L’Église et l’État, la grande histoire de la laïcité

Cet ouvrage s’adresse autant aux connaisseurs qu’aux novices. Jean Etèvenaux, historien et enseignant, nous rappelle brillamment plus de deux millénaires de faits méconnus ou déformés.

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L’Église et l’État, la grande histoire de la laïcité

Publié le 9 mars 2013
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Cet ouvrage s’adresse autant aux connaisseurs qu’aux novices. Jean Etèvenaux, historien et enseignant, nous rappelle brillamment plus de deux millénaires de faits méconnus ou déformés.

Par Bogdan Calinescu.
Un article de l’aleps.

Persécutée, humiliée, assujettie, l’Église catholique a souvent été dans une situation de soumission au pouvoir politique.

Elle-même reconnaît ce pouvoir car c’est bien Jésus qui dit dans les Évangiles : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». L’empereur Néron (54-68) l’avait bien compris en désignant les chrétiens de Rome comme boucs émissaires en les accusant d’avoir allumé l’incendie qui a ravagé la ville. On les soumet à la torture, on les brûle ou on les jette aux fauves. C’est à ce moment que Pierre et Paul sont tués. L’hostilité à l’égard des chrétiens provient du fait que de nombreuses rumeurs sur leurs « pratiques » se propagent rapidement. Ce sont des comploteurs, des barbares et des « mangeurs d’enfants ». Pourtant, dès ses débuts, le christianisme emprunte le meilleur de la civilisation gréco-latine : des concepts et des mots grecs, l’organisation sociale, les conceptions juridiques des latins et l’administration.

Après deux siècles de persécutions, c’est Galère (305-311), le successeur de Dioclétien qui signe le premier édit de tolérance accordant aux chrétiens, la liberté de conscience et de culte. Il leur demande même de prier pour l’Empire… Sous Constantin (306-337), le christianisme pourra se manifester librement. Constantin sera d’ailleurs le seul souverain romain à avoir limité le rôle de l’État qu’il considère comme un protecteur de la liberté religieuse.

Au cours du IVe siècle, l’Église chrétienne atteint même le statut de religion d’État.

C’est la grande époque des Pères de l’Église : Athanase d’Alexandrie, Basile de Césarée, Ambroise de Milan, Grégoire de Nazianze…  L’empereur Justinien (527-565) fait même des évêques ses propres agents… Le premier millénaire est d’ailleurs considéré par l’auteur comme un « accord chrétien » avec les nouveaux peuples. L’Afrique du Nord est christianisée, les Goths se convertissent à l’arianisme et les Francs au catholicisme. Quant au phénomène celte, il est sans équivalent dans l’Histoire : à partir du IVe siècle, l’Église celte s’est développée dans les îles britanniques et évangélise l’Europe en Bretagne. Par ailleurs, grâce à l’Église de l’Est, les premiers missionnaires arrivent en Inde et en Chine.

À partir du IXe siècle et jusqu’au XVe siècle, on assiste au développement de la papauté et à l’apparition des grands États européens. C’est aussi l’époque de l’empereur qui « va à Canossa » et de la crise cathare. L’Église de France est bien secouée par des mouvements communautaires qui cherchent à revenir au christianisme primitif.

Jean Etévenaux revient sur la période de l’Inquisition et rétablit quelques vérités face aux élucubrations de Voltaire et à un faux du XIXe siècle. L’Histoire montre que nous sommes très, très loin des « millions de morts » dénoncés par le pape de l’athéisme Michel Onfray et par la propagande gauchiste. On estime à quelques dizaines les condamnations à mort au nom de l’Église. De plus, de nombreuses condamnations ont été faites par des pouvoirs politiques (laïques), beaucoup plus sanguinaires dans leurs démarches. L’auteur aurait même pu rappeler qu’à la même époque, il n’y a pas eu d’Inquisition au sein de l’Église orthodoxe à l’Est de l’Europe. Au contraire, celle-ci accorde même des libertés aux popes en leur permettant de se marier et d’avoir des enfants.

Enfin, l’auteur consacre plusieurs chapitres nous rappelant les nombreuses persécutions des chrétiens un peu partout dans le monde. Les coptes d’Égypte, les Arméniens, les chrétiens dans les pays musulmans et dans certains pays d’Asie, les massacres de chrétiens en Afrique… L’auteur n’insiste pas beaucoup sur les crimes du communisme. Il aurait peut-être pu consacrer quelques pages au martyre et à l’assassinat du prêtre Popielusko en Pologne en 1984 ou au père Calciu en Roumanie qui a passé 21 ans dans les geôles communistes. Mais les souffrances de l’Église et des croyants sont si fréquentes qu’il faudrait plus d’un ouvrage pour en parler…


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  • un peu court …et surtout un fait important le pouvoir laïc pendant l’ancien régime était guidé par l église..alors dire que ce n’est pas l’église mais les laïcs est faux, l’église est un des piliers de l’ancien régime …rappel les camisard 7102-1704..les guerres de religion du 15 et 16 ieme siècle..etc ..il faut rester centré sur la France

    • Moins qu’un pilier, l’église a constamment joué un rôle de modération des abus de pouvoir de l’ancien régime, soit exactement ce qui manque à l’actuel régime. L’église permet de comprendre pourquoi le premier a duré si longtemps et son rejet systématique permet d’anticiper, sans risque de se tromper, que le second ne peut que s’effondrer rapidement.

      « Il faut rester centré sur la France » : relisez l’article, ce n’est pas l’objet, semble-t-il, du livre présenté.

