Que produire ? (1) : la réponse du marché

Comment les différents systèmes économiques affectent-ils les ressources productives (capital et travail) ? Cette fonction est-elle mieux remplie par le marché ?

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Que produire ? (1) : la réponse du marché

Publié le 16 juin 2013
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Comment les différents systèmes économiques affectent-ils les ressources productives (capital et travail) ? Cette fonction est-elle mieux remplie par le marché, la planification économique ou la régulation économique ?

Par Domi.

Comment les différents systèmes économiques affectent-ils les ressources productives (capital et travail) ? Produisent-ils en priorité ce que veulent les gens ? Cette fonction est-elle mieux remplie par le marché, la planification économique ou est-il préférable d’apporter par la dépense publique des corrections à la manière dont le marché équilibre les productions ? Aborder ces questions, commande de définir auparavant ce qu’est l’allocation optimale des ressources. Pour une productivité quelconque du travail dans les différents secteurs économiques, le système parfait est celui avec lequel la dernière heure de travail affectée à une production quelconque a la même valeur que la dernière heure de travail affectée à chacune des autres productions. Le meilleur système est celui qui se rapproche le plus d’un tel état.

Pour évaluer les performances du marché libre dans ce domaine, nous étudierons tout d’abord une île imaginaire dont les habitants, aux productivités similaires, produisent du sucre et du sel pour l’extérieur. Nous examinerons ensuite le cas d’une économie « ricardienne » (en référence à l’économiste britannique David Ricardo, 1772-1823), où les agents possèdent des avantage comparatifs, avant de vérifier si ces modèles théoriques sont conformes à l’expérience.

L’île imaginaire :

L’île exporte toute sa production (exclusivement du sucre et du sel) vers le continent, et importe toute sa consommation de produits de toute sorte en provenance du continent. Il n’y a donc pas de commerce interne à l’île. A l’égard de la production de l’île, la consommation du continent est fixe en monnaie car limitée par décret du continent. Les habitants de l’île ont tous la même productivité dans les deux secteurs. Si l’on ne prend en compte que leurs aptitudes, ils peuvent indifféremment se convertir de l’un à l’autre même s’ils ont une préférence pour le secteur dans lequel ils travaillent actuellement.

Pourtant, une société de caste s’est longtemps maintenue, figeant le nombre d’habitants pouvant se consacrer à chaque production et par conséquent la répartition des productions du point de vue des consommateurs du continent. Cet archaïsme conduisait à destiner une part excessive des capacités productives des habitants de l’île au sucre au détriment du sel. Il s’en est suivi que le prix de l’heure de travail pour ce produit était plus grande que pour le sucre, car plus précieux pour le consommateur, prêt à payer davantage pour qu’on lui fournisse.  A l’inverse, pour la même raison liée aux besoins du consommateur, si les activités avaient été réparties de manière optimale, le prix du produit de l’heure de travail aurait été égal dans toutes les productions.

Une réforme laissant à chacun la possibilité d’exercer l’activité conforme à ses souhaits permit de corriger rapidement le déséquilibre des productions. Une partie des producteurs de sucre en surnombre voulut se diriger vers la production et la vente de sel, plus rémunératrice, contribuant ainsi à rééquilibrer les prix, jusqu’au moment où les heures consacrées aux deux productions eurent la même utilité et le même prix, c’est-à-dire jusqu’à l’allocation optimale des ressources.

Dans une économie « ricardienne », un tel mécanisme est mis en œuvre avec une plus grande complexité.

Spécificités d’une économie « ricardienne »

Prenons l’exemple d’une économie où la population est divisée en fonction des aptitudes de chacun en deux catégories représentant une population comparable. Les uns ont une productivité horaire de 30 kg pour le sel et le sucre (les verts), les autres ont une productivité de 40 kg pour le sel et de 70 kg pour le sucre (les rouges). Il n’est pas possible de trouver une équivalence de prix entre le sel et le sucre telle que pour tout le monde le prix de l’heure de travail serait la même pour les deux productions. Pour les verts, il faudrait que le kilo de sel et le kilo de sucre aient le même prix tandis que pour les rouges un prix du kilo de sel équivalent à 1,75 kilo de sucre serait nécessaire.

