique d’une société à l’autre. Le droit résout des conflits réels ayant lieu dans des groupes particuliers. Par conséquent, il ne saurait être identique pour tous.

La langue ne diverge pas sur ce point : elle n’est pas partout la même. On ne parle pas la même langue en France et en Espagne ou en Chine, et même au sein d’un même groupe linguistique, il existe des différences. On ne parle pas le même français au Québec et en France. En France, par ailleurs, on se dispute entre « pain au chocolat » et « chocolatine », tandis que le français populaire n’est pas celui châtié des intellectuels. Rien de ceci n’est grave, puisque la fin du langage est la communication et la compréhension au sein d’un ordre à multiples degrés.

La communication est plus difficile entre deux groupes linguistiques distincts. De la même façon, il est plus difficile de trouver le droit lors de conflits opposant des individus de groupes distincts.

Cinquièmement, le droit est objet de connaissance. Le juge a pour fonction de connaître et dire le droit. Ceci nécessite de compiler les solutions de droits, c’est-à-dire les jurisprudences. Ces compilations de jurisprudences ont une valeur importante dans la mesure où elles offrent au juge des solutions de droit valides lorsque des cas similaires lui sont présentés. Mais elles ne sont pas immuables et peuvent disparaître. En aucun cas le droit n’est une loi. Le juge ne commande pas, il dit le droit.

Ainsi en est-il du langage et du français. Même si nous parlons spontanément le français, nous l’apprenons en vue de communiquer et comprendre, et pour ce faire, nous utilisons des « compilations » de grammaire, de conjugaison et de vocabulaire. Le dictionnaire est une compilation du vocabulaire utilisé à une époque donnée. Chaque année des mots y entrent et d’autres disparaissent. Mais les mots du dictionnaire n’ont pas de valeur absolue, si bien que les usages évoluent. Un dictionnaire du siècle dernier est complètement différent d’un dictionnaire actuel.

Sixièmement : nul ne décrète ni ne planifie le droit. Le juge cherche, puis dit le droit. Il ne l’invente pas. Le droit n’est pas plus antérieur aux contingences du réel et n’est pas un commandement de la raison. Il n’y a pas de droit universel et immuable.

Personne n’a planifié le français. On peut toujours essayer de construire une langue ex nihilo, comme l’est plus ou moins l’esperanto. Ça n’en fait pas une langue pour autant si elle n’est pas utilisée et ne facilite pas la communication entre les individus, malgré ses intentions. Il n’existe pas de vrai langage de l’Homme.

Septième et dernier point : le droit tend vers un équilibre juridique et a pour but la justice, en limitant les conflits et en présentant les solutions de droit adaptées aux conflits réels, spontanés. Mais le droit n’est pas l’équilibre juridique lui-même.

C’est la même chose pour le langage qui reste imparfait. Il facilite la compréhension des individus et son évolution a toujours cette fin, mais il reste possible que des individus arrivent à ne pas se comprendre parfois.

Comme le langage, le droit est un phénomène spontané. Contrairement aux droits naturels modernes et à tous les systèmes légalistes, le droit n’a aucune prétention à l’absolu, à l’universel ou à l’immuable. Et pourtant si le caractère utopique d’un langage construit saute aux yeux, il peut être difficile de percevoir le caractère utopique des droits naturels modernes, qui appartiennent par ailleurs davantage au champ moral qu’au champ juridique.

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  • Je me demande pourquoi, alors qu’il y a un avant et un après, qu’il y a le midi, certains disent une après-midi.

    • On dit un demi, un jour et un nez, mais une demi-journée. Chaque objet, chaque individu existe par lui-même et ne doit pas hériter ses propriétés de ses constituants, mais en être doté indépendamment, du simple fait de son existence.

  • Pourquoi dites vous que le droit est une notion objective et non subjective ?

    Droit objectif et droits subjectifs recouvre deux notion différente.

    On écrit d’ailleurs Droit objectif (avec une majuscule) et droits subjectifs avec une minuscule pour bien les différencier.

    Les droits font partie de l’étude du Droit.

    • Il est question dans cette article de philosophie du droit et de la conception classique du droit, formulée par Aristote. Rien à voir avec une étude du droit actuel.

      Dans cette conception, il n’y a absolument aucune subjectivité du droit. Il n’y a aucun droit « de l’Homme » ou de « l’individu ». Ca n’existe pas. Le droit est un objet, une chose, qui ne tient pas du sujet : il est objectif.

      C’est à partir du Moyen-Âge que petit à petit on va commencer à dire qu’il y a des droits du sujet. Mais c’est une lente évolution qu’il prendrait trop de temps à expliquer ici.

      • Les grecs n’avait pas découvert la notion de personne qui viendra avec les Romains.

        Pas étonnant qu’Aristote ne connaisse pas les droits subjectifs.

        Pour les grecs, il n’y avait que la cité. C’est pourquoi ils ont été balayés par la très individualiste république romaine.

        • Pour les Grecs, il n’y avait pas que la cité. Et pour les Romains, il n’y avait pas que l’individu.

          Les Romains ne connaissaient pas non plus les droits subjectifs et le droit romain est une application assez stricte de la philosophie aristotélicienne de la justice. Les droits subjectifs, ça n’apparaît que partiellement au Moyen-Âge, et ça n’existe en tant que théories véritables qu’à partir du XVIIè s.

