La confiture d’orange et le grand marché

Plus le marché grandit, plus le niveau de marge nécessaire pour être économiquement viable baisse. Illustration.

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La confiture d’orange et le grand marché

Publié le 3 mai 2013
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Plus le marché grandit, plus le niveau de marge nécessaire pour être économiquement viable baisse. Illustration.

Par Guillaume Nicoulaud.

Un ami (qui se reconnaitra) s’est lancé dans une petite aventure entrepreneuriale : il va produire et essayer de vendre de la confiture artisanale. Il a quelques recettes – dont une, en particulier, à base d’oranges – qui, de l’avis de tous, sont excellentes ; il a le savoir-faire et, last but not least, il a envie de se lancer.

Selon ses calculs [1], il devra faire face à 1 000 euros de coûts fixes par an auxquels se rajouteront 3 euros de coûts variables par pot produit et expédié chez ses clients. De ces estimations, il déduit assez facilement que pour gagner 24 000 euros par an avant impôts et autres prélèvements obligatoires, il devra vendre 5 000 pots à 8 euros.

Naturellement, il obtiendrait le même résultat en vendant 2 000 pots à 15,5 euros seulement voilà, même si son produit est un produit haut-de-gamme qu’il destine à une clientèle plutôt aisée, le fait est que vous ne pouvez pas espérer vendre un pot de confiture d’orange à n’importe quel prix. En gros, vous pouvez estimer que 10 euros pour un pot de 500 grammes, c’est un maximum : au-delà, il est assez probable que vous ne vendrez rien.

D’où son objectif de vente : 5 000 pots de 500 gramme par an à 8 euros l’unité.

Ça n’a l’air de rien 5 000 pots mais il faut les vendre. C’est-à-dire qu’il va lui falloir trouver des clients qui, non seulement aiment la confiture d’orange mais sont aussi prêts à mettre 8 euros dans un pot de 500 grammes. Typiquement, si l’on retient par hypothèse une demande solvable de l’ordre d’un pot par an pour 10 000 habitants, il lui faut un marché de 36 millions d’individus pour espérer gagner sa vie.

Sauf que cette petite entreprise, c’est en Israël qu’il essaie de la créer et en Israël, vous ne pouvez pas compter sur plus de 8 millions d’habitants. En d’autres termes, sur un marché aussi restreint, cette entreprise ne peut pas exister. Si mon ami veut vivre de son travail, il n’a qu’une seule solution : exporter ou, si vous préférez, avoir accès à un marché beaucoup plus grand qu’Israël.

Ce que cette petite histoire souligne au-delà de ce cas particulier, c’est que plus un marché est grand, plus il peut accueillir d’activités économiquement viables. Vous pouvez schématiser cette idée en considérant que la capacité d’une entreprise à générer des bénéfices – et donc à exister – dépend du produit de son chiffre d’affaires et de son taux de marge nette [2] : dans un petit marché, où le chiffre d’affaires est contraint, seules les activités à forte marge peuvent survivre mais plus le marché grandit, plus le niveau de marge nécessaire pour être économiquement viable baisse [3].


Sur le web.

Notes :

  1. Les chiffres ne sont que pure invention de ma part.
  2. Bénéfice net divisé par le chiffre d’affaires. Notez que c’est une tautologie : BN = CA x BN/CA.
  3. Et plus les activités à forte marge sont contraintes par la concurrence…
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  • Une des raisons pour lesquelles les USA sont un marché de rêve: 300 millions d’habitants parlant anglais et une seule norme légale.

    En comparaison viser le marché européen tient du cauchemar, même si l’UE a beaucoup arrangé les choses sur ce point.

    • « Une des raisons pour lesquelles les USA sont un marché de rêve: 300 millions d’habitants parlant anglais et une seule norme légale »
      —————————–
      Dommage que les avocats retors, les class actions, les multitudes agences gouvernementales et non gouvernementales vertes ne l’aient transformé depuis déjà longtemps en enfer.

  • l’exemple développé est excellent, quoi qu’il défonce une porte ouverte, mais quel est le lien avec l’affirmation en chapeau :
    « Plus le marché grandit, plus le niveau de marge nécessaire pour être économiquement viable baisse » ?
    Je n’en vois pas. Le niveau de marge nécessaire à la viabilité ne dépend pas de la taille du marché.
    L’exemple illustre un truisme : un grand marché permet d’avoir plus de clients potentiels. Bien sûr. Mais c’est aussi la certitude d’être confronté à plus de concurrents (confitures de myrtille, pâtes de fruits, etc. et même tout à tas de trucs sans rapport direct : tout ce que les gens peuvent faire avec 8 € plutôt que de les mettre dans un pot de confiture). Du coup, rien ne permet d’affirmer que le marché plus grand sera plus facile à vivre pour le producteur.

