Le pouvoir contre la liberté, la force contre la raison

Deux propositions de lois nient un peu plus les droits imprescriptibles de l’homme. Ne laissons pas la démocratie détruire la liberté.

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Le pouvoir contre la liberté, la force contre la raison

Publié le 14 février 2013
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Formulées au Sénat et à l’Assemblée Nationale par des partis différents, deux propositions de loi voudraient obliger les Français à voter et amnistier les faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales ou revendicatives. Les droits individuels ont rarement été plus menacées.

Un billet d’humeur de Baptiste Créteur.

Obliger les Français à voter revient à les obliger à cautionner implicitement le système démocratique français qui conduit le pays vers un collectivisme toujours plus nauséabond. La liberté d’être d’accord n’a de sens que si elle s’accompagne de la liberté de ne pas être d’accord. En imposant des amendes aux abstentionnistes, les députés cherchent à obtenir la participation de tous les Français aux élections, permettant aux représentants du peuple de représenter 100% des citoyens. En votant pour le candidat élu, ils apporteraient leur caution à ses décisions ; en votant pour un autre candidat, ils apporteraient leur caution implicite au principe du choix de la majorité.

Amnistier les faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales ou revendicatives, c’est légitimer le recours à la violence et à la force physique. Alors que leurs actions sont susceptibles d’être punies, les syndicats n’hésitent pas aujourd’hui à enfreindre le concept de propriété privée en occupant les sites de production et en détruisant l’outil de travail des salariés qu’ils sont censés représenter et défendre. La question de savoir jusqu’où ils iront si on leur offre tout loisir de recourir à la force ne se pose même pas.

Avec cette proposition de loi, les sénateurs communistes légitiment le recours à la force et à la violence, ennemis de la raison. Cautionner et légitimer la violence est une négation du concept de droit, et c’est sans doute le plus sûr chemin vers la loi du plus fort que les défenseurs de la liberté ont cherché, de tout temps, à combattre, au profit d’une société débarrassée de la coercition. La raison du plus fort n’est jamais la meilleure : elle n’existe pas.

Si tous les Français sont contraints de voter, ceux qu’ils éliront considéreront avoir une légitimité totale ; il sera alors encore moins possible de contester la volonté du peuple. En l’absence de limites au pouvoir de la majorité, en l’absence de droits fondamentaux – liberté, propriété privée, sûreté – ils auront le champ libre pour imposer toute mesure liberticide ou totalitaire qui leur paraitrait conforme aux aspirations de la majorité. Et ce sont précisément ces droits fondamentaux, déjà bafoués aujourd’hui, que la loi sur l’amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et activités syndicales ou revendicatives – dont la définition est assez large pour englober toute lutte contre la propriété, le grand capital apatride et la résistance à l’avènement d’une société communiste – fait disparaître, puisque toute action contraire aux droits fondamentaux et à la loi serait excusée si elle intervient dans le cadre d’une révolte bolchévique.

D’une part, on propose que les exactions contre les citoyens soient excusées, cautionnées, légitimées par leurs revendications nauséabondes ; d’autre part, on propose qu’il soit exigé des citoyens qu’ils votent et apportent caution et légitimité à des représentants assez incompétents pour voter des budgets en déficit depuis bientôt quarante ans et faire partir les Français qui ont un potentiel ou l’ont déjà démontré et ayant assez de principe pour réquisitionner et appeler à la dénonciation de ceux qui ne mettraient pas immédiatement leurs biens à disposition de leur égalitarisme passionné et intéressé.

Députés, sénateurs, il est des limites qu’il ne faut pas franchir. Elles ont déjà été souvent franchies, mais le fait que certains d’entre eux vous aient élu pour les représenter ne vous donne pas la légitimité pour nier les droits fondamentaux de tous les Français. Vous évoquez ceux qui ont versé leur sang pour obtenir le droit de vote et voulez en faire un devoir en leur honneur et en leur mémoire ; l’honneur et la mémoire ne constituent pas des devoirs, et la liberté de l’individu n’admet d’autre limite que les droits d’autrui.

Avant tout, le sang a été versé pour faire valoir des droits individuels, des droits naturels et imprescriptibles de l’homme, dont la conservation est le but de toute association politique – pas la négation de ces droits, ni la création de devoirs illégitimes. Vous semblez l’avoir oublié, et créez incessamment des devoirs que rien ne légitime mais que le pouvoir des urnes et le monopole étatique de la violence légitime – que vous proposez de partager avec les syndicats – vous permet de faire respecter. Jusqu’où qu’aille l’idée que vous vous faites de votre légitimité, l’honneur et la mémoire de celles et ceux qui ont versé leur sang pour les droits naturels et imprescriptibles de l’homme seront sauf, tenez-vous le pour dit.