          Je vous invite à vous tourner vers les ouvrages que j’ai listé un peu plus bas en réponse à Fabrice Descamps. Si vous avez peu de temps disponible pour la lecture, je recommande le Droit et les Droits de l’Homme de Michel Villey.

        • L’armée romaine était plus forte.

        • Cette affaire de personne est peut-être un peu plus compliquée qu’on ne le dit. Le mot « personne » est effectivement latin (par emprunt à l’étrusque). Mais le concept ? En tant que concept juridique, c’est sûr que les Romains ont beaucoup à y voir, par exemple avec la distinction personae, res, actiones (mais Gaius est finalement assez tardif). Mais il ne faut pas trop durcir les choses, car le droit se nourrit aussi de ce qui n’est pas lui. Ce passage de Marcel Mauss est suggestif :

          « Je précise : je pense que ce travail, ce progrès, s’est surtout fait avec l’aide des Stoïciens,
          dont la morale volontariste, personnelle, pouvait enrichir la notion romaine de personne et
          même s’est enrichie elle-même, en même temps qu’elle enrichissait le droit. Je crois, mais
          ne puis malheureusement que commencer à prouver, qu’on ne saurait exagérer l’influence des
          écoles d’Athènes et de celles de Rhodes sur le développement de la pensée morale latine – et
          inversement, l’influence des faits romains et des nécessités de l’éducation des jeunes Romains
          sur les penseurs grecs. Polybe et Cicéron déjà témoignent, comme Sénèque, Marc-Aurèle,
          Épictète et d’autres plus tard. »

          Marcel Mauss, Une catégorie de l’esprit humain, : la notion de personne et celle de « moi », Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. LXVIII, 1938
          http://classiques.uqac.ca/classiques/mauss_marcel/socio_et_anthropo/5_Une_categorie/une_categorie_de_esprit.pdf

          D’ailleurs je crois que Villey fait un sort aux Stoïciens. Quant on parle des Grecs, il ne faut pas être trop obnubilé par Platon et par Aristote.

  • Carl Menger donnait le langage comme exemple de système auto-organisé du type du marché.

  • A côté du langage standard, il y a, pour des usages spécialisés, (1) des sous-langues normées comme dans les commandements militaires, les ordres dans la marine, (2) des systèmes de communication construits et normalisés strictement : notations mathématiques, logiques, informatiques, chimiques, etc.

  • L’idée de comparer une règle de grammaire à une compilation jurisprudentielle sur un point donné est intéressante. Il s’agirait de prendre une décision relative à une situation en suivant une procédure qui a été trouvée et (provisoirement) établie, par une série de décisions des utilisateurs ?

    Par exemple, en français standard, si je dois affiner la caractérisation d’une entité, je peux m’appuyer sur la règle de construction des propositions relatives, qui me fera dire « Voici le manuel de droit dont je vous ai parlé », et pas « Voici le manuel de droit que je vous en ai parlé » (dans d’autres langues on dirait quelque chose de ce genre, parce que l’histoire de ces langues a abouti à sélectionner une solution différente au problème).

  • Huitième point: comme pour toute activité humaine, les positivistes tentent de prendre le contrôle.

    Pour la langue française, citons l’Académie Française, organisation chargée fixer la langue française, de lui donner des règles, de la rendre pure et compréhensible par tous… Alors qu’il n’y en a nul besoin et que nul ne l’a jamais demandé.

    Citons également l’écriture dite « épicène » devant permettre d’apprendre à écrire en respectant « l’égalité des sexes », transposant les combats sexistes dans la langue.

    Citons enfin la novlangue produite annuellement pour cacher ou dénaturer tel ou tel concept, ou les mots artificiels inventés afin de combattre l’odieux impérialisme linguistique anglo-saxon, correspondant cette fois-ci à la transposition de luttes politiques fantasmées, toujours sous l’égide de l’état.

  • « Sixièmement : nul ne décrète ni ne planifie le droit. Le juge cherche, puis dit le droit. Il ne l’invente pas. Le droit n’est pas plus antérieur aux contingences du réel et n’est pas un commandement de la raison. Il n’y a pas de droit universel et immuable. »

    Avec cette approche, comment vous assurez vous que le juge reste de bonne foi et ne cède pas à l’arbitraire en prétendant parler au nom du Droit Objectif. Et même plus, qu’en est-il du juge de bonne foi qui se trompe en identifiant le Droit naturel?
    Est-ce uniquement le juge qui est qualifié à identifier ce qui relève du droit objectif et ce qui n’en n’est pas?

  • La loi « naturelle » des anciens ( Epoque avant Guillaume d’Occkam et Saint Augustin) cherchait juste à savoir qu’elle étaient les institutions minimales nécessaires au bon fonctionnement d’une société. C’était une philosophie du droit réaliste par rapport au connaissance de leur époque. Après c’est une devenue une théologie ( à partir de l’époque de Guillaume d’Occkam mais surtout à partir de Saint Augustin) puis une vision sécularisée de cette théologie ( Althusius, Hobbes, Locke, Rousseau). Bref  » le droit naturel » défendus par les libéraux actuels c’est juste une éthique politique normative et pas une méditation intangible sur l’être humain.

