Le Beaujolais Nouveau est arrivé !

Derrière le côté festif de ce Beaujolais traditionnel, si évocateur de l’âme de la France, se camoufle une autre spécialité française, celle des normes et des réglementations.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le Beaujolais Nouveau est arrivé !

Publié le 16 novembre 2012
- A +

Derrière le côté festif de ce Beaujolais traditionnel, si évocateur de l’âme de la France, se camoufle une autre spécialité française, celle des normes et des réglementations.

Par Jean-Baptiste Noé.

Hier était le troisième jeudi de novembre, donc l’arrivé du Beaujolais Nouveau. L’engouement des années 1980 pour le breuvage bourguignon est un peu retombé, la faute à des arômes de banane ou de noix de coco trop poussés. Non pas à cause de produits chimiques introduits, ou d’exhausteurs de goût, mais par l’introduction de levures, lors de la fermentation du vin, qui développent ce type d’arômes. On ne se pressera pas dans les bistrots, on ne mangera pas sa charcuterie sur les nappes à carreaux rouges. Depuis quelque temps l’apéro saucisson pinard n’est plus bien vu, lui dont le Beaujolais est le roi. Le discours aseptisé de certains médecins complète à merveille la langue de bois politique : finis les apéros au boulot, et les verres de vin au comptoir. La langue de bois tue le vin, tout comme la gueule de la même essence, ou les copeaux de bois versés dans les barriques.

Alors que reste-t-il du Beaujolais Nouveau ? C’est, malgré tout, une partie de l’identité rurale de la France, le retour à une boisson simple et sans prétention, l’intrusion de la campagne dans les milieux urbains. Le Nouveau, c’est la fête de la fin des vendanges, qui a ponctué des générations de Français, à travers les régions et à travers les siècles.

C’est encore en Île-de-France que l’on consomme le plus de Beaujolais Nouveau, avec 1,3 million de bouteilles en 2011. C’est encore en France que ce vin est le plus bu : 55% des volumes produits. Mais depuis quelque temps le Japon se pique de folie pour ce vin : en 2011 il a acheté pour 47,5% des volumes totaux exportés, mais seulement 18,8% de la valeur. Ce cru quelque peu dénigré chez nous est un des plus connus à l’étranger, avec la triade Bordeaux, Bourgogne, Champagne. Voilà une belle opération marketing de l’interprofession du Beaujolais. Ce jeudi 15 novembre, dans les bars à vin de la planète, on a bu du Beaujolais Nouveau, et non pas de la Napa nouvelle ou de l’Australien nouveau. Beau succès de l’entreprise France.

Le prochain James Bond pourrait d’ailleurs s’inspirer du processus de vente de ce vin, tant la ligne commerciale est sujette à embargo et à maîtrise des flux. Les commandes pour le millésime 2012 ont été passées début août. La mise en circulation des vins dans l’UE n’est possible qu’à partir du 8 octobre, et dès le 26 octobre pour les pays non communautaires. Enfin, la vente n’est autorisée qu’à partir du 15 novembre. Ce processus n’est pas le fruit d’une opération marketing orchestrant l’attente du client et la pénurie, mais de la réglementation française qui interdit de le vendre avant. C’est en 1985 que fut fixé le troisième jeudi de novembre comme jour de vente, auparavant c’était le 15 novembre, quel que soit le jour. Derrière le côté festif de ce Beaujolais traditionnel, si évocateur de l’âme de la France, se camoufle donc une autre spécialité française, qui est celle des normes et des réglementations. Hélas pour les comptes publics, nous n’arrivons pas à les exporter aussi bien que notre vin et nos objets de luxe.

Le Nouveau a permis le renouvellement du Beaujolais dans les années 1970-1980. Avec lui, ce sont des hectolitres de cassis, de framboise et de banane qui se sont vendus dans les bars et les bistrots. Aujourd’hui, le Nouveau est son fardeau. Ces arômes outranciers et galvaudés ont décrédibilisé l’image de la région. Le Beaujolais est perçu comme une appellation trop facile à boire, ou trop artificielle. Quel dommage, car par delà ses mamelons festonnés du mont du Beaujolais, car au-delà de la ville de Beaujeu, se cachent des pépites gourmandes et délicieuses. Arrêtez le Nouveau et rendez-vous du côté de Saint-Amour et de Chiroubles. Le gamay y est enchanteur. Les dix crus du Beaujolais, tous situés au nord, sont des merveilles, à prix imbattables. Depuis quelques années certains vignerons se sont lancés dans le Beaujolais blanc. Encore confidentiel c’est lui aussi une pépite, par sa fraîcheur et son tonus. Le blanc est nouveau, mais c’est un nouveau solide, que l’on a envie de voir se développer et s’installer. La mauvaise image du Beaujolais Nouveau, souvent à juste raison, ne doit pas camoufler la belle tenue de cette région. Mettez-le à votre table, et renvoyez aux calendes les bouteilles de comptoirs.

PS : tous les chiffres cités dans cet article sont fournis par l’interprofession du Beaujolais.

—-
Sur le web. Article publié initialement dans le magazine Tak.

Voir les commentaires (2)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (2)
  • Connaissant bien le région et ses vins, je ne peux qu’être d’accord avec vous. Un bon cru de plus de 3 ans d’age fera changer d’avis nombre de ceux qui le dénigrent. En cherchant un peu, on trouvera du très bon vin pour une dizaine d’euros ! Le Nouveau, ce n’est pas du vin mais un Moulin à Vent ou un Juliénas bien choisit risque de sérieusement vous surprendre. Les meilleurs crus sont difficiles à trouver ailleurs que dans la cave du vigneron, qui rechigne malheureusement de plus en plus à s’en séparer. N’hésitez donc pas laisser vieillir un 2009 encore un an, voire plus à condition de le surveiller de près.

  • Et pour finir la bouteille, pensez au Cardinal (crème de cassis + vin rouge, de préférence Beaujolais), pour changer de l’habituel Kir.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Un article de Philbert Carbon.

La Fondation Valéry Giscard d’Estaing – dont le « but est de faire connaître la période de l’histoire politique, économique et sociale de la France et de l’Europe durant laquelle Valéry Giscard d’Estaing a joué un rôle déterminant et plus particulièrement la période de son septennat » – a organisé le 6 décembre 2023 un colloque intitulé : « 45 ans après les lois Scrivener, quelle protection du consommateur à l’heure des plateformes et de la data ? ».

 

Protection ou infantilisation du cons... Poursuivre la lecture
Un article de Pierre Garello

Les inflations législative et réglementaire se payent cher. Combien au juste ? Il est difficile de le dire mais toute politique publique qui se veut raisonnable devrait a minima tenter d’anticiper et d’évaluer ces coûts assimilables par leur nature et leurs effets à un impôt. Le Competitive Enterprise Institute basé à Washington D.C. a évalué à 1939 milliards de dollars le coût de la réglementation fédérale américaine pour 2022, et identifie les mécanismes qui permettraient de juguler cette inflation.

L... Poursuivre la lecture

Six cents, soit presque deux par jour : c’est le nombre d’agriculteurs qui se suicident chaque année en France. Ce nombre en augmentation illustre tristement une condition agricole faite d’isolement, un isolement qui n’a d’égal que la dépendance des exploitants aux subventions publiques en tous genres. À titre d’exemple, en 2019, ces aides représentaient en moyenne 74 % des revenus des agriculteurs, et jusqu’à 250 % pour les producteurs de viande bovine.

Isolés socialement mais fonctionnaires de fait, les agriculteurs ont tout récemmen... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles