Affaire Cahuzac ou affaire PS ?

Quelques jours après le coup de tonnerre de l’affaire Cahuzac, les informations continuent de remonter et ne dressent pas un très beau portrait de l’élite aux commandes de la France. Le point en cinq questions.

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Affaire Cahuzac ou affaire PS ?

Publié le 9 avril 2013
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Quelques jours après le coup de tonnerre de l’affaire Cahuzac, les informations continuent de remonter et ne dressent pas un très beau portrait de l’élite aux commandes de la France. Le point en cinq questions.

Par Stéphane Montabert.

Qui était au courant, et depuis quand ?

Les premières réactions officielles, virulentes, ne laissaient pas la place au doute : le ministre démissionnaire était un monstre qui avait trompé tout le monde. Ses anciens collègues rivalisaient de vocabulaire pour faire part de leur indignation et de leur stupeur.

Depuis, le vernis du tableau s’est sérieusement effrité, tant au niveau de la Présidence (M. Hollande) que de son ministre de tutelle, le Ministre de l’Économie et des Finances (M. Moscovici), du Ministre de l’Intérieur (M. Valls) ou de la Ministre de la Justice (Mme Taubira). Selon un connaisseur des rouages des institutions cité dans Le Figaro :

Selon une tradition non écrite, le procureur de Paris informe directement le cabinet du ministre. (…) Le dossier Cahuzac fait partie de ces dossiers «signalés» qui sont suivis en temps réel ou presque par la Chancellerie. Christiane Taubira en connaît donc personnellement tous les rebondissements. En tant que Garde des Sceaux, elle est théoriquement la première informée, mais elle est parfois «doublée» par le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, comme dans le cas des expertises confiées à la police scientifique.

Les résultats de l’analyse de la bande sonore (…) remontent, eux, rapidement et directement Place Beauvau – parallèlement à la Place Vendôme… «Le fonctionnement hiérarchique est encore plus efficace de leur côté» explique un habitué de la Chancellerie.

François Molins ouvre une information judiciaire le 19 mars (…) il prend soin de suivre le processus habituel des affaires «signalées».

Sachant qu’au moins deux ministres suivaient quasiment en temps réel les progrès de l’enquête, comment croire que le Président n’ait su la vérité qu’au moment des aveux ? Qui plus est, pour des postes aussi importants, le passé des candidats est soigneusement fouillé ; or, M. Cahuzac traîne avec lui des soupçons de corruption depuis les années 90.

A-t-on cherché à protéger Jérôme Cahuzac ?

Ou, autrement dit, reste-t-il la moindre crédibilité à la « République Exemplaire » prônée par François Hollande en campagne ? Cette interrogation est la corollaire de la précédente. Certains individus haut placés ayant eu vent de l’affaire auraient pu être tentés de l’étouffer avant l’explosion, dans la grande tradition républicaine française.

Parmi toutes les personnes suspectées d’avoir couvert Jérôme Cahuzac, le nom du Ministre de l’Économie et des Finances Pierre Moscovici revient avec insistance. Le ministre de tutelle du suspect demanda ainsi à la Suisse une entraide administrative pour savoir si Jérôme Cahuzac possédait un compte à l’UBS depuis 2009 (antériorité maximale selon les accords en vigueur). L’administration helvétique, bonne fille, serait remonté jusqu’en 2006 pour répondre par la négative… Et le ministre de proclamer fièrement son collègue blanchi de tout soupçon !

Pendant cette enquête, M. Moscovici fit preuve d’un manque de curiosité étonnant. Aurait-il traqué ce mystérieux compte à la banque Reyl & Cie – citée par Mediapart – plutôt qu’à l’UBS, il aurait découvert le pot aux roses. Aurait-il formulé une autre demande d’entraide auprès de Singapour, vers qui on sait que les avoirs ont été déplacés, et avec qui la France a des accords depuis 2011, qu’il aurait également pu découvrir quelque chose.

En fait, il semble que M. Moscovici ait formulé à peu près la seule question possible par laquelle il était possible de répondre par la négative. Soit le ministre de tutelle de Jérôme Cahuzac fit preuve d’une rare myopie dans ses investigations, soit il ne cherchait pas vraiment à découvrir la vérité, à supposer qu’il l’ignorait.

600 000 euros ou 15 millions ?

La légende des 600 000 € « taraudant la conscience de l’ex-Ministre du Budget depuis vingt ans » a pris un sérieux plomb dans l’aile depuis dimanche. La RTS a révélé sur la base de documents suisses que le compte de M. Cahuzac contenait 15 millions d’euros en 2009, soit vingt-cinq fois plus que les sommes évoquées jusqu’alors.

Loin d’être inactif, le compte a vu d’importants mouvements de fonds dont nous n’avons pour l’instant pas la teneur.