    • « à partir de l’époque de Guillaume d’Occkam mais surtout à partir de Saint Augustin » ? Je ne comprends pas bien. Qui est avant qui ? Le « mais surtout à partir de » rend Augustin postérieur à Ockham.

      • Sorry je me suis emmele les pinceaux. Saint Augustin est bien évidemment antérieur à Occkam. Mais ils sont tous les deux précuseurs du nominalisme et d’une vision théologique du droit naturel. En plus je pense qu’il abuse de la logique par induction sur les règles de droit. Ainsi on a le droit aujourd’hui à des remarques même chez des auteurs intelligents pour nous parler d’une méthodologie des droits de propriété à l’état de nature. Il confonde la possession (usus) des premiers hommes avec les droits de propriété instaurés par les premières autorités « centralisés » qui sont bien des conventions.

        • Ce que vous dites n’est pas tout à fait vrai. Lorsqu’Ockham traite du droit naturel, il se fonde sur et reprend les sources canoniques dont le Decretum de Gratien et ses commentateurs. Il n’a pas apporté de révolution dans le domaine du droit, mais s’est inscrit dans une lente évolution dont il n’est pas l’initiateur.

          Pour plus de précisions, voir Brian Tierney – The Idea of Natural Rights.

          • Gratiem est un théologien qui s’inspire du droit canonique de l’époque est donc de Saint Augustin , toutefois je me demande à vrai si la théologie médiévale qu’augustine enfin bon. Alors peut être qu’il y a peu de reste de pelagisme ( cf opposition Pelage Saint augustin comme tout le monde le sais) mais bon tout le monde s’en fout de ce point. Mais je crois bien qu’ockam s’inspire de Saint-Augustin de manière directe.

            Enfin l’essentiel pour conclure c’est que il y a une différence entre philosophie du droit (inspiré des anciens Aristote et une partie des penseurs médiévaux qui essaie de se baser uniquement sur la logique et la raison de bonnes instiutions) et le droit naturel comprs non comme la loi naturelle mais clairement l’existence des droits intrèsèque de l’homme à l’état de nature, un état qui n’a jamais existé ( l’homme étant une évolution d’espèce vivant déjà en groupe) et auquel certains penseurs (coucou rothbard) se contorde en robinsonnade où ils évoquent des droits de propriété en faisant une double erreur. Déjà l’état de nature un homme seul gambadant dans la nature croisant ève ou vendredi et deuxièmement: la possession des premiers hommes dont la légitimité était exprimé par des coutumes variables et évolutive n’est pas le droit de propriété qui est une convention moderne ( par rapport à l’histoire de l’homme) de la civilité des membres d’un groupe plus dense et non un droit intrinsèque.

          • Le Decretum de Gratien ne s’inspire pas du droit canonique, il EST du droit canonique.

            Rien à redire à votre second paragraphe.

  • Aurélien,

    Très intéressante analyse, mais ce que vous décrivez, c’est le droit positif, pas le droit naturel.

    Bien amicalement,
    FD

    • Non, absolument pas. Quand j’écris que la conception classique du droit naturel est devenue presque inintelligible, je crois que vous en offrez ici une démonstration.

      Lorsqu’Aristote prête attention à ce qu’est la justice, il ne s’intéresse pas une seule seconde à ce qu’est le droit positif. Lorsqu’il définit le droit comme étant la juste part de chacun, il définit bien un droit objectif qui n’a rien à voir avec le droit positif.

      On est à des années lumières du positivisme juridique. Il faut comprendre qu’avant les droits naturels de l’époque moderne, il y avait quelque chose, et que ce quelque chose n’a absolument rien à voir avec ce qui se fait aujourd’hui. Il y a eu une philosophie du droit bien avant le XVIIè siècle.

      • Aurélien,

        Dans ce cas, je reste sur ma faim ; j’aimerais bien que vous développassiez un peu plus. C’est une thèse de doctorat? Où peut-on lire la suite?

        Bien cordialement,
        FD

        • Ah non, il ne s’agit pas d’une thèse de doctorat…

          Vous pouvez lire mes autres articles sur ce sujet.

          Mais surtout les références que j’y donne (ainsi que celles données par certains lecteurs) :

          Aristote – Ethique à Nicomaque
          Michel Villey – Philosophie du Droit
          Michel Villey – Le Droit et les Droits de l’Homme
          Michel Villey – La formation de la pensée juridique moderne (réédité il y a peu)
          Alain Sériaux – Le Droit Naturel
          Leo Strauss – Droit Naturel et Histoire
          Et pour des auteurs plus libéraux :
          Bruno Leoni – La Liberté et le Droit
          Friedrich Hayek – Droit, Législation et Liberté
          Quant à l’évolution du droit naturel et les transformations de sens du ius naturale :
          Brian Tierney – The Idea of Natural Rights

          Proche du sujet :
          Bruce Benson – The Enterprise of Law

  • L’analogie du langage est justement l’erreur classique qui ne permet pas de comprendre l’individualisme, d’où les anti-Lumières du fait de l’argument des langues/cultures différentes.