La comparaison de cette économie où la productivité horaire moyenne dans le sel est de 35 kg et de 47,5 kg dans le sucre avec une économie où tous les habitants ont ces niveaux de productivité montre que la répartition des activités n’y est pas la même. Dans la seconde, l’équilibre est trouvé lorsque le kilo de sel vaut approximativement 1,36 kg de sucre et non dans notre économie « ricardienne ». Si l’équilibre des quantités nécessaires à la formation de cette équivalence de prix suppose par exemple qu’une partie des verts produise du sucre, ceux-ci auront intérêt à se convertir dans le sel plus rémunérateur jusqu’à égalisation des prix. Le marché s’éloigne-t-il pour autant de l’exploitation optimale des ressources ? Le conclure serait méconnaitre la spécificité d’un marché caractérisé par l’hétérogénéité des producteurs où l’ensemble des possibilités existantes n’est pas la même que lorsque les productivités sont similaires. Lorsque le vendeur de sucre « vert » se convertit au sel (alors que 1kg de sel vaut 1,36 kg de sucre), il produira 1kg de sel là où il produisait 1 kg de sucre (solution A). Dans une économie aux productivités similaires la conversion serait de 0,73 kg de sel à la place d’un kilo de sucre (solution B). Du point de vue du consommateur, le fait que le statut quo soit préférable à la solution B n’implique pas qu’il soit préférable à la solution A dès lors que A est supérieur à B. Dans une telle économie, la conversion d’un producteur ne peut-être associée a priori à un rapport déterminé entre les quantités perdues d’un côté et gagnées de l’autre.

En revanche, le marché ne correspond pas non plus exclusivement à une répartition des activités en fonction des avantages comparatifs puisque les verts pourraient cesser de se convertir au sel si le prix du kilo de sel rejoignait celui du kilo de sucre avant leur conversion totale.

Au final, le marché trouve dans une économie « ricardienne » un équilibre entre l’augmentation de la production globale par le jeu des avantages comparatifs et une logique de meilleure affectation des ressources à productivités égales, équilibre qui assure la meilleure satisfaction possible du consommateur.

Confirmation empirique

Si nous sommes en économie de marché comment savoir si l’affectation des ressources est bien la meilleure possible en l’état des connaissances techniques ? À l’inverse, si l’État intervient dans l’économie comment prouver que cette intervention a nui aux consommateurs ? La tâche semble a priori impossible, même si l’on pouvait connaitre exactement les distributions respectives des productions résultant des deux modèles économiques. Ce que l’on peut déterminer par contre est si le marché inclue au moins des mécanismes régulateurs permettant d’ordonner le processus. Cela revient à poser la question : « le marché fait-il mieux que le hasard ? » et à y répondre en tentant d’imaginer comment le hasard déterminerait le poids des différents secteurs professionnels pour voir s’il serait plus performant que le marché.

Je crois qu’on admettra que la très grande grande majorité des configurations issues du hasard seraient très nettement moins satisfaisantes que celle qui nous vient du marché. Dans le même ordre d’idée, on observera que lorsque la productivité générale est très basse, une part très importante des ressources est consacrée à l’agriculture, pour diminuer au cours du développement au profit de l’industrie puis des services. Cela correspond bien à l’évaluation intuitive que nous pouvons faire des besoins humains. Je serai alors tenté d’avoir recours au raisonnement suivant : puisqu’un mécanisme régulateur existe, puisque pour l’expliquer nous n’avons pas d’autre hypothèse à formuler que celle décrite plus haut, puisque que celle-ci enfin implique que le marché tend vers l’allocation optimale des ressources, il faut en conclure que cette hypothèse est validée. Le raisonnement manque toutefois un peu de prudence : peut être des défauts sont-ils adjoints au mécanisme général qui fait tendre le marché vers la meilleure allocation des ressources ou peut-être comporte-t-il des exceptions qui mériteraient d’être étudiées ?

L’enjeu est primordial car si le marché avait réellement les facultés que nous lui avons prêtées jusqu’alors, c’est l’intérêt même des services publics qui serait remis en cause.

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  • Tout simplement, une économie ouverte est placée sous le signe de la compétition, et oblige chaque entreprise à rechercher l’excellence. Quand s’installe le protectionnisme, la qualité devient subsidiaire, puisque le consommateur n’a plus de choix. Cela aboutit à des « hautes technologies soviétiques ».

    Autre erreur enfantine : vouloir des balances de paiement en équilibre. On voit très bien que lors de la première « route des épices » par le fond de la Méditerranée, les phéniciens avaient pris tout le marché, déversaient des tonnes de « merveilles de l’Orient » dans nos ports, et repartaient pratiquement à vide, nos productions ne les intéressants pas. Or, ce marché ouvert – et à première vue déséquilibré – a eu un bénéfice économique énorme pour la France.

    Le stockage et la distribution de ces produits ont créé une foule d’emplois, et de profits, tandis que près de 400.000 ouvriers s’activaient soudain dans des chantiers navals, pour imaginer des bateaux plus performants que ceux des phéniciens, et toute la technologie requise.

    Un peu plus tard, lors de l’essor des Grandes Découvertes, la France avait acquis un véritable savoir-faire et une capacité à produire.

    Tout cela aurait été impossible s’il y avait eu ces « régulations » dont nous sommes si sottement friands.

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