Pire, dans son empressement à faire quitter l’argent pour Singapour, M. Cahuzac a vraisemblablement produit de faux documents pour le rendre présentable et permettre son transfert. Pourquoi un tel empressement à transférer de l’argent ?

Les quinze millions sont d’autant plus vraisemblables que les six cent mille ne tenaient pas la route. Un homme politique de premier plan n’aurait pas mis en danger sa carrière et sa réputation pour cacher une somme qui, en France, ne suffit même pas à soumettre son détenteur à l’impôt de solidarité sur la fortune. Un tel acharnement de la part d’un socialiste à pratiquer l’évasion fiscale aurait forcé le respect, mais ce n’est pas vraisemblable. L’argent n’était pas en Suisse pour échapper à l’impôt, mais vraisemblablement pour être employé en toute opacité.

L’affaire est-elle une preuve de l’indépendance de la justice ?

Même pas. On aurait pu saluer une justice française prête à en découdre face aux puissants, fussent-ils ministres, mais ce n’est pas vraiment ainsi que l’affaire a débuté. Selon un article précédemment cité :

Comment le Procureur de Paris, dont la carrière dépend malgré tout en partie du ministère de la Justice, a-t-il pris [la décision de l’ouverture d’une enquête sur un membre du gouvernement en place – un geste rare] ? «Pour se protéger, précisément !» estime un ancien de la Chancellerie. «François Molins [le Procureur de Paris] a été placé à la tête de la juridiction la plus sensible de France par la droite, et il craignait bien de devoir rapidement céder sa place. Lorsqu’Edwy Plenel, le patron de Mediapart, lui demande de traiter l’affaire, il se saisit de l’occasion : ainsi, il devient intouchable.»

Pour le garde des Sceaux, il n’est plus possible d’écarter le procureur de Paris : toute mutation serait en effet interprétée comme une volonté d’étouffer l’affaire…

Ainsi, l’enquête contre Jérôme Cahuzac ne serait pas une preuve d’indépendance face au pouvoir politique, mais au contraire née d’une manœuvre destinée à s’en protéger !

Est-ce l’arbre qui cache la forêt ?

C’est évidemment la question que tout le monde se pose. La menace a pris un tour beaucoup plus concret avec la une de Libération faisant état d’une enquête journalistique de Mediapart à l’encontre du Ministre des Affaires Étrangères Laurent Fabius, encore une fois à propos d’un compte à l’étranger. Ce qui n’est pour l’instant qu’une rumeur donne lieu à des démentis tous azimuts. Outre la possibilité d’une plainte contre le quotidien, le ministre est allé jusqu’à demander à des banques suisses de certifier qu’il n’a jamais eu de comptes chez elles !

A-t-on jamais vu pareille réaction face à de simples rumeurs ?

L’immédiateté et la force du déni ne sont pas sans rappeler les premières étapes de l’affaire Cahuzac, même si les éléments factuels à disposition du grand public sont pour l’heure inexistants.

La poussière soulevée par la chute du Ministre du Budget n’est pas retombée. Loin de l’homme seul trahissant ses amis et ses collègues politiques, tout porte à croire que Jérôme Cahuzac faisait partie d’un système dont il n’était qu’un rouage. Les 15 millions d’euros présents sur le compte suisse n’étaient peut-être pas que les siens. Ce n’est pas par hasard qu’un tel scandale frappe le Ministre du Budget, poste destiné entre tous à la manipulation de flux d’argent. Qu’on se rappelle des casseroles traînées par un illustre prédécesseur à ce poste, Éric Woerth…

Depuis l’évidence de ses mensonges, Jérôme Cahuzac a fait acte de contrition publique pour ses péchés et a cherché à dédouaner avec la plus grande théâtralité ses collègues de gouvernement. Il a demandé « pardon du dommage causé » au Président de la République et au Premier Ministre, lesquels confirmèrent au plus vite leur totale ignorance de l’affaire. Plutôt passer pour benêts et naïfs que pour complices ! Bref, il s’est comporté et se comporte encore comme un fusible-modèle. L’homme serait malhonnête, mais surtout, seul – une fable qui semble convenir à tout le monde.

Pas sûr que les citoyens français en soient dupes.


Sur le web.

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  • Le socialisme: « un conte défait! »

  • « L’immédiateté et la force du déni ne sont pas sans rappeler les premières étapes de l’affaire Cahuzac ».
    D’autant que le sinistre Fabius a occupé autrefois le fauteuil de ministre du budget dudit Cahuzac (1981-1983, quand l’argent « public » valsait par les fenêtres de l’État socialiste, et où il s’illustra par la création de l’impôt sur la grande fortune!).
    Mêmes postes, mêmes effets?
    Je partage totalement votre conclusion quant à la réaction disproportionnée face à la « rumeur », réaction qui est aussi un excellent indicateur de la panique qui règne chez nos « gouvernants ».