    Au contraire, le langage dépend de l’appropriation individuelle pour exister. Une culture n’est rien d’autre que ce que ses membres sont capable d’assimiler.

    Et il existe bien une « grammaire universelle » (quoique théorique/structuraliste) qui est l’analogie exacte des droits humains.

  • Wow !

    C’est le mot qui m’est venu à l’esprit en lisant votre article.

    Votre maîtrise de la langue est superbe ! Vous jouez avec des concepts difficiles comme s’il s’agissait d’une simple lettre à un ami, quelle aisance, quelle maîtrise ! Bravo, et au sincère plaisir de vous relire !

    Cela dit, mon avis : vous avez raison, mais il peut être intéressant de noter que le langage et le droit ne sont pas du même espace-temps. Le langage est proche de Twitter alors que le droit est proche des parties d’échecs faites par correspondance il y a cinquante ans…

    En gros, l’un se modèle avec l’aisance d’un tissu, l’autre réagit avec rigidité quelques décennies plus tard. Il me semble que le droit aura toujours quelques années de retard sur le langage, et donc sur la société.

    Mais votre analyse reste brillante.

    Bien à vous,
    Sylvain Rodrigue, Paris.

    Note : puis-je vous inviter à lire Jean-François Revel ? Vous le connaissez peut-être déjà, mais si ce n’est pas le cas, n’hésitez pas. Vous m’avez fait penser à lui.

  • Les Grecs n’ont pas été balayés par Rome par leur manque d’individualisme, mais parce que l’armée romaine était plus forte.

  • Le droit étant un concept humain qui n’existe pas dans la nature, hors l’homme, pourquoi cette expression « droit naturel » ?

    • L’état de nature n’existe pas. C’est une fiction méthodologique ou une méthaphore théologique. L’espèce humaine (avec un grand H) est une évolution d’espèces antérieures qui vivaient déjà en groupe ( je vous refait pas toute la théorie de l’évolution). Le droit naturel contemporain parle de propriétés intrinsèques à l’homme de manière inée et donc cela en découle l’universalité du droit. Mais à vrai dire aujourd’hui plus un message politique facile pour justifier une approche inductive de la philosophie du droit et une démarche politique qu’autre chose, auprès d’une population qui pense que Nabila est philosophe ^^. Le droit reste une convention sociale permettant la civilité. L’étude éthique du droit appelé philosophie du droit est en constant débat et en constante évolution.

      @ Aurélien : Mais de Gratien s’inspire des évêques de l’antiquité tardive c’est tout ce que je voulais signaler. A vérifier toutefois qu’occkam ne cite pas saint augustin directement dans ses oeuvres.

      • Alors si la nature est une fiction, pourquoi ne pas parler de droit humain avec un grand H ? La nature est une fiction, le droit est une fiction; le « droit naturel » est donc une fiction.
        Je vois bien que sémantiquement vous voudriez rendre la notion de droit comme étant « naturel » à l’homme. Mais alors l’expression de « droit naturel » ne convient pas. C’est un abus de langage qui ne peut que conduire à des conflits verbaux. Je ne vois pas le problème à changer de vocabulaire quand le langage utilisé n’est pas approprié. Si on parle de droit « humain », tout le monde comprend. Il s’agit d’une notion issue de l’homme pour l’homme et que l’homme peut appliquer à l’ensemble de la « nature », c’est à dire lui-même, les animaux, et la nature en général.
        En revanche, en parlant de « droit naturel », on essaie par le langage de parler d’un droit qu’on trouverait en l’absence de l’homme, ce qui serait, à mon avis, une attitude auto-centrée. Autrement dit, on appliquerait à la nature (à l’Univers) des propriétés qui n’existent que dans « l’esprit » de l’homme.
        Entendons-nous bien, je comprends la notion et ce qu’elle recouvre, mais le langage est pernicieux, il ne correspond pas à la réalité des faits. Je peux parler de « l’orange mécanique », mais cela ne veut rien dire, l’association des mots est fallacieuse.
        Il faut que le langage que nous utilisons tous pour communiquer ait la même structure que les faits dont nous parlons, sinon c’est l’incompréhension qui continue de régner.

        • La « Nature » (= l’Univers) n’est pas la « nature » d’un être. Pour le deuxième mot on peut substituer « essence ». Vous n’avez pas tort de vous méfier des abus de langage.

        • Abitbol dit : « En revanche, en parlant de « droit naturel », on essaie par le langage de parler d’un droit qu’on trouverait en l’absence de l’homme, ce qui serait, à mon avis, une attitude auto-centrée. » Oui, bien sûr. Avant que l’espèce humaine « apparaisse », il n’y avait pas de droit.

        • Abitbol dit : « Il faut que le langage que nous utilisons tous pour communiquer ait la même structure que les faits dont nous parlons ». C’est un vieux rêve, mais c’est impossible. La structure de la définition langagière de « table » ne peut mimer la structure de cet objet qu’est une table. Ces isomorphismes n’existent que dans les modes de communication iconiques (sur les portes des toilettes, on voit des petits bonshommes et des petites bonnes femmes).

