La moralité du marché et la morale de ses détracteurs

Le marché est souvent considéré comme un mécanisme n'exprimant que la recherche du profit à court terme - à tort.
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La moralité du marché et la morale de ses détracteurs

Publié le 28 février 2013
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Le marché est souvent considéré comme un mécanisme n’exprimant que la recherche du profit à court terme et soucieux uniquement de la rentabilité – à tort.

Par Baptiste Créteur.

Le marché est, en théorie, l’expression des choix librement consentis des individus. Les partisans d’une régulation étatique affirment que le marché, i.e. le choix des individus, est destructeur car il n’exprimerait au mieux qu’une certaine forme de rationalité cantonnée au profit immédiat, au pire qu’une irrationalité totale, et inciterait à des pratiques jugées immorales de dumping environnemental, social, fiscal nuisibles, par exemple, au modèle social français.

Le marché ne peut en réalité pas être dissocié de ses parties prenantes, i.e. des individus qui le composent. Ces individus ont des critères de choix qui leur sont propres, et leurs préférences donnent lieu à des pratiques auxquelles la recherche systématique du prix le plus bas ne laisserait aucune place. Le développement de labels pour les produits issus de l’agriculture biologique, les produits sans OGM ou le commerce équitable, permis par le marché, illustre la préférence de ces consommateurs pour des produits souvent plus chers mais dont ils recherchent les caractéristiques ; les producteurs, eux aussi, sont prêts à payer pour valoriser ces caractéristiques appréciées des consommateurs.

Les préférences des consommateurs pour des critères dépassant le simple cadre économique n’est pas l’apanage des marchés de biens et services. Sur les marchés financiers se développent des produits n’incorporant que certaines catégories d’actifs, qui permettent d’investir selon un nombre de critères de plus en plus vastes. Au départ liés à des profils de risque ou à des caractéristiques sectorielles ou géographiques, des fonds intègrent aujourd’hui d’autres caractéristiques « morales » permettant aux investisseurs d’exprimer leurs préférences et de n’investir que dans des valeurs selon des critères plus larges que la simple rentabilité.

Une étude récente du cabinet PricewaterhouseCoopers souligne l’influence grandissante des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance sur le marché des fusions et acquisitions.

Aujourd’hui, 63 % des entreprises interrogées prennent en compte systématiquement des critères environnementaux dans les processus de « due diligence » (évaluation pré-transaction), 44 % des critères sociaux et 38 % des critères de gouvernance. […] Plus de 80 % des acquéreurs ont déjà réduit leur évaluation d’une entreprise ou ont arrêté les négociations après avoir observé une performance médiocre sur des aspects ESG [environnementaux, sociaux et de gouvernance].

L’entreprise et les marchés ne sont donc pas le lieu d’une recherche de la rentabilité maximale à court terme et à tout prix. Le capitalisme de laissez-faire, unique système social permettant le marché libre, est le seul système fondamentalement moral dans la mesure où il fonde les interactions – ici, entre l’offre et la demande – sur le libre consentement des parties prenantes. Il permet aux individus d’exprimer leurs préférences et reflète leurs jugements moraux en s’adaptant, c’est-à-dire en présentant à ceux qui expriment une demande une offre de plus en plus variée leur permettant de choisir selon leurs critères.

La prise en compte par les individus de critères autres que la qualité et le prix ne remet pas en cause la rationalité du marché, au contraire. La rationalité ne s’applique pas qu’à des critères économiques, mais suppose des individus qu’ils fassent preuve d’intégrité vis-à-vis de leurs valeurs. C’est aux individus de décider s’ils veulent consommer des produits bon marché dont les producteurs ne jouissent pas d’une protection sociale ou de conditions de travail similaires à celles dont jouissent les salariés français, de la même façon que c’est aux individus de décider s’ils veulent consommer des produits français, ou s’ils veulent consommer des produits sans OGM, ou s’ils veulent consommer des produits n’ayant pas bénéficié de subventions.

Les partisans d’une régulation étatique du marché prônent à l’inverse une limitation de la possibilité pour les individus d’exprimer leurs préférences. Au-delà de l’immoralité fondamentale de la contrainte et de la coercition qu’une telle régulation requièrent, cela revient à imposer à l’ensemble des individus les préférences de quelques-uns et à leur imposer une morale : restreindre le fonctionnement et le périmètre du marché, c’est restreindre le libre choix des individus.

