États-Unis : vers un après Ron Paul

Après le retrait de Ron Paul, quel est l’avenir de l’aile libertarienne au sein du parti républicain ?

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États-Unis : vers un après Ron Paul

Publié le 19 février 2013
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Après le retrait de Ron Paul, quel est l’avenir de l’aile libertarienne au sein du parti républicain et auprès des électeurs américains ?

Par Brian Doherty (*), depuis les États-Unis.

Après avoir remporté plus de deux millions de votes aux primaires en 2012, Ron Paul, républicain du Texas, s’est retiré de la campagne présidentielle. Il a transformé l’aile libertarienne du parti de frange inconnue en groupe d’importance. Son fils, le sénateur Rand Paul, républicain du Kentucky, vise à diriger cette faction, très probablement en tant que candidat à la présidentielle lui-même.

L’insatisfaction de la branche libertarienne pour Mitt Romney a fait gagner au Parti Libertarien 1,2 million de votes durant l’élection présidentielle pour son candidat, ancien gouverneur du Nouveau Mexique (et ancien républicain) Gary Johnson. Cela représente son score le plus important. Dans au moins sept courses électorales du Sénat et de la Chambre des représentants, un libertarien creuse l’écart entre un démocrate gagnant et un républicain perdant. Du point de vue des républicains, perdre les libertariens peut signifier perdre les élections.

« Il y a tout un groupe de personnes auxquelles les républicains et les démocrates ne prêtent pas attention » me disait le sénateur Paul récemment. Ce sont des électeurs indépendants qui veulent réellement réduire les dépenses publiques tout comme le groupe du Tea Party mais qui souhaitent également une « politique étrangère davantage basée sur la défensive et moins sur l’offensive » comme dirait le sénateur Paul et une « attitude plus sociale et tolérante ».

Le sénateur Paul, qui siège au Comité sénatorial des relations étrangères, a tenté cette semaine, dans un discours à l’Heritage Foundation à Washington, de devenir la voix d’une nouvelle vision républicaine concernant la politique étrangère. Rejetant le néoconservatisme qui dominait la politique étrangère républicaine depuis au moins 2001, il a fait appel à l’esprit de George F. Kennan, à l’origine de la politique d’endiguement durant la guerre froide, en suggérant que les États-Unis pouvaient gérer la terreur islamique, et même un potentiel pouvoir nucléaire iranien, sans pour autant partir en guerre.

Il a également déclaré qu’il soutenait ceux qui estimaient que « l’occupation occidentale attisait les flammes de l’islamisme radical. » Un avis qui avait retourné de nombreux républicains contre son père. Son discours prêchait pour une politique étrangère moins interventionniste sur un ton destiné à séduire les républicains. La Constitution, après tout, décrète que le Congrès, et pas seulement le président, décide de faire la guerre. Avec la crise de la dette, les États-Unis ne peuvent tout simplement pas se permettre toutes ses interventions militaires futures et actuelles. Le conservatisme fiscal, dans cette ligne conductrice, signifie la paix.

Alors que son père popularisait la cause « Audit the Fed », son fils m’a annoncé en Janvier « Je pense pouvoir lancer le même projet avec « Audit the Pentagon » » et intégrer les coupes budgétaires de la défense dans la conception de responsabilité fiscale de son parti.

Le fils de Ron Paul n’est pas son seul héritage à Washington. Un petit groupe de nouveaux députés ou en second mandat qu’il avait pris sous son aile sont admirés et suivis de près par ses supporters. Le « Paulite » le plus prometteur est le jeune député du Michigan en second mandat Justin Amash. Une nouvelle race de républicains « dont la vision est bien plus libertarienne, pour lesquels la dette est un problème de premier ordre et qui combattent pour la protection des libertés civiles » me déclarait M. Amash le mois dernier. « Gravir les échelons et devenir des leaders n’est qu’une question de temps pour ces nouveaux libertariens ».

M. Amash adhère au label libertarien. « Dans ma région, les gens savent ce que cela signifie : un gouvernement limité, la liberté économique et la liberté individuelle » déclare-t-il. « Ils estiment que je suis contre les gaspillages inutiles et pour la protection des libertés civiles. » Il apprécie également le fait que son ton libertarien le démarque comme étant le rebelle dans son propre parti. Il s’était notamment fait remercier du comité budgétaire en décembre dernier par les dirigeants de la Chambre républicaine de par son vote contre des budgets, déjà approuvés par la hiérarchie, qui ne baissaient pas assez les dépenses à son goût. Il a donc lancé une rébellion contre le président de la Chambre républicaine John A. Boehner durant son discours électoral de Janvier. Plutôt que Boehner, Thomas Masie, un jeune député nouvellement élu et soutenu par Ron Paul, avait voté pour Amash. Ce dernier estime que sa rage de meneur est ce qui plait le plus à ses supporters : ils « apprécient et sont enthousiastes vis-à-vis de mon indépendance, et du fait qu’ils ont enfin un élu qui se bat pour eux et qui ne se contente pas de suivre uniquement les directives du parti sur tous les sujets. »