          • Hum…
            Nous en savons pas mal sur la structure du Monde qui nous entoure. nous savons que la « table » dont nous parlons est un ensemble physico-chimique, une sorte de « fourmillement électronique » que notre perception abstrait comme étant l’objet « table ». Et donc, nous pouvons avoir conscience de cette abstraction et la faire partager aux autres en disant, par exemple : ce que je vois et désigne comme étant « une table ».
            Autre exemple, au lieu de dire :  » C’est une vieux rêve, mais c’est impossible », vous pouvez dire : « Je ne sais pas le faire, ou je n’ai pas la volonté de le faire ». Car, en effet votre proposition est présentée comme étant une définition valable universellement. Ce qui tend à dire que vous connaissez tout l’univers dans tous ses aspects… je ne dirais pas que c’est impossible (car je ne le sais pas et ne vous connais pas), mais cela me semble improbable. Et là, avec la structure du langage que j’ai employé, vous avez bien compris que j’ai exprimé une sensation ou une évaluation de ma part.
            On se comprend ?

          • A Abitbol :

            (1) Je n’ai pas cherché à prévenir vos objections, parfaitement sensées au demeurant. Mais tout le monde comprend que, sur le fond du tabou du meurtre, général, sinon les sociétés disparaissent par suicide (le tabou du meurtre est particulièrement fort sur le parricide et le matricide), se superposent diverses entorses, la guerre extérieure (nettement moins la guerre civile), comme vous l’observez, les avortements, infanticides, sacrifices humains, le cannibalisme, etc. J’ai bien conscience des bases de la littérature ethnologique sur ces questions.

            (2) Ce n’est pas moi qui introduit la notion de bon, que j’ai d’ailleurs mise entre  » « , et avec la précaution du mot « fonctionnellement » pour me faire comprendre. Mais il est vrai que j’ai été rapide.. On est dans le cadre d’une conception très classique. Au sens le plus basique, un X est dit « bon » quand il est adéquat, approprié, idoine, à une opération optimale de X. En dehors de toute considération morale, un « bon » couteau, un couteau qui coupe « bien », est un couteau dont la lame est suffisamment affûtée pour que cet outil serve au mieux l’office attaché à sa « nature » (il est de la nature du couteau de servir à couper). Un « bon » voleur est un voleur maîtrisant particulièrement bien le vol. C’est sur une telle base qu’on peut monter une morale, un droit, où « bon » se voit affecté une coloration différente.

            (3) Je me séparerai de vous quant à l’idée que « les caractéristiques de l’humain sont à valeurs quasi-infinies ». Cette plasticité totalement non-contrainte n’existe pas, chez aucun animal, et même pas chez l’homme. Si vous étudiez les productions des comportements humains, vous constatez que, non, on n’observe pas n’importe quoi. Par exemple les langues, si variées soient-elles, sont soumises à des contraintes générales qui font qu’on n’observe jamais certains traits. Par exemple toutes les langues humaines autorisent la construction de groupes de mots complexes (du genre démonstratif + nom, nom + adjectif, nom + nom, nom + proposition relative participiale, nom + proposition relative à verbe conjugué, etc. suivant les langues) servant à désigner des entités complexes nécessaires au traitement cognitif. Il n’y a aucune langue qui soit incapable de telles constructions, même si certaines sont bien plus virtuoses que d’autres, tant par la variété des constructions que par la fréquence leur emploi. C’est la démonstration que n’importe quoi n’est pas possible, car sinon on devrait observer de telles langues. Elles ont peut-être existé à un stade archaïque, mais elle n’existent plus.

        • A Abitbol, avec excuses pour les problèmes d’imbrication du logiciel. Il trouvera facilement à quoi je réponds.

          (1) Il doit y avoir un quiproquo entre nous. Les phrases et textes du français sont capables d’exprimer tout ce que nous pouvons savoir sur la table mésoscopique du quotidien, sur la table comme étant fait d’un matériau que les chimistes peuvent analyser, etc. Mais vous avez écrit qu’il faut que notre langage « ait a même structure que les faits dont nous parlons ». Ni le système de la langue française, ni les textes produits par vous ou moi par utilisation de ce système n’ont « la même structure » que le plateau muni de quatre pieds, etc. qui est la structure tabulaire. Un modèle réduit de table, lui, mime la structure de la table de ma cuisine. Si Tartempion me demande ce que c’est qu’une table, je peux évidemment construire un petit modèle réduit, lui montrer, et lui dire : j’ai ce genre de truc dans ma cuisine, mais en dix fois plus gros. Je peux me contenter d’un croquis de la table. Mais dans ces deux cas, je suis pratiquement obligé d’accompagner mon modèle iconique par une glose langagière. Cette glose n’aura, je le crains, jamais la « même » structure qu’une table. Sauf, si on y tient vraiment, à s’ingénier à produire des amusettes du genre calligrammes.

          Mais bon, je pinaille.

          (2) Je vous accorde volontiers que j’ai pratiqué l’hyperbole en déclarant impossible ce qui me semble très hautement improbable.

