Le fol espoir de la rigueur douce

Partout en Europe et en particulier en France, les réformes ne s’imposent qu’au pire de la crise, quand il est sans doute trop tard.

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Le fol espoir de la rigueur douce

Publié le 2 mai 2013
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Partout en Europe et en particulier en France, les réformes ne s’imposent qu’au pire de la crise, quand il est sans doute trop tard.

Par Stéphane Montabert, depuis Renens, Suisse.

L’Europe coule dans la récession et le chômage. Dernier record en date : 12,1% au mois de mars. Ce n’est jamais que le 23e mois consécutif de hausse. Nous n’avons pas encore les chiffres d’avril. Les records sont faits pour être battus. Simultanément monte une clameur – scandée par les manifestants, reprise par les médias et trouvant écho dans le monde politique – selon laquelle l’austérité frappant l’Europe devrait être « adoucie » ou « aménagée ». On notera en effet que les pays les plus durement touchés par le chômage sont aussi ceux qui ont eu droit à la bienveillante attention de l’Europe sous la forme d’une aide financière assortie de conditions. Le chômage atteint ainsi 27,2% en Grèce (en janvier, la Grèce est dans un tel état que des données plus récentes ne sont pas disponibles), de 26,7% en Espagne et de 17,5% au Portugal.

Lier le chômage à l’austérité imposée depuis Bruxelles semble une évidence. Lorsque l’Union Européenne et le Fonds Monétaire International obligent la Grèce à mettre un terme à 15.000 emplois de fonctionnaires (ne vous inquiétez pas, il en reste quelques-uns) en échange d’une tranche de prêt de 8,8 milliards d’euros, la démonstration semble faite. Austérité et chômage avancent de pair, mais les manifestants ont tôt fait de remplacer la corrélation par la causalité et de clamer que l’austérité provoque le chômage.

Les gens parent l’Allemagne de tous les vices de la méchanceté et de l’égoïsme et expriment leur espoir : baisser le rythme des réformes, donner un peu d’oxygène, parer la rigueur d’un visage humain comme le socialisme le fut aussi en son temps. Ils ont tort.

La thèse, simpliste et séduisante, a tout pour plaire. Elle est d’autant plus facilement reprise par la classe politique locale, la procrastination étant une valeur cardinale chez tout politicien carriériste qui se respecte. La plupart de ces derniers n’ont de toutes façons pas la force de caractère permettant d’entamer des réformes de fond. Mais le nombre ne fait pas la vérité.

L’Allemagne, érigée en symbole de la rigueur, ne souffre que d’un chômage à 5,4%. Comment l’expliquent les adeptes de la thèse d’une rigueur génératrice de chômage ?

Les 19,2 millions d’Européens à la recherche d’un emploi de plus en plus improbable disposent bien malgré eux de beaucoup de temps libre ; ils devraient l’employer à lire Bastiat, par exemple. Au hasard d’une page, ils tomberaient sur ses écrits sur le libre-échange et se confronteraient à son exemple du paysan champenois :

Ce sur quoi nous sommes unanimes, c’est pour dire que, puisque la France est engagée dans une mauvaise voie, il faut l’en faire sortir avec le moins de perturbation possible. L’immense majorité de nos collègues pense que cette perturbation sera d’autant plus amoindrie que la transition sera plus lente. Quelques-uns, et je dois dire que je suis du nombre, croient que la réforme la plus subite, la plus instantanée, la plus générale, serait en même temps la moins douloureuse ; et si c’était ici le moment de développer cette thèse, je suis sûr que je l’appuierais sur des raisons dont vous seriez frappés. Je ne suis pas comme ce Champenois qui disait à son chien: « Pauvre bête, il faut que je te coupe la queue ; mais sois tranquille, pour t’épargner des souffrances, je ménagerai la transition et n’en couperai qu’un morceau tous les jours. »

La « transition douce » que réclament les manifestants sans le sou est une hypocrisie. En guise d’adoucissement, ils souhaiteraient un retour chimérique aux vieux jours heureux, à la gabegie précédente. Comme tant d’autres avant eux, ils voudraient vivre au-dessus de leurs moyens, empruntant sur le dos de leurs enfants, s’épanouissant dans des emplois à vie dénués de valeur ajoutée, bénéficiant de régimes de retraite pour lesquels ils ont si peu cotisé eu égard à ce qu’ils retirent.