  • Tout porte à croire que votre analyse est judicieuse: il faut tenter de sauver les apparences (la seule seule chose de « tangible » dans le socialisme) pour que le système « redistributif » ne vole pas (sic) en éclats.
    Je pense cependant qu’il est déjà trop tard. Trop d’éléments volontairement imprécis (à commencer par la déclaration officielle de patrimoine de F. Hollande publiée ici: http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025844022) dans les actes des « gouvernants » et hommes politiques, ainsi que chez leurs affidés (syndicats, associations, etc.), vont devoir être réexaminés à la loupe, sans aucun doute grâce aux éléments des investigations de l’Offshoreleak. Cahuzac n’est que le grain de sable qui aura enrayé la gigantesque machine « redistributive » de la spoliation des contribuables: le « weak link » en quelque sorte.

  • Ils prennent les gens pour des imbéciles.

  • Pas de risque en de financement occulte de partis politique en Suisse …

    sacré UDC toujours le mot pour rire et lancer la pierre sur son voisin…

    • Attaque débile, calomnieuse, et hors-sujet. Typique de ceux qui n’ont rien à répondre au texte.

      Sinon merci d’être venu, hein.

  • wouarf, wouarf ! On s’apercoit enfin que le roi est nu (et tout le systeme pourri) !

    Pendant ces quarante dernieres annees les « politicards » ont pris de l’assurance et perdu toute moralite et dignite : on tape dans la caisse, on s’auto-amnistie, on ment ouvertement et on s’alterne au pouvoir. De toute facon le peuple est trop con pour choisir autre chose que nous (il n’a le choix qu’entre gauche ou droite, se dit-on). Ah,ah,ah !

    Erreur messieurs ! Perso, quant on me prend pour un con, je change definitivement de boutique : direction Marine !

    Je peux etre bonne poire, mais je ne pardonne jamais.

    • Marine, c’est la même boutique qu’Hollande, Mélenchon ou Sarko !

      Socialisme sur toutes les étagères, programme politique démagogique irresponsable, impossible à mettre en oeuvre, Etat plus obèse que jamais, avec en plus une promesse de violence assumée alors qu’elle est actuellement honteuse, cachée (de moins en moins) derrière la moraline à deux balles des socialauds officiels. Ne soyez pas pigeon après avoir été une poire : elle aussi vous prend pour un con !

  • On pourrait ajouter que le non-lieu, organisé en urgence, qui se dessine en faveur de Sarkozy, fait encore plus tâche dans le tableau.

    Quitte à affronter une crise de régime avec la chute du gouvernement Hollande, autant qu’un autre socialiste soit à même de reprendre le pouvoir. Un socialiste de droite, certes, mais c’est moins pire que plus de socialiste du tout pour entretenir amoureusement l’obésité de l’Etat. On ne sait jamais : il ne faudrait pas que le vide politique soudain (Hollande obligé de démissionner, Sarkozy inéligible) permette à une véritable opposition d’éclore dans ce pays.

    Bien sûr, ce qui précède n’est qu’une hypothèse farfelue.

  • La démultiplication des niveaux de pouvoirs ‘Régions, Europe, Communauté de Communes….) a fait le lit de la corruption. Celle-ci est désormais généralisée.

  • Malheureusement, il est impossible de démontrer (philosophiquement) l’inexistence de quelque chose : on est donc bien mal barrés !

  • Ces mesures sont prises dans l’urgence , bien sûr , comme d’habitude et sans réfléchir ! Il vaudrait mieux lutter contre le professionnalisme des élus Ce sera en effet inutile de prendre une mesure légale de moralisation de la vie publique , et des élus « du peuple » , par exemple en limitant à deux de cinq ans les mandats possibles , en limitant aussi le cumul des mandats (deux au plus et de nature seulement locale ) La liste des mesures à adopter est très longue ! ! La « démocratie représentative » dans laquelle nous vivons n’est qu’un leurre et n’a jamais existé , même à Athènes !!La réalité , c’est le moyen pour des élus de tenter d’imposer des vues souvent délétères à une majorité ,bien réelle , elle ,de français

  • Faut pas oublier que le « faux et usage de faux », en Suisse, est un CRIME fédéral, et non pas un simple délit, comme chez nous. D’ici à ce qu’elle demande son extradition (la justice helvétique est aussi indépendante — voire plus — que la nôtre)… sauf qu’on extradie pas nos ressortissants, me semble-t-il.

  • Fabius Demande à la Suisse De Se Taire : En Privé il Aurait Évoqué le « Crédit Suisse »

  • Les commentaires sont fermés.

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