    • Wikiberal (http://www.wikiberal.org/wiki/droit_naturel) : « Un droit naturel est un droit qui dérive de la nature même d’un être. »

      • Vous voyez bien où mène ce genre de définition ?
        Je peux maintenant vous demander la ou votre définition de « droit » et la définition de la « nature de l’être » et nous y serons encore dans plusieurs années.
        Si je vous donne une définition de l’homme comme étant : un bipède sans plume, vous ne pouvez pas dire le contraire…
        Les définitions ne sont que de peu d’aide quand nous parlons de faits à valeurs infinies.
        Hypothèse d’école : vous devez expliquer à un extra-terrestre (qui possède notre langage) la notion de droit. Vous lui parlerez de « droit humain » ou de « droit naturel » en sachant qu’il peut être de nature différente ?

        • Aristote dit que l’homme est un animal rationnel. « Zôon logikon », ou « zôn logon ekhôn ». La traduction latine, au Moyen Age, est : animal rationale. Les koalas ont une nature. Les rhubarbes ont une nature. Les flocons de neige ont une nature. Les hommes on une nature ; elle a d’ailleurs un substrat biologique lié à un programme génétique spécifique. Les flocons de neige ne sont pas des êtres vivants, contrairement aux hommes. Les rhubarbes sont des êtres vivants, mais pas des animaux, contrairement aux hommes. Les koalas sont des animaux, comme les hommes, mais ils n’ont pas une raison (en tout cas pas comme les hommes).

          De la nature d’un être découlent un certain nombre de propriétés. Un comportement humain est adéquat, est fonctionnellement « bon », lorsqu’il est conforme à la nature humaine. Les humains vivent naturellement en société organisée (notre vieil ami Aristote dit donc que l’homme est un « zôon politikon », un animal vivant dans une « cité »). Il s’ensuit qu’il est bon que ces sociétés perdurent. Pour que ces sociétés perdurent, il faut éviter normalement les homicides. La morale naturelle basique proscrit l’homicide. La loi pénale le sanctionne. Etc.

          • Vous voyez bien où s’arrêtent ce genre de raisonnement, n’est-ce pas ?
            « Pour que ces sociétés perdurent, il faut éviter normalement les homicides. La morale naturelle basique proscrit l’homicide. La loi pénale le sanctionne. Etc. »
            Sauf que les sociétés autorisent et encouragent les homicides en cas de guerre par exemple et que la sanction dans ce cas prend la forme d’une médaille. Vous introduisez la notion du « bon » qui s’oppose au « mauvais » et qui constitue un jugement de valeur, une évaluation, lesquelles varient d’une société à l’autre, d’un groupe à l’autre et d’un individu à l’autre.
            Je le répète, une définition de « la nature humaine » est une entreprise à haut risque puisque les caractéristiques de l’humain sont à valeurs quasi-infinies.

    • L’homme fait partie de la Nature(indice 1), et il a une nature(indice 2).

    • Vous devez confondre nature et état de nature.

      • Le « vous » s’adresse à Abitbol ?

      • Et vous devez jouer sur les mots.
        J’appelle cela une dérobade. Je persiste à dire que « droit humain » est plus compréhensible et sémantiquement plus valable que « droit naturel ». Et je soupçonne qu’il y a un dessein particulier à vouloir utiliser cette expression qui n’est structurellement pas conforme à la réalité des faits.

        • Il n’y a aucun jeu de mot. Nature et état de nature sont deux choses distinctes.

          La pauvreté de l’expression « droit humain » que vous tenez pour sérieuse montre que vous ne comprenez pas réellement les enjeux dont il est question dans la philosophie du droit. C’est assez ridicule d’imaginer pouvoir balayer des siècles de réflexion par ce genre de tours de passe-passe.

          Votre nominalisme ne vous fait voir que des faits. Mais les valeurs appartiennent aussi au réel, sans quoi il me serait impossible de savoir si je dois m’adresser à vous par tutoiement ou par vouvoiement. Réduire le langage au fait, c’est un appauvrissement, pas un enrichissement.

          Bref, je ne souhaite pas revenir plus longtemps sur vos soucis épistémologiques parce que ce n’est pas l’objet de cet article. Je vous invite cependant cordialement à vous confronter à l’histoire des idées dans ce champ plutôt que d’essayer d’inventer l’eau chaude dans les commentaires de Contrepoints.

          • Evidemment, si vous le prenez sur ce ton, vouvoiement ou non. La discussion est terminée. Je maintiens mon évaluation quant à cet article que je trouve dès le titre en dehors de toute réalité. Mais, je ne vous dispute pas le « droit » d’inventer dans votre tête le monde tel que vous voudriez qu’il soit.

        • Il est exact que « naturel » dans « droit naturel » s’applique à la « nature » humaine, et pas à la « Nature » = l’Univers. La situation serait éventuellement différente dans une perspective où les règles applicables aux comportements humains seraient conçues comme dérivant d’une sorte de Tao de l’Univers.

          Je ne pense tout de même pas qu’Aurélien Bideau entretienne un dessein particulier. Il suit une tradition de nomination, qui est ce qu’elle est.

          Je vois qu’Aurélien Bideau revient sur « état de nature ». On soupçonne donc que cette discussion s’engage mal parce que, il faut bien le reconnaître, « nature » est casse-gueule. Il serait probablement nécessaire de normaliser la terminologie, mais les usages s’y opposent quelque peu.

          Par ailleurs, l’expression que préfère Abitbol, « droit humain », présente l’inconvénient d’impliquer qu’il y aurait un droit « non-humain ».