Alors que les sénateurs Paul et M. Amash tentent de récupérer des républicains, les positions libertariennes contre les politiques de renflouement financier et de guerre contre les drogues restent relativement attirantes pour certains démocrates et indépendants. « Si l’on doit de nouveau gagner en Californie, ou à Washington, nous avons besoin d’un libertarien républicain » indique le sénateur Paul.

Le parti ayant nommé M. Romney, qui n’avait donné que 16 votes au Sénat en mai 2012 au projet d’équilibre du budget sur 5 ans de Rand Paul, pourrait bien ne pas être d’accord. L’essence de la philosophie libertarienne – en gros, le gouvernement n’existe que pour protéger la vie et les propriétés des citoyens contre les agressions – les conduit à être contre la ligne directrice du parti sur les dépenses. Le sénateur Paul faisait partie des rares sénateurs républicains ayant voté contre l’accord de falaise fiscale. Cela les pousse également à être opposés aux abus contre les libertés civiles telles que le Patriot Act, la détention illimitée possible d’un individu du National Defense Authorization Act ou encore le « capitalisme de copinage » avec par exemple le Plan Paulson (ou Troubled Asset Relier Program TARP) et autres sauvetages financiers du gouvernement qu’ils considèrent comme servant Wall Street et l’intérêt des banques de façon illégitime.

M. Amash reste persuadé que son idéologie libertarienne l’aide et pourrait aider le parti républicain. « Cela vous donne de la crédibilité auprès des personnes qui n’apprécient pas forcément les républicains » affirme-t-il. « Cela prouve que l’on est vraiment fidèle à la Constitution et qu’on veut défendre les libertés du peuple américain. »

Pour Ron Paul, sa mission n’était pas seulement politique mais également éducative. Il estimait qu’enseigner aux Américains les bénéfices économiques et éthiques d’un gouvernement qui nous laisse indépendant était nécessaire. Ses successeurs, assez optimistes, considèrent que les Américains adopteront leur libertarianisme ; plus important encore, ils sont persuadés que les Américains en ont besoin afin d’éviter une crise budgétaire et d’endettement qui les effraie beaucoup.

« Nous devons instaurer une solution graduelle à nos programmes » telle que l’augmentation de l’âge du départ à la retraite, affirme le sénateur Paul, « ou nous finirons par en avoir besoin rapidement ». Pour lui, la dette et la politique inflationniste de la Réserve fédérale ne sont pas des problèmes abstraits mais bien des menaces potentielles qui conduiraient à « un problème similaire à l’Allemagne de 1923 pour les États-Unis ».

Ce sens aigu que nos problèmes budgétaires et fiscaux ne sont pas uniquement des petits jeux politiques, ou que nous faisons face à un désastre économique dans des proportions historiques, a mobilisé du monde autour de Ron Paul, au risque de passer pour fou auprès de l’électeur moyen. M Amash insiste sur cet aspect : « Heureusement, de nombreuses personnes récemment élues comprennent les conséquences désastreuses de ne pas mettre de l’ordre dans nos finances. Mais je ne sais pas si nous parviendrons à placer assez rapidement des personnes à des postes influents au sein de la structure du parti pour réaliser ces changements. »

Les leaders du parti traditionnel expliquent leurs mauvais résultats de 2012 par des soucis techniques ou d’organisation des bases populaires. La branche libertarienne affirme de son côté que les républicains devraient se recentrer sur la défense constitutionnaliste d’un gouvernement limité et non sur les obsessions des autres factions du parti, qu’il s’agisse du traditionalisme social de la droite religieuse (lâcher du leste sur une Amérique en plein changement), ou d’une politique étrangère expansionniste (dangereuse et coûteuse). Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la viabilité du parti mais la solvabilité des États-Unis. Du point de vue libertarien, il y a de bonnes chances que nous ayons à faire face au choix entre Rand Paul 2016 ou le fiasco.


Sur le web. Traduction : Virginie Ngô pour Contrepoints.

(*) Brian Doherty est un chroniqueur du magazine Reason et l’auteur de Ron Paul’s Revolution: The Man and the Movement He Inspired.

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