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  • « Obligation d’aller voter » ne veux pas dire « obligation de mettre un bulletin de vote » dans l’enveloppe.

  • Bonjour
    J’ai toujours été pour un vote « contre », c.a.d. aucun des politiques qui se présente n’a ma voix.
    Si aucun des politiques n’a de majorité, gouvernement minimal. pas de loi votée. 🙂

  • C’est la fête du slip en France!
    Mais je crois que pour les belges il est obligatoire de voter si je ne m’abuse, si des belges peuvent nous éclairer. Moi ça ne me dérange pas qu’on m’oblige mais alors on compte les cotes blancs.

    • Nous sommes effectivement obligés de voter. Mes les amendes sont très très rares et la plupart des gens ne se gènent quand même pas pour occuper plus intelligemment leur matinée. La violence est surtout symbolique. Quand on se pleint de l’état sociéconomique du pays et qu’un petit malin répond qu’on a « les politiciens qu’on mérite après tout ». Et l’indécence est à son comble avec le Roi, qui est plus ou moins inoffensif, mais qui nous représente tous et parle forcément en notre nom, qu’on le veuille ou pas, un point c’est tout.

      • Nic, je voudrais bien que tu me dises quand le Roi parle pour toi 🙂

        En fait, les rares fois où il s’exprime, c’est toujours, comme en Angleterre, un discours écrit ou supervisé par le Premier Ministre, et couvert par son contreseign.

    • Pour les Luxembourgeois aussi! Mais, on peut toujours envoyer un mot, si pour une raison ou une autre, on ne peut pas voter, i.e. voyage, maladie, etc. etc….

  • Dans la mesure où on rend obligatoire l’exercice d’un droit, alors celui-ci n’est plus un droit mais une obligation. Mais bon. Quant aux raisons invoquées, elles ne me feront pas plus bouger : « Si le vote est un droit, il doit être également un devoir en l’honneur et en mémoire de celles et de ceux qui ont versé leur sang pour notre Patrie. »

    Alors ma question : est-ce parce qu’il y a eu un (plusieurs) morts pour une situation politique que cela signifie que cette situation politique est honorable ? Il est évident que non, puisque TOUTE situation politique de part le monde a ses martyrs. Y compris celle opposée à notre situation en France. Par conséquent, cet argument est nul.

  • D’un autre côté, si cette loi passe, ils vont être obligés de comptabiliser les votes blancs, et de les séparer des abstentionnistes.

    Par contre le problème est que, si les gens sont forcés d’aller voter, beaucoup vont penser qu’ils sont aussi obligés de choisir un candidat, quitte à choisir au hasard (un peu comme actuellement, pas sure que beaucoup de votants lisent les programmes et s’intéressent en profondeur aux candidats).

  • La loi ne peut supportrr d’exceptions en matière de protection des biens et des personnesn, ou de liberté de se rendre au travail. Ce n’est même pas négociable.

    Par contre, le vote obligatoire – système en vigueur en Belgique depuis plus de 100 ans – est excellent, en ce qu’il ne constitue par des « majorités » ne représentant que plus de la moitié des votants, soit en France entre 25 et 30 % des citoyens.

    Cela évite aussi la séduction locale pour amener des gens normalement absentionnistes à voter (parfois contre I/4 de poulet roti et un verre de rouge !)

    Rien n’empêche de voter blanc ou nul, mais c’est au moins tout le corps électoral qui s’exprime.

  • Le vote n’est que la forme pacifiée d’une bataille, où le comptage des bulletins tient lieu de comptage des troupes.
    Il importe peu que le vote soit obligatoire ou pas ; ce qui est vicieux, c’est le vote en lui même, c’est à dire la guerre civile sous-jacente. Les gens civilisés ne votent pas, ils discutent ; après quoi ils se mettent d’accord, ou bien ils se séparent bons amis sur un constat de désaccord qui les laissent chacun libre de faire ce qu’il juge bon, sans nuire à l’autre.

