Clément Méric : du mortel fait divers et du paravent idéologique

Ce qui n’était qu’une guerre de rues entre bandes idéologiques rivales devient une guerre de société.

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Clément Méric RIP

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Clément Méric : du mortel fait divers et du paravent idéologique

Publié le 9 juin 2013
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Ce qui n’était qu’une guerre de rues entre bandes idéologiques rivales devient une guerre de société.

Par Thierry Guinhut.

Une fois de plus les guerres idéologiques sont plus têtues que les faits, y compris divers. Car il ne se passe guère de semaine sans que les journaux locaux mentionnent des rixes avinées ou excitées qui vont jusqu’aux blessures sanglantes, voire jusqu’à la mort, avec intention ou non de l’infliger. Ce sont des petits mâles bourrés à la testostérone, le couteau à la main, le poing américain à la gueule. Ils sont franchouillards, musulmans, corses, fan de rock métal ou de tango, marseillais, affiliés ou non à la plupart des partis politiques ambiants, quoique avec une légère préférence pour ceux imbibés de fanatisme, islamisme radical et anticapitalisme extrême, de droite ou de gauche… Pourtant il faut choisir le fait divers, victime et bourreau, qui va conforter les préjugés et permettre la stigmatisation commode, hissant le drapeau rouge et le paravent idéologique. Permettre enfin, par apparents bons sentiments, le plaisir de la guerre contre la guerre…

Il meurt, la face ensanglantée par un poing américain, le crâne percutant un poteau, ou le trottoir… Trop jeune pour mourir. Un mort presque adolescent, fût-il étudiant en Sciences politiques, qui n’a pas eu le temps de s’amender, comme en d’autres temps on n’avait pu à temps se confesser, qui aurait pu se vider de l’illusion de sa colère politique et mûrir sa réflexion, peut-être jusqu’à aimer les libertés et la tolérance. On ne lui en aura pas laissé le temps. Nous ne pouvons que nous recueillir en instant de tristesse.

Tristesse également pour le bourreau, probablement jeune lui aussi, criminel probablement involontaire, pour lequel il faudra cependant ne pas abuser de l’indulgence. Il faudra aux juges, que l’on espère impartiaux, indépendants de toute coterie politique et idéologique – s’il en est –, une dose certaine d’objectivité, de force morale, de glaive et de clémence, selon qu’il sera judicieux de requérir la violence aggravée ou la légitime défense. Et surtout ne pas condamner à chaud, comme nous prenons le risque de le faire en écrivant sitôt après les faits.

Mais un concert d’antifascisme et de « No pasaran » retentit dans nos rues, bave pestilente sur les lèvres avides des médias, des personnalités politiques, des agitateurs professionnels et des citoyens de bonne foi. Oyez, peuple brave et politiquement correct, combien le méchant fasciste est méchant, combien l’antifasciste est pur ! Hélas, il est à craindre qu’il faille renvoyer dos à dos les blousons bruns et les blousons rouges. Les uns veulent casser du facho, les autres casser du gaucho. Y compris en marge des manifs pour tous, opposées au mariage pour tous. Ainsi l’on débusquerait, par une chasse citoyenne, le fascisme larvé, la botte brune et la croix gammée sous les chemises BCBG ; on leur ferait porter le casque de la provocation…

Qu’il existe des brutes fascisantes et gauchisantes, personne ne le niera. Mais on aura bien du mal à ne pas voir une vérité que l’on ne veut pas voir. Extrême-gauche et extrême-droite ont en leurs groupuscules, qu’il s’agisse des jeunesses nationalistes et frontistes où des trotskistes révolutionnaires, voire des syndicats SUD et CGT, des troublions ataviquement, voire génétiquement, abreuvés au petit lait humain trop humain de la violence. De plus, leurs positions idéologiques se révèlent voisines. Elles sont souvent conjointement anti-capitalistes, anti-mondialistes ou anti-mondialisation, antisémites et antisionistes, comme des sœurs ennemies. La mince pellicule qui les sépare (les uns nationalistes, les autres internationalistes) est parfois poreuse, au point que des individus passent de l’une à l’autre. L’on sait d’ailleurs que les discours de Goebbels et d’Hitler étaient truffés de préoccupations sociales, de professions de foi de gauche, qu’Hitler admirait Lénine, que le National-Socialisme ne porte pas ce nom pour rien.

