La Suisse saborde son secteur bancaire

Les banques suisses pourront faire fi du secret bancaire et donner à l’IRS absolument toutes les informations qu’il réclame.

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La Suisse saborde son secteur bancaire

Publié le 30 mai 2013
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Les banques suisses pourront faire fi du secret bancaire et donner à l’IRS absolument toutes les informations qu’il réclame.

Par Stéphane Montabert, depuis Renens, Suisse.

Hier midi, la conseillère fédérale chargée des Finances Eveline Widmer-Schlumpf a expliqué devant la presse en quoi consistait « l’accord » prévu par le Conseil fédéral avec les Américains pour enterrer la guerre fiscale entre les deux pays.

Au vu du résultat, il n’y a guère de différence entre la solution proposée et un échec total.

Pendant des années, des banques helvétiques – mais pas seulement – ont prospecté sur le sol américain pour proposer des services d’évasion fiscale à des clients fortunés. Ces pratiques ont finalement été révélées au grand jour par Bradley Birkenfeld, un ancien conseiller à la clientèle de l’UBS devenu « repenti » en échange d’un substantiel intéressement pour sa collaboration. Depuis, les banques suisses, revenues dans le giron de la loi, n’ont de cesse de régler ces errements du passé.

Bien que simple en surface, l’affaire est un peu plus compliquée qu’il n’y paraît, l’évasion fiscale n’étant qu’un délit en droit suisse, à l’inverse de la fraude fiscale impliquant la création et l’utilisation de faux documents. On peut aussi évoquer les procédures d’entraide administrative entre les deux pays pour gérer des enquêtes d’ordre fiscal, ou de veilles notions désuètes de droit comme la présomption d’innocence. Mais en résumé, peu importe : l’Oncle Sam a besoin d’argent. La Suisse lui a offert un prétexte en or pour lui en réclamer.

Les Américains maintiennent donc depuis deux ans la pression sur la Suisse, menaçant les principaux établissements bancaires helvétiques de procès retentissant et d’amendes avec des montants comme seuls des Américains savent en écrire. Leur point de vue est défendable, mais il appartient au gouvernement helvétique de préserver la sécurité du droit et la souveraineté du pays face à ce qui ressemble furieusement à un diktat, et de faire en sorte que seuls les vrais coupables paient.

Nous avons le résultat de ces brillantes négociations depuis hier : les banques suisses pourront faire fi du secret bancaire et donner à l’IRS absolument toutes les informations qu’il réclame – en espérant que cela suffise : les Américains ont explicitement rejeté toute garantie en ce sens. « L’accord » permet aux banques de sacrifier tout le reste, à savoir leurs clients, et mêmes leurs anciens employés. Les cadres dirigeants ayant ordonné de telles pratiques, eux, semblent à l’abri de toute sanction.

Pour utiliser un parallèle criminel, c’est comme si on demandait au Parrain de la mafia de lâcher le nom de ses hommes de mains et des commerçants rançonnés pour qu’ils soient sévèrement punis, en échange de son impunité à lui. On marche sur la tête.

Ce n’est pas tout : cette loi d’exception devrait être approuvée en urgence par le Parlement en juin sans que les modalités de la collaboration entre les banques et les services américains ne soient rendues publiques. Les parlementaires sont amenés à voter sur un projet au contenu secret !

La ministre des Finances ose avancer que la solution trouvée est « bonne et pragmatique », voire même qu’elle « permettra de clore le chapitre ». À ce niveau de responsabilité, pareille naïveté a quelque chose d’ahurissant. Tout indique que les informations récoltées par le fisc américain lui permettront de tirer encore et encore sur la même corde, et que d’autres pays (au hasard ceux de l’Union européenne) s’empresseront de réclamer un traitement identique pour leurs propres services fiscaux. Tout client étranger des banques suisses deviendra un coupable en puissance, ceux qui ne fuiront pas devront justifier de leur innocence.

Le secteur bancaire helvétique sera dépecé.

Les réactions des parlementaires sont plutôt négatives mais la partie n’est pas jouée ; si certains s’indignent à droite comme à gauche, d’autres pourraient simplement appuyer le gouvernement par pur suivisme comme le PDC ou, à gauche, voir finalement un bon coup à jouer contre les banquiers, ennemis de classe désignés.

En conférence de presse, Evelyne Widmer-Schlumpf annonça sans honte que la Suisse avait participé aux discussions sur le contenu du programme « offert » par Washington et « pu faire valoir plusieurs points ». Sachant que le projet présenté hier n’est rien d’autre qu’une capitulation sans conditions face à toutes les exigences américaines, on se demande bien lesquels.

Pas un journaliste pour poser la question, naturellement.


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  • Que compte faire l’UDC ?
    A part Céline Amaudruz (peut être parcequ’elle bosse à l’UBS), je n’ai pas entendu grand monde.

    • Je ne sais pas pour l’instant. Mlle Amaudruz est résolument contre, mais un poids lourd du parti (M. Rime je crois) a commencé à tergiverser en disant qu’il fallait examiner ça en détail, ce genre de chose…

      Honnêtement, j’aurai honte du Parlement s’il avalise pareille manoeuvre. Et si l’UDC soutient cette inadmissible procédure, les élus du parti perdront toute crédibilité à mes yeux.

  • Merci pour cet article. Triste de voir que la Suisse, d’habitude si indépendante et fière, doive en arriver là…
    Quelle hypocrisie de la part des USA, qui ne savait même pas, il y a à peine 5 ans, que ce pays existait!
    Mais dans quel état allons-nous tous nous retrouver lorsque le système américain explosera…

  • Le fachisme bancaire total!En attendant la « chypriotisation  » de votre épargne!Tous à vos coffres forts , je précise pas dans un organisme financier!A mois qu’ils veulent abolir aussi l’inviolabilité du domicile?

  • Ce qui est positif, dans le paquet de perte de secret bancaire, c’est que les partis politiques suisses ne pourront plus cacher leurs caisses noires aux fisc.

  • Les commentaires sont fermés.

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