L’homme indigné

Comme à son habitude, savant et ironique, drôle et sérieux, le philosophe Jean-François Mattéi s’indigne dans son dernier essai de voir que le sentiment d’indignation est devenu une véritable mode. À lire sans plus tarder.

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Couverture de l'Homme indigné, par Jean-François Mattéi (Crédits Cerf, tous droits réservés)

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L’homme indigné

Publié le 15 février 2013
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Comme à son habitude, savant et ironique, drôle et sérieux, le philosophe Jean-François Mattéi s’indigne dans son dernier essai de voir que le sentiment d’indignation est devenu une véritable mode. À lire sans plus tarder.

Par Bogdan Calinescu.
Un article de l’aleps.

Selon Jean- François Mattéi :

L’indignation est un sentiment étrange, à la lisière de l’émotion et de la raison, mais aussi à la limite de la bonne et de la mauvaise conscience.

Il a raison et c’est peut-être la raison pour laquelle l’indignation est devenue une véritable maladie contagieuse. On s’indigne de tout et celui qui ne s’indigne pas devient suspect. L’époque est à l’indignation car c’est devenu une véritable profession.

Il existe plusieurs types d’indignation : il y a des indignations religieuses lorsque l’image de l’Église est attaquée (et Dieu sait que c’est un sport national), il y a des indignations de gauche contre les « inégalités et le libéralisme », des indignations de droite contre les échecs et les mensonges du socialisme. Nous, les libéraux, sommes indignés face aux politiques publiques catastrophiques, face à ceux qui ne cessent d’affirmer que « nous avons tout essayé »…

Mais il existe surtout les indignés de profession qui pratiquent l’indignation collective. Ce sont ceux qui appartiennent au mouvement international des Indignés parti d’Espagne. Phénomène très intéressant qui avait l’air de prendre une ampleur considérable et qui s’est essoufflé avec la très large victoire de la droite espagnole aux élections législatives. Il rassemblait quelques milliers de jeunes, la plupart issus de milieux aisés et qui manifestaient contre un ennemi insaisissable. C’était une indignation collective et idéologique.

Ces mouvements étaient soutenus par des personnalités – des prix Nobel d’économie comme les incontournables Stiglitz et Krugman mais aussi par des stars de Hollywood : la vedette Roseanne Barr qui gagne un million de dollars par émission de téléréalité, l’acteur Alec Baldwin dont les spots publicitaires sont payés par la banque Capital One ou le rappeur Kanye West dont la fortune se mesure en dizaines de millions de dollars.

Les pages consacrées au brûlot intitulé Indignez-vous !, écrit par le marxiste Stéphane Hessel qui a rencontré un énorme succès en librairie, sont très instructives et argumentées. Mais comment s’étonner du succès de cette indignation sélective et de ces inepties idéologiques alors que le livre rouge de Mao, le tyran qui a tué environ 70 millions de ses concitoyens, s’est vendu à plus de 900 millions d’exemplaires dans le monde ? En s’appuyant sur l’indignation collective, Stéphane Hessel, qui a été invité sur tous les plateaux, légitime même le terrorisme.

Pour Jean-François Mattéi :

Il faut se méfier des belles âmes qui s’émeuvent en toutes circonstances. Les cris d’indignation les plus forts sont les plus silencieux.

Quel dommage de voir l’indignation dévoyée ! Le sentiment a toujours existé et s’est manifesté de manière beaucoup plus noble.

Platon s’est indigné de voir Socrate condamné à mort. Poséidon s’indigne voyant la lâcheté des Achéens. Les Troyens s’indignent voyant le corps sans vie de Hector traîné par Achille. Jésus s’indigne plein de fois en voyant les souffrances des Hommes. Dostoïevski est un indigné permanent dans ses romans tout comme Czeslaw Milosz devant les ravages du totalitarisme.

Nous avons tous des raisons de nous indigner. Mais sommes-nous tous des indignés pour autant ?

 


Sur le web.

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  • Ces indignés ont le coefficient intellectuel du petit qui s’indigne de la méchanceté de la belle-mère de Cendrillon, sans plus.
    Cela donne un grand confort psychique : je suis un « bon », et je lutte contre des « méchants », (sans le moindre risque et en joyeuses bandes).
    Des méchants assez flous vendus en produits génériques (les banques, les capitalistes, les politiques) ce qui dispense d’analyser les motivations ou même simplement de proposer autre chose.
    Un jeu de rôle comme un autre …

  • Les commentaires sont fermés.

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