C’est pourtant ce libre choix des individus qui permet une vraie régulation, dans le sens où les individus peuvent sanctionner, positivement ou négativement, et l’émergence d’un ordre spontané résultant des interactions librement consenties entre les individus. Dans le cadre d’une régulation étatique, certains individus disposent de plus de pouvoir que d’autres et se soustraient à cette régulation.La moralisation de la vie politique passe en réalité par l’existence pour les citoyens de contre-pouvoirs effectifs, dont ils ne jouissent pas aujourd’hui ; les citoyens français n’ont par exemple aucun moyen d’empêcher leurs représentants de s’endetter en leur nom et d’éviter un marasme économique de plus en plus probable. Pas plus qu’ils n’ont de moyens de se soustraire à une volonté sans limites de la majorité, qui piétine incessamment sur leurs droits individuels et à laquelle on voudrait les contraindre à apporter leur sanction implicite.

Mais la régulation par les individus, qui se fonde sur leur liberté, ne laisse aucune place au pouvoir. C’est en réalité le sens des partisans d’une régulation par une entité autre que les individus : ce n’est pas seulement leurs préférences qu’ils entendent imposer à tous, mais l’idée qu’il est légitime qu’une partie des individus imposent leur comportement aux autres – pour leur bien.

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  • L’éthique n’est qu’une phrase. Si demain on veut créer une usine d’armement, la liberté n’existe pas. Il en est de même pour une bonne partie des principales ressources énergétiques. Alors de là a en tirer une conclusion conditionnée à l’éthique, je reste un peu dans le doute.

  • le marché est tous simplement le lieu, et le meilleur moyen pour fixer le prix aux  » choses  » , biens , services, etc… c’est le top la ! du maquignon.
    qui le ferait-il et ou le ferait-il hors du marché ? l’etat ? ce serait lui donner trop de clairvoyance.
    recement, dans une reunion de producteurs laitier, un grand pourcentage des participants reclamaient la fixation du prix du lait en fonction du cout de production !
    mais qui va dire quel est le cout de production, et quel marge faut-il prendre en plus pour le producteur ? l’etat va-t-il decider de cela ? ou le syndicat ? ou mème la cooperative ?
    en france, le prix du lait a la production est tres bas depuis de nombreuses années, metant les fermes laitière en difficultées. le problème, c’est que les producteurs ont oubliés une donnée fondamentale: le cout de production. vouloir le reduire, c’est s’attaquer aux benefices des cooperatives qui fournissent les intrants ( engrais, semences, complements alimentaires … ) c’ est etre un traitre au systeme. systeme qui a faussé depuis longtemp les lois du marché, car il est constitué d’oligopoles et mème de monopole ( comme l’insemination artificiel )

    • il faut être lucide : le système industriel ne convient qu’aux industriels, capable d’assumer le capital monstrueux et les frais de fonctionnement importants de la production en grand volume (que les consommateurs réclament). Le vice du système, c’est d’avoir voulu, pour des raisons politiques stupides, tout et son contraire : du lait en grand volume, à bas prix, et des « paysans » nombreux et qui gagnent leur croute. Ce n’est pas possible. Le lait à bas prix et en grand volume ne peut être fournit que par des « usines à vaches » tenues par des industriels capables d’obtenir des prix raisonnables pour eux, car leur défaillance produirait un trou sensible dans l’offre. Et comme c’est ça que veulent les consommateurs, c’est ce qu’il y aura tôt ou tard ; et si ce n’est pas en France, parce que « il faut sauver le paysan Ryan », et bien se sera en Allemagne ou en Europe de l’Est ou en Hollande ou en Chine, et le Paysan Ryan ne survivra de toute façon que dans des filière bien spécifique, où il peut vendre cher même si il produit peu (le « bio » par exemple).

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Je ne sais pas si c’est encore la peine d’écrire à ce sujet.

Que les marchés montent ou baissent, puis remontent, etc., ne surprend plus personne. Mais moi je reste surpris. Qui s’étonne encore que les marchés s’étonnent n’a décidemment rien compris à la finance. Je n’ai donc rien compris à la finance.

L’investisseur s’étonnera toujours de ce qu’il voit ou entend, ânerie ou pas. L’investisseur c’est un peu Richard Anconina dans Itinéraire d’un enfant gâté. Jean-Paul Belmondo a beau le prévenir qu’il va lui balancer une absurdité... Poursuivre la lecture

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