          • « Il est exact que « naturel » dans « droit naturel » s’applique à la « nature » humaine »

            C’est bien ce qui pose problème…

            J’ai posé la question, pouvez-vous me définir la « nature humaine » ?
            Personne ne pourra le faire et de toute façon cette définition serait forcément incomplète et difficilement consensuelle.

            Le meurtre n’est-il pas dans la nature humaine ?

            Concernant la tradition de nomination, je ne pensais pas que les libéraux devaient forcément se montrer conservateur et quand qqch ne fonctionne pas, on le change.
            L’expression « droit naturel » présente également l’inconvénient du « droit non-naturel ».
            Le droit non-humain ne nous concernerait donc pas.

            L’argumentation de la réponse de M. Biteau n’était que pauvrement argumentée, il s’est contenté de dire que je savais pas de quoi je parlais. C’est un peu court.

            Je trouve juste dommage qu’un article qui parle de droit et de langage soit non conforme aux faits.

          • Le fait, ici, c’est qu’il y a une tradition de pensée qui existe et qui s’appelle « Droit naturel », et le fait est, indubitablement, que le nom de cette famille de CONCEPTS s’appelle ainsi. Et le fait est que cet article vise à en faire une restitution par l’intermédiaire d’une analogie, et le fait est, toujours, que votre expression « droit humain » ne permet pas de désigner cette famille, parce que le fait est qu’elle s’appelle « droit naturel ».

            Je ne vois vraiment pas ce qu’il y a de sorcier à comprendre. Le libéralisme n’a rien à voir dans vos problèmes de nomination. Quand les Romains parlent de ius naturale, ils le définissent, et je m’en tiens à cette définition quand je parle du droit romain. Quand Hobbes parle des droits naturels, je fais de même.

            Que vous trouviez que le concept de droit naturel est faux, soit, et libre à vous, pourquoi pas, de vous lancer dans un article pour Contrepoints pour en faire la démonstration. Encore faut-il avoir une bonne connaissance de ce concept qui ne se limite pas à la simple expression « droit naturel », sans quoi il n’y aurait pas eu des tonnes de papier sur ce sujet.

            Votre fascination pour les faits vous fait perdre de vue les concepts qui visent à les expliquer, et vous confondez fait, réalité et vérité. Dans les faits, les cercles et les carrés n’existent pas, ça ne signifie pas que les carrés et les cercles ne sont pas réels et je ne peux pas connaître la géométrie.

            Que le meurtre appartienne à la nature humaine ne prouve pas que le droit n’en relève pas non plus, pour une simple et bonne raison : il n’y a aucune contradiction. Que l’homme soit capable de meurtre ne signifie nullement que la victime n’ait pas de droit de vivre – dans la perspective des droits naturels modernes. Ni que la raison ne commande pas de ne pas tuer.

            Puisque vous semblez tenir une idée originale, faites la partager, synthétisez vos réflexions dans un article, et ce sera le bon endroit pour poursuivre cette discussion.

          • Tradition ou conservatisme, là n’est pas le problème.

            Je trouve mon intérêt pour les faits tout à fait légitime. Quand nous communiquons, il est important de le faire pour être compris de soi-même et des autres. C’est pourquoi le langage est si important. Si les mots, les symboles, en fait, le langage que nous utilisons n’est pas adéquat et ne correspond pas aux faits, alors nous avons des problèmes d’incompréhension.
            Si vous dites « noir » mais que dans votre « esprit » cela veut dire blanc ou gris, alors je ne vous comprends pas.
            Quand on parle de « droit naturel » nous faisons une association qui n’est pas conforme à la structure des faits réels. Le droit n’existe pas dans la nature, tout comme les voitures ou les moulins à café n’existent pas dans la nature. Cela ne veut pas dire que le droit, les voitures et les moulins à café n’existent pas, mais il se trouve que ce sont des inventions humaines. Plus exactement, le droit est un concept humain. Le droit est une construction de la « pensée », issu d’évaluations et de choix humain.
            Parler de « droit naturel » donne à penser que le « droit » préexisterait dans la nature et qu’il aurait été découvert, comme l’électricité. Ceci est dangereux, cela implique une création autre qu’humaine et nous ramène aux croyances, au divin ou à l’inexplicable. Avec ces mots, on force l’universalisme et on définit le droit, qui est une affaire humaine, comme pouvant s’appliquer aux animaux, à la planète et aux galaxies pourquoi pas. Je ne pense pas qu’Aristote et les Romains avaient cela en tête.
            Nous ne pouvons tout simplement pas lier le droit avec la nature parce que cela ne correspond pas aux faits. Tout, comme par exemple nous ne pouvons pas séparer « corps » et « esprit » parce que dans les faits votre corps n’est pas séparer de votre esprit, ils forment un tout. C’est pour cela que je mets ces mots entre guillemets, pour vous prévenir de leur imperfection.
            Les mathématiques sont un langage. Les carrés et les cercles sont des symboles que nous utilisons dans nos affaires humaines. Deux et deux font quatre. Mais on peut dire que deux et deux font cinq, seulement cela ne correspondra pas aux faits si on additionne des cailloux.
            C’est pourquoi l’expression « droit naturel » qui peut vouloir dire quelque chose pour vous et d’autres n’est en fait que du bruit, car elle ne veut rien dire en réalité. C’est équivalent à deux et deux font cinq.
            Cela dit, je partage beaucoup des idées et des évaluations libérales. je trouve seulement dommage qu’un concept intéressant soit disqualifié dès son énoncé à cause d’un langage non conforme à la réalité.