  • Baptiste,

    Je découvre aujourd’hui « CONTREPOINTS » et me régale de quelques uns des billets qui y sont publiés…

    Le présent vôtre me laisse pour le moins perplexe! En effet, vous mélangez à loisir deux sujets qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre (l’éventuelle obligation d’aller voter et l’amnistie d’exactions liées à une activité syndicale ou revendicative)… Et, non content de ça, vous parlez de revendications (qui seraient par nature) nauséabondes… Pour le coup, votre sujet, pourtant bien tourné, perd de sa crédibilité et de sa force de démonstration…

    Si j’accepte l’idée, avec vous, qu’obliger le Peuple à s’exprimer peut, sous certaines conditions, présenter un risque, il faut immédiatement préciser que cette obligation de voter ne pourra être mise en oeuvre qu’à la condition de reconnaitre et comptabiliser les bulletins blancs (et/ou nuls le cas échéant), et qu’un suffrage ne pourra être valide qu’à la condition d’avoir recueilli 50% +1 bulletin sur le TOTAL des votes… Ce principe aurait au moins l’avantage d’obliger nos représentants à un véritable engagement politique, et non une gesticulation verbeuse dont le but n’est que de s’assurer que suffisamment d’électeurs potentiels resteront chez eux, ou iront à la plage, le jour où les retraités et les fonctionnaires se rendront aux urnes… Car enfin, soyons réalistes, ils n’y a plus guère que ces deux catégories qui se mobilisent, les autres s’étant peu à peu résignées à continuer de se faire tondre…

    Par ailleurs, sur ce point, le droit de vote « un homme, une voix » si cher aux Démocrates de tous poils, et particulièrement dans notre système où il s’applique au suffrage universel, est vraisemblablement le pire des systèmes de démocratie participative, en cela qu’il donne le droit, à des gens qui n’ont absolument pas conscience ni du sens, ni de la portée de leur acte, ni même la capacité de mesurer ce pour quoi ils s’expriment, d’aller mettre un bulletin dans une urne et de faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre… Ça, oui, c’est dangereux (voir le premier tour des présidentielles de 2002).

    Quand aux revendications syndicales qui seraient « nauséabondes », je vous laisse la responsabilité de vos propos.
    Notre malheur, en France, n’est pas d’avoir des syndicats, qui revendiquent, mais des syndicats qui ne représentent… qu’eux même! La représentativité syndicale n’a plus, depuis longtemps, aucune légitimité par le peu de salariés inscrits.
    A ce sujet, s’il y avait une « obligation », sinon d’adhérer à un syndicat, au moins celle de voter aux élections des Représentants & Délégués du Personnel, et, à la limite, l’obligation d’adhérer à un syndicat, sans doute aurions nous dans ce pays une représentation crédible et qui pourrait être un vrai partenaire dans les discussions avec le patronat (cf ce qui se passe outre Rhin)…

    Maintenant, et peut être parce que je suis un peu plus vieux, ou expérimenté, que vous ne semblez l’être, j’ai aussi connu des « patrons » qui bafouaient la Loi, exploitaient leurs salariés, et tout ça dans une (relative) impunité… Heureusement que ceux là ont en face d’eux un contre pouvoir.

    😉

    Bon weekend!

    • Bonjour, et bienvenue.

      Obliger les Français à voter dans le système actuel, c’est les obliger à apporter une caution implicite à la démocratie telle qu’elle est aujourd’hui, c’est-à-dire un pouvoir de la majorité assez ample pour s’affranchir des droits naturels de l’homme – qui laissent en dernière analyse peu de place à la coercition.
      Je suis en désaccord avec l’idée que les hommes politiques auront à susciter plus d’engagement, au contraire : une élection se gagne en mobilisant son camp, pas en convaincant les opposants. Et tous les abstentionnistes d’aujourd’hui ne voteraient sans doute pas blanc, et accroîtraient donc le sentiment de légitimité de nos élus.

      Je ne suis pas, dans l’idée, un fervent défenseur de l’action syndicale : le contre-pouvoir du salarié, c’est sa possibilité de partir. Toute revendication n’est pas nécessairement nauséabonde, mais je trouve peu de mots plus appropriés pour qualifier, par exemple, celle-ci : http://www.contrepoints.org/2013/01/26/112436-rouvrir-le-dossier-florange-rouvrir-la-boite-de-pandore
      Je partage évidemment votre point de vue sur le manque de représentativité des syndicats. Mais ils n’ont aucune raison d’être représentatifs ou de susciter l’adhésion des salariés en défendant réellement leurs intérêts, puisque ce ne sont pas les adhérents qui les financent, mais les contribuables.

      Le lien entre ces deux propositions est la menace qui pèse sur les droits individuels : donner plus de poids à une démocratie qui n’en a que trop aujourd’hui d’une part, légitimer le recours à la force physique des uns envers les autres d’autre part.

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