On qualifiera, avec la pince à linge sur le nez, le paragraphe précédent d’amalgame, au mépris des faits, de l’Histoire et de toute la philosophie politique. Qu’importe. Demandons-nous plutôt à qui profite le crime. Question toujours indispensable… Quelle merveille que le bourreau soit d’extrême-droite et la victime soit d’extrême-gauche ! Le saint rouge frappé par la peste brune ! Mais n’ont-ils pas tous cherché, provoqué, sucé la bagarre au goulot ? Alors advienne que pourra : le sang, la mort peut-être. La responsabilité est à tout agresseur, qu’il soit blanc ou noir. Y compris si elle ne va pas dans le sens du sacrosaint manichéisme. Et s’il s’avère que le rouge est à l’origine du harcèlement, de la chasse et des coups, quoiqu’il en soit la pire victime, il faudra bien déchanter. Hélas, l’imaginaire idéologique, lui, restera ancré dans les certitudes, y compris contre les faits. Car le fascisme n’a pas de couleur, sauf humaine, il se glisse sous les vestes et retourne les vestes de tous les fanatismes, y compris, quelle évidence, de gauche. N’est-ce pas vouloir faire croire à la puissance suffocante de quelques dizaines d’arriérés lourdingues au front bas, pour cacher la bien réelle déferlante délinquance des altermondialistes lors de leurs rituelles guérillas contre les sommets du G20 ? Pour ne pas voir et ne pas qualifier les émeutes urbaines des banlieues immigrées, qu’elles soient écartées de l’emploi et de l’entrepreneuriat ou gangrénées par l’islamisme…

Pour un peu, notre jeune homme, notre militant casse-facho, sacré martyr d’une cause aussi nauséabonde que celle qu’elle rêve d’exterminer, aurait droit aux funérailles nationales : « Au fascisme, le gauchisme reconnaissant. » À lui les honneurs douteux de la rue, et la virulence sûre d’elle-même de son cri de guerre sainte, alors qu’elle se bouche les yeux devant les menaces et les meurtres islamistes. Manœuvre qui, au passage, permet de tenter d’éclipser les précédentes occupations de rue par une droite traditionnelle et pacifique ; qu’il est permis de ne pas approuver. Mais quid de la grand-mère égorgée, du militant front-nationaliste tabassé, de l’élève ingénieur assassiné pour une clope, du blanc chrétien lapidé…

Ce qui n’est qu’une guerre de rues entre bandes idéologiques rivales devient alors une guerre de société. Il faudrait « Interdire la haine », pour suivre l’aval d’un ministre de l’Intérieur en vue. Mais où ira-t-on la chercher, la débusquer, sinon aux dépens de la liberté d’expression ? En traquant les péchés de la conversation, de la culture et des mots par une inquisition digne de l’orwellien crime par la pensée ? Interdire les groupuscules d’extrême-droite, mais pas ceux d’extrême-gauche – l’on admirera le traitement discriminatoire indu –, au risque de les forcer à se cacher, à se radicaliser. C’est contre la violence en acte qu’il faut sévir, au moyen des bras justes de la police et de la justice, pas contre les pensées, si débiles et mortifères soient-elles, sinon par l’éducation et l’argumentation. Une fois de plus la grande figure de l’antifascisme, cette invention à succès de Staline, sert d’oripeaux à la conscience de gauche. Mais il est à craindre que les trous de la tunique masquent mal la mauvaise conscience. À l’heure où l’on peut parader avec un tee-shirt Che Guevara, ce criminel au service du totalitarisme, et passer la nuit en garde à vue pour un tee-shirt de la manif pour tous ornée d’une famille unie, certes trop idéalement, il s’avère que la démocratie républicaine est malade, que la démocratie socialiste autocratique a évincé, par la pression fiscale et mentale, par l’agitation de son drapeau idéologique, la démocratie libérale. Sans compter qu’une fois encore, ô diversion bienvenue, le paravent du fait divers cache, quoique bien mal, jusqu’à ce qu’il se déchire, la grave crise économique socialiste des trois dernières décennies qui nous enchaîne à la catastrophe sociale.