      • @Cavaignac

        « l’église a constamment joué un rôle de modération des abus de pouvoir de l’ancien régime, soit exactement ce qui manque à l’actuel régime »

        Vous en avez trop dit ou pas assez, pourriez-vous aller jusqu’au bout de votre pensée !
        Une proposition peut-être de partage du pouvoir avec l’église ? mais laquelle ? et comment ?

        • À l’Église le spirituel, donc la morale (au sens chrétien).
          La morale est absolue, c’est un fait anthropologique qui la rattache inévitablement au spirituel.
          Toute autorité morale est nécessairement aussi spirituelle.

          Le fait que l’autorité morale appartienne à l’Église, qui ne peut pas jeter la pierre, crée de facto une autorité régalienne.
          La coexistence des deux autorités est un problème permanent, mais fécond, notamment parce qu’elles se modèrent mutuellement, et qu’il en résulte non pas deux mais trois domaines: Le religieux, le régalien, et la société civile, où l’initiative individuelle s’épanouit.
          Il faut deux autorités pour qu’il puisse exister une société civile, car alors chacune combat l’expansion de l’autre.

          Tout le problème est d’empêcher que l’autorité régalienne n’emploie la force pour évincer l’autorité morale et usurper ses fonctions.
          C’est précisément ce que nous observons actuellement en Occident post-chrétien.
          La solution de la monarchie de droit divin est logique et efficace: L’Église couronne le roi, donc il ne peut pas la détruire.

          L’avènement de la République a ensuite laissé l’Église à la merci du pouvoir régalien. Dès que celui-ci fut gagné par les socialistes, la force régalienne a été employée pour imposer les prétentions au magistère moral du socialisme, par des méthodes fascistes (http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_des_congr%C3%A9gations_chr%C3%A9tiennes_en_France).
          Dès lors les frontières entre régalien et spirituel sont tombées, et la société civile a fondu, asséchée par les impôts et les prestations « gratuites » financées par eux (école publique…), infestée d’associations socialistes subventionnées, étouffée sous une logorrhée législative moralisatrice et floue.

          Il nous faut donc un système reproduisant cette propriété de l’ancien régime, sous une forme ou une autre.
          La morale doit être soustraite à l’autorité régalienne, et néanmoins être pensée dans le cadre défini par le christianisme, ce qui implique une référence explicite au christianisme dans nos institutions.

    • @RTedy : « Guidé par l’Eglise… » Tout pouvoir politique est guidé par une doctrine, quelle soit d’origine philosophique ou théologique. Actuellement, la doctrine est d’origine philosophique et c’est le marxisme-léninisme et/ou les droits de l’homme.
      L’Eglise était un pilier de l’état parce que la société de l’époque était catholique : le roi reconnaissait qu’il avait un supérieur duquel il tenait la légitimité de son pouvoir et à qui il rendrait compte de sa gestion (« de droit divin » ne veut pas dire omnipotent), la vie sociale était ordonnée aux hommes qui la composent notamment par rapport à leur fins dernières (le fait que beaucoup ne croit plus ne change rien au fait qu’ils y croyaient et qu’ils le vivaient) ainsi que la vie économique (voler est interdit par Dieu : dans une société catholique, le vol existe mais quand 90% de la population te rapporte ton portefeuille avec tout ce qui est dedans, c’est plus simple au niveau confiance. Conséquence, Louis XV avait 6000 gendarmes. On en a 200 milles). Oui l’Eglise avait une part importante dans la société parce que la plupart était catholique et non l’inverse. Quant au protestantisme, la survenue de personnes a remis en cause l’autorité de l’Eglise et donc l’ordre social (parce que la plupart était catholique et non parce que l’Eglise est autoritaire, encore une fois). Un ordre social troublé fait une guerre civile. Pour moi, tout est logique et normal, à peu près autant qu’une pluie d’impôts quand les socialistes sont au pouvoir.

      • Toute société est fondée sur une vision partagée de l’homme, donc une religion. Les institutions en découlent.

        Ainsi, il est futile de croire que nos institutions nous protègent des conséquences de l’islamisation. Par nature, l’islam définit des institutions et non l’inverse.

  • L’église française ou gallicane était un rouage de l’état monarchiste, un rouage plutôt apaisant et fort utile mais un rouage ; tous ces dirigeants étaient nommés par le roi parmi des personnalités sures, le Vatican ne faisant que vérifier leurs capacités théologiques ( et encore) ; Le roi prit souvent en matière d ‘organisation des ordres religieux des dispositions contre le désir de la papauté (expulsion des jésuites, suppression de l’ordre du temple) même la révocation de l’édit de Nantes contrariait Rome ! Paradoxalement c’est la séparation de l’église et de l’état par la république qui libéra l’église de France d’une lourde tutelle ; dernière mesure Jospin et Chirac ont dispensé Rome de présenter les évêques!

    • Le pouvoir ne se partage pas, et quand on essaie de dissocier le régalien du spirituel, qu’il est difficile de protéger celui-ci contre celui-là !

      Puisque c’est si difficile et toujours imparfait, il est tentant d’y renoncer.
      Comme la liberté.
      Pourtant c’est cette disjonction entre deux autorités qui dégage l’espace de la société civile, soumise à aucun des deux, et où l’initiative individuelle s’épanouit.

      La laïcité actuelle n’en est pas une, car le socialisme prétend au magistère moral et au pouvoir régalien. La distinction n’est plus que théorique et résiduelle, héritage de notre passé chrétien. La société civile est corsetée de lois et infestée d’associations socialistes subventionnées. Nos lois sont bavardes, car on ne distinguer plus le régalien de la morale, donc du spirituel…

      La laïcité, c’était le christianisme. À chaque fois que le socialisme reprend un terme, c’est pour le dévoyer et tuer ce qu’il désignait.

  • Rendez à César ce qui est à César: il s’agissait de monnaie.

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