    • L’affirmation du titre est une consequence du contenu de l’article.
      L’article montre par un exemple qu’un grand marche permet de developper des activites a faible marge qui autrement seraient impossibles.

      Inversement, si vous avez une activite a forte marge et que vous accedez a un grand marche, il est tres probable que vous allez entrer en concurrence avec des gens qui font la meme-chose que vous, mais avec les marges faibles que permettent un grand marche.
      Et donc vous serez force vous aussi de baisser vos marges pour etre viable. Donc quand votre marche s’etend, vous devez en general baisser vos marges afin de rester viable. (sauf les produits de niche ou de luxe…mais en fait rester sur un marche du luxe ou de niche c’est une facon de reduire son marche).

      • Tu peux toujours répéter une affirmation, ça n’en fait pas une démonstration. Ici, il n’y en a pas, de démonstration. Si il a un lien entre la taille du marché et la marge possible (ce qui est assez évident d’un point de vue pratique), la démonstration n’est ni dans l’article, ni dans ton commentaire.
        L’article pointe « ce qu’on voit » : plus de clients potentiels. Il ignore « ce qu’on ne voit pas » : plus de concurrents. Et c’est évidemment un effet qui, l’un dans l’autre va gêner Tartempion (marchand de confiture d’orange) ou Duschmol (marchand de confiture de myrtilles, dont une partie de la clientèle va partir chez Tartempion).

        • « Il ignore « ce qu’on ne voit pas » : plus de concurrents. »
          —————————–
          Plus de concurrents ne signifie pas forcément réduction de taille du marché individuel, souvent, ça peut même la booster. Les concessionnaires auto, les agents immobiliers ou les restaurants se mettent côte à côte dans la même rue pour créer un effet de synergie et pousser à la consommation.
          Le marché n’est pas un gâteau à taille fixe qu’on partage mais de taille variable qui peut gonfler d’autant plus facilement qu’il est grand (notamment par l’effet de mode).

          Dommage que les avocats retors, les class actions, les multitudes agences gouvernementales et non gouvernementales vertes ne l’aient transformé depuis déjà longtemps en enfer.

          • Ouais. « pas forcément ». « ça peut ». Peut-être.
            Ce qui est sûr, par contre, c’est qu’il te faudra un commentaire ou un article plus long que l’original pour établir un lien entre taille du marché et niveau de marge nécessaire pour être économiquement viable.
            Pour l’instant ce lien n’est pas visible.
            Un peu de rigueur, que diable.

    • « L’exemple illustre un truisme : un grand marché permet d’avoir plus de clients potentiels.  »
      Un grand marché n’est pas une garantie de vendre plus, mais… le potentiel de vente est plus important, comme vous le dites.

      Dans l’exemple cité rien ne dit que le fabricant de confiture arrivera à vendre ses 5 000 pots sur le marché mondial, mais il ne fait presque aucun de doute qu’il n’y arrivera pas sur son propre marché.

      « Ouais. « pas forcément ». « ça peut ». Peut-être.
      Ce qui est sûr, par contre, c’est qu’il te faudra un commentaire ou un article plus long que l’original pour établir un lien entre taille du marché et niveau de marge nécessaire pour être économiquement viable.
      Pour l’instant ce lien n’est pas visible.
      Un peu de rigueur, que diable. » Les articles et les commentaires publiés sur un site d’information grand public n’ont pas forcément vocation à avoir la rigueur d’un article d’économie publié dans une revue…

  • Pas prêt d’acheter un pot à 8 € dont 6 pour le rabbin – confiotte casher, confiotte trèscher

    • tordant…

      il devrait surtout trouver un marché de tartineur.
      En gros une chaine d’hôtel c’est un débouché presque indispensable.

      • Une confiture ne contient pas de produits animaux (normalement) et est donc nécessairement casher, rabbin ou pas.

        • oui mais on va dire que c’est quand même pas facile de tartiner avec une cuillère ou avec les doigts. Donc le marché ne s’étend qu’avec l’usage des couteaux. C’est sur que de ce coté là la Palestine ne sera pas le premier client. A moins que le pot ne puisse servir à d’autres usages.

        • Perdu, on peut mettre de la gélatine, d’origine animale, dans ses confitures.

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Les auteurs : Miruna Radu-Lefebvre est Professeur en Entrepreneuriat à Audencia. Raina Homai est Research Analyst à Audencia.

 

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