Benoitement, les coïncidences de la chronique nécrologique nous proposent un autre enfumage. De tous bords, l’on salue la mémoire d’un ancien premier ministre socialiste, Pierre Mauroy, pour ne pas le nommer. « Un homme de conviction », entend-on en boucle et de droite à gauche. Certes on respectera toujours une vie qui rejoint l’éternité, fût-elle celle de l’oubli. Mais faut-il respecter ses convictions, ses mesures phares : les nationalisations, l’impôt sur la fortune, la retraite à soixante ans ? N’est-il pas de notoriété publique que nos voisins aux succès économiques et sociaux indubitables, la Suisse ou l’Allemagne entre autres, nous envient ces trois conquêtes sociales… Oups ! Cette sainte trinité de notre déconfiture…


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  • Qu’elles soient de droite ou de gauche, les extrêmes se rejoignent alors les médias français sont coupables de faire montre d’autant de sympathie pour la seconde clique! Un jeune est mort? C’est regrettable, mais que faisait-il là? Ne dites pas qu’il passait par hasard!

  • cet photo est un gag, tellement l’image rouge feu contredit le message « repose en paix Clément ». Ils font du Desproges involontaire.

  • Le meilleur commentaire que j’aie lu sur cette affaire. Bravo

  • Une pensée aussi aux 1500 personnes qui sont décédées en France ce même jour, par vieillesse, maladie, accident, ou meurtre également.

  • Analyse admirable et désespérante …

  • Bel article sur le fond et la forme . Plaisant a lire loin de la pensée ambiante .
    Mais pourquoi finir par cette coquille ?
    Pierre Mauroy n’est pas a l’origine des 35 heures .
    Ce serait plutôt Martine Aubry en 1997 sous le gouvernement Jospin .
    Bon dimanche .

    Contrepoints >> Effectivement, Pierre Mauroy, c’était les « 39 heures ». Article modifié en conséquence.

  • D’un point de vue strictement libéral ce sont les « antifascistes » qui sont a blamer ce coup ci. Au moins autant que les autres.

    Je rappelle que les « antifascistes » de rennes ont passé a tabac un jeune Breton récemment et pourtant l’affaire n’a pas été médiatisé.
    Pourtant ils étaient bien plusieurs sur son dos et on ne parle pas d’un simple coup de poing qui serait tourné en accident mais bel et bien d’un passage a tabac de la part de marginaux qui se comportent COMME les milices fascisantes des années 30-40. Décidement c’est bien ces « antifascistes » qui me rappellent  » les heures les plus sombres de notre histoire « .

    La menace est un acte de coercion.
    Le reste n’est qu’accident des gens qui meurent en tombant sur la tête ça arrive des dizaines de fois par jour. Avant de se prétendre victime il faut vérifier si l’on est l’instigateur ou effectivement la victime.
    Que les gens reprennent leur responsabilité. Plus d’excuses du genre  » c’est de la faute de la société « . Les gens sont responsable de ce qu’ils font.

  • Pourquoi utiliser les termes: fasciste et gauchiste ?
    On devrait dire les fascistes de gauche et de droite, qui en fait on la même idéologie.
    Il n’y a aucune différence entre un Hitler et un Staline ou Mao et bien d’autres.
    Le Communisme est bien un fascisme.