Ils ne réalisent pas que cette période insouciante et immorale fait partie du passé. Elle ne reviendra jamais. La social-démocratie est morte étouffée sous ses dettes. Elle a rejoint les dinosaures dans la galerie des monstres disparus.

Bien sûr, les chômeurs de cette longue et douloureuse transition sont bien réels. Le retrait des circuits économiques d’un mastodonte comme l’État socio-démocrate ne va pas sans provoquer de sérieuses vagues. Mais réclamer une rémission dans la cure d’amaigrissement – pas encore commencée pour beaucoup d’États européens – revient à donner une dose de came à un junkie pour alléger les souffrances de son sevrage. Cela ne lui rendra pas service, n’allègera ses douleurs que brièvement et pourrait encore empirer son état.

La diminution du périmètre de l’État est pour ce dernier une obligation de survie. Plus les réformes tardent, plus elles sont douloureuses : voilà les raisons pour lesquelles l’Europe souffre aujourd’hui, et l’Allemagne moins. L’alternative est l’effondrement pur et simple dans quelque chose qui n’a plus rien de démocratique. Aucun pays engagé récemment dans les réformes n’ayant aujourd’hui réussi à sortir complètement la tête hors de l’eau, l’hypothèse n’est pas à exclure.

Évidemment, les élites s’accrochent ; elle seront keynésiennes ou ne seront pas. « Nous estimons que l’Europe peut faire davantage pour la croissance et l’emploi », a ainsi rappelé l’indécrottable premier ministre irlandais, Enda Kenny, leader d’un pays pourtant en bonne voie de s’en sortir. Ces gens n’apprennent jamais rien !

La cour constitutionnelle portugaise a pour sa part retoqué début avril pour 1,3 milliards d’euros d’économies en refusant de réduire les salaires et les pensions dans la fonction publique. Au Portugal, apparemment, le quatorzième mois de salaire des fonctionnaires est devenu un droit fondamental.

Du côté italien, douchant les maigres espoirs de réforme que le jeune gouvernement pouvait susciter, M. Letta a affirmé lundi lors de son premier discours devant le Parlement que « l’Italie est en train de mourir de trop d’assainissement », ajoutant ensuite que « les politiques en faveur de la relance ne peuvent plus attendre ». Le redressement italien est repoussé aux calendes grecques…

Du côté français, on applaudit en se découvrant des partenaires de médiocrité. Le ministre des Affaires européennes Thierry Repentin s’est réjouit d’entendre un « écho » à la la politique de relance de François Hollande. Le chômage français ne se situe il est vrai qu’à 10,6%, le double de l’Allemagne, mais encore un peu en-dessous de la moyenne européenne. Mais la France n’a pas encore entamé le plus petit pas en direction d’une réduction du poids de l’État…

Bref, partout en Europe et en particulier en France, les réformes ne s’imposent qu’au pire de la crise, quand il est sans doute trop tard. Dans l’Hexagone où on passe son temps à reculer pour mieux sauter, ce manque de stratégie pourrait avoir des effets proprement catastrophiques, d’autant plus que la population locale s’obstine à ne pas prendre la mesure des défis qui l’attendent.

Le porte-parole du commissaire européen aux Affaires économiques Olli Rehn s’est senti obligé de rappeler mardi que la Commission soutenait des politiques assurant « un équilibre » entre stabilisation des finances publiques et mesures de relance ; même l’Europe verse dans l’hypocrisie générale aux dépens de l’Allemagne.

Tout ceci ne peut que très mal finir.


Sur le web.

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  • Le rigueur douce, c’est l’équivalent de pas de rigueur du tout.

    Les politiciens collectivistes croient une fois de plus pouvoir gagner un peu de temps, comme au bon vieux temps, espérant un hypothétique retour de la croissance qui ne viendra pas. Ils n’ont pas encore admis la vanité de leur démarche. Ils sont les gardiens du Désert des Tartares.

    Leur attitude démontre qu’ils ne comprennent pas l’économie, encore moins que cette crise est leur crise, la crise terminale des social-démocraties.