  • Aurélien, il est vraiment agréable de lire de tels papiers, vraiment, sans flagornerie : on en sort avec le sentiment d’être plus intelligent.

    • Même si vous évitez la difficulté qu’il y a à considérer le langage ou la loi de façon objective, les méthodes des sciences de la nature sont inopérantes dans les sciences humaines, on peut vouloir objectiver mais on ne peut s’extraire, faire table rase de nos préjugés.

  • J’ai de la peine à saisir le positionnement d’Abitbol. Dans l’expression « droit naturel », « naturel » ne se réfère pas à la « Nature », au Cosmos, à la « phusis », c’est bien évident. Par ailleurs, comme je l’ai déjà rappelé, la « nature » humaine (dont on peut nier l’existence si on y tient, mais ça n’est pas ma position, fort peu originale) n’est pas la « Nature » ; c’est pourquoi, dans ce sens-là, « nature » = « essence » (« ousia »). Mais l’histoire du lexique est ce qu’elle est, et, franchement, dans cette affaire-là, ne nous fait risquer aucun glissement.

    PS — Juste pour pinailler, sur un terrain complètement extérieur à l’objet du billet (très stimulant) d’Aurélien Bideau. Abitbol dit que « les mathématiques sont un langage ». Il y a eu mille débats sur les mathématiques et leurs fondements, mais je crois que cette position ontologico-épistémologique est atypique. Les mathématiques s’expriment via un formalisme, mais ne sont pas ce formalisme. Il en va de même de la logique formelle. Les mathématiques traitent d’entités non-matérielles (objets, ensembles, nombres, fonctions, structures, etc.), et ces entités ne « sont » pas le formalisme qui sert à « parler » de ces entités. Les cercles ne sont pas des « symboles ». Dans un livre de géométrie, je peux utiliser « C » comme le symbole d’un certain cercle. Mais « C » n’est pas le cercle, pas plus que « choucroute » n’est une choucroute.

    Abitbol ajoute ceci : « On peut dire que deux et deux font cinq, seulement cela ne correspondra pas aux faits si on additionne des cailloux ». J’en doute. Vu la construction de l’arithmétique, 2 + 2 = 4 est un théorème, qui, comme tout théorème, se démontre, par étapes, en faisant appel à la définition de 2 comme successeur de 1, à la définition de 3 comme successeur de 2, à la définition de 4 comme successeur de 3, aux règles sur le parenthésage. Ainsi, pour un arithméticien, 2 + 2 = 4 n’est absolument pas le résultat d’une observation du monde matériel. Les mathématiques ne sont pas de la physique. Certes, historiquement, les mathématiques élémentaires sont nées d’observations simples. Mais une fois constituées, les mathématiques se sont affranchies du monde physique.

    Bien entendu, on peut dire que 2 + 2 = 5, mais cette expression est fausse. On peut parler de « cercles carrés », le langage le permet, mais cette entité n’existe pas dans le mobilier étudié par les mathématiciens. Et en fait, je peux dire que je suis une « sardine à l’huile », mais je ne suis pas une sardine à l’huile. Les langues humaines permettent de dire n’importe quoi. Dans le formalisme des mathématiques on peut construire des expressions mal formées, mais alors on détecte leur malformation ; on peut construire des expressions bien formées mais qui ne correspondent à rien, et alors on peut démontrer qu’elles ne correspondent à rien. Ainsi 2 + 2 = ∫ est une expression mal formée, et 2 + 2 = 5 est une expression bien formée mais fausse.

    Les positions d’Abitbol évoquent un peu quelque chose comme le vieux positivisme logique du Wiener Kreis d’avant-guerre.

  • Bonjour,

    il me semble que vous tapez complètement à côté à propos de votre comparaison avec l’espéranto. L’analogie avec la langue et le droit était séduisant mais vous vous êtes fourvoyé ensuite. Car manifestement vous ne savez pas grand chose de ce qu’est l’espéranto.

    Bien cordialement

    Wàng

  • Le droit naturel classique a un socle intelligible que l’on retrouve toujours toutes les contingences, il y a un universel du droit qui est dans la loi naturelle.

    Le droit libéral nie ce fait et c’est en cela qu’il est soit subjectiviste, soit évolutionniste au sens d’Hayek ou autre.

    Mais dans les deux cas on tombe dans le relativisme.

    le réalisme (le vrai, d’Aristote à vrais thomistes actuels) est lui rigoureusement fondé en métaphysique, et son objectivité n’est pas celle muable de l’évolutionniste naturelle ou sociologique.

    Le droit naturel libéral est véritablement sans fondements philosophiques sûrs.

    Locke en est un exemple : voir sa théorie de l’origine des idées, très tordue pour arriver justement à séparer ce qui n’est pas séparable.

    Cf. Ph. Lauria, Réflexion sur la révolution libérale, cep éditeur

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