  • Le politico-médiatique adore fabriquer de l’opinion par un biais pseudo-sentimental. Le faux semblant sentimental s’appuie sur une mise en scène des faits. Avant même que la justice ait eu connaissance des faits, les justiciers en micro et papier sussuraient leurs « vérité ». Ces « opinions » médiatiques s’attrapent comme des maladies contagieuses touchant les esprits les plus brutaux et les moins avisés. Ce qui devient inquiétant ce que les individus chargés de faire rempart à la bestialité l’accompagne sous une forme dissimulée! Par une seule mise en examen des compagnons de monsieur Méric !? Quelle curieuse conception de l’enquête judiciaire et policière ! Le fait d’avoir une victime dans son camps, vaudrait absolution des provocations, voies de faits….La violence semble devenue un jeu de société crétin encouragé par le monde judiciaire (concept de riposte proportionné à l’agression ) . La violence est un tabou dans une société développée et ce concept de proportionnalité un caractère primitif et pédant. Celui qui commence a toujours tort…le reste n’est que folie de vouloir mettre de la raison dans la folie. Une pensée pour le juge d’instruction cependant qui a qualifié (contre le parquet) l’action d’homicide involontaire .

  • Le fascisme a toujours été de gauche. La soi disant extrême-droite vient d’un déplacement de membres de l’extrême-gauche et de gauche tout court qui ont collaboré avec les allemands sous Vichy.Hitler et Mussolini étaient socialistes.
    Tous ces gens n’ont rien a voir avec la droite.
    Ah! si le monde pouvait devenir libéral.

  • Ils pleurent le pauvre Clément et puis pour se consoler ils écouteront Bernard Cantat le divin, celui qui massacra à coup de poing Marie Trintignand. Les gauchistes sont bien plus schizo que névrosé.

  • En somme c’est un fasciste de gauche tuer par un fasciste de droite…

    Le fascisme n’étant pas classé politiquement il est une forme d’application pratique d’une idéologie pratique.

    Staline et Hitler étaient tout deux fascistes pour exemple.

    • idéologie politique pardon

      • A ma connaissance, fascisme est un terme qui désigne un mouvement, un parti et un gouvernement qu’a connu l’Italie autrefois. Mussolini était fasciste, ni Hitler, ni Staline n’étaient fascistes. Hitler était nazi et Staline communiste. Traiter tout le monde de fasciste c’est sanctionner le vocabulaire communiste qui visait à confondre nazis et fascistes pour mieux faire disparaître le très fâcheux terme national-socialisme.

        • @ Dardanus : Très bonne mise au point. Ce terme de fasciste ou facho est exaspérant et finit par ne rien signifier.

          • Comme le terme raciste d’ailleurs …

            Antifa, antiraciste, anticapitaliste : on remarquera que la gauche s’en prend toujours à l’Autre qu’elle est pourtant censée aimer et tolérer …

  • La victime etait etudiant a Science-Po. Cela souleve quelques interrogations, loin de toute polemique partisane:

    Premiere question: que faisait-elle dans les rues, a chercher la bagarre avec son groupe extremiste, plutot que de reviser ses examens de fin d’annee?

    Seconde question: si sa vision de la politique etait l’action violente, visant a l’extermination de toute opposition et resurrection d’un regime communiste, imaginons ce qu’il aurait donne dans vingt ou trente ans, une fois au pouvoir. Est-ce une perte de potentiel ?

  • Précision : la Suisse possède un impôt sur la fortune. C’est contraire à l’image caricaturale qu’on a de ce pays en France, mais presque rien de ce que les Français imaginent de la Suisse n’est vrai.

  • Coquille d’envolée verbale ?
    « […] troublions ataviquement, voire génétiquement […] » est un superbe pléonasme.

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