    • Les ultra-liberaux (comme les gardiens du fameux « Désert des Tartares » ) attendent le chaos qui devrait tomber sur le peuple ignare, parce qu’ils enragent de voir une société qui ne se plie pas à leurs rêves absurdes et ne va pas dans le sens qu’ils attendent
      Ils souhaitent donc un chatiement, une punition
      Ils affirment que « leurs solutions « , découlant des théories livresques de Bastiat, Hayek et quelques autres n’ont pas été assez diffusées ou comprises; en particulier dans les universités; alors qu’elles sont très bien connues , ont été analysées puis rejetées (en tirant trois fois la chasse d’eau pour être certain de ne plus en entendre parler)
      Inutile de rabacher, en voulant imposer des solutions primaires dont personne ne veut
      En démocratie c’est la majorité qui décide, en sachant vers où elle veut aller et avec quels moyens y parvenir, pas des minoritaires qui veulent imposer une nouvelle forme de dictature

      • Au moins, retour-de-flamme, vous avez l’honnêteté d’admettre, contrairement à d’autres :
        1. que les libéraux sont très minoritaires,
        2. que les idées libérales sont rejetés par tous, universitaires comme politiques.

        Qu’en conclure ? Que la crise, le chômage, la pauvreté qui se généralise, l’élite politico-économique qui exploite le peuple, toute cette merder noire dans laquelle on se trouve ne peut-être due aux libéraux.

        Vous admettez donc que la crise actuelle n’a rien de libérale, mais est bien l’application des thèses de l’élite actuelle, sociale-démocrate, et vous continuez de rejeter le libéralisme. Par dogmatisme sans doute.

  • Tout cela me fait songer à la grosse dame qui se met au régime, mais ne veut renoncer ni aux deux sucres dans son café, ni à ses petits gâteaux à 4 heures, ni à son verre de Bénédictine le soir, ni aux frites et à la béarnaise pour un peu égayer son steak grillé « de régime » …

    Après 15 jours, sa balance ne l’encourageant guère, elle décide qu’elle est un cas à part, que c’est « médical », et prend en grippe toutes les femmes-lianes qu’elle voit passer 🙂

    • N’empeche que c’est dur de suivre un régime, surtout dans un pays comme la France où tout est bon.

    • Alors que 2 heures de marche à pieds par jour font maigrir sans régime… Elles coupent même un peu la faim! Au regard des 3h16 minutes de TV par jour, l’un peut avantageusement remplacer l’autre 😉

      Marche à pieds, mise en mouvement de l’esprit et du courage d’entreprendre 😉

      Certainement transposable à l’économie!

  • on est heureux d’apprendre que la cour constitutionnelle du portugal, considère que desormais, l’année comporte 14 mois. surement une adaptation du calendrier lunaire. j’espère que les deux mois supplémentaire ne sont pas des mois d’hivers !

    • Ils ne réalisent pas que cette période insouciante et immorale fait partie du passé. Elle ne reviendra jamais. La social-démocratie est morte étouffée sous ses dettes

      dettes causées par le libéraux et les baisses d’impots. résultats 600 mds dans les paradis fiscaux d’avoir français

      ce qui est immorale c’est des nantis libéraux qui s »en prennent aux petits. allez y une transition pas douce. evidemment l’auteur de l’article n’a jamais vécu avec des allocations chômage

      on revient au 19 ème accusant les pauvres de l’être

      article vulgaire

      • Toi est tes potes turbo-Trotskiste de fête foraine, un jour il va falloir arrêter de raconter n’importe quoi n’importe comment , ça commence a vraiment se voir.
        Démonstration : C’est quoi tes 600 mds ? Ils ont été détournés par l’anti-France ? Reagan et Thatcher étaient dans le coup ? et tes « avoir français » blanchis ? par qui ? ou ? source ?

    • @supergluubs: ce sont des primes de fin d’année… Vous n’aviez pas compris ou vous faites exprès?

  • Article mettant clairement en lumière l’évidence.
    Évidence qui devrait s’imposer à tous.
    Malheureusement, faire comprendre à des drogués – tous les bénéficiaires des largesses de l’Etat Providence – que leur salut viendra de leur sevrage, lequel sera forcément très douloureux, sera quasiment impossible pour la grande majorité.
    La plupart jouera peut être le jeu, mais rechutera inéluctablement.
    Le seul moyen pour eux, de ne plus jamais toucher à la drogue, serait qu’elle disparaisse ou soit extrêmement difficile d’accès.
    Mais si je suis bien les actualités, les dealers ont le vent en poupe et ne sont pas prêts à se laisser erradiquer.

  • La seule solution : virer 1 million de fonctionnaires sans indemnités et leur dire que dans 3 mois, l’appel d’air économique sera tellement puissant qu’ils retrouveront du boulot assez rapidement… S’ils ont envie de travailler !

  • Les commentaires sont fermés.

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