Alimentation : sacrifier des vies pour gagner des votes

Ce sont les politiques gouvernementales qui causent l’inflation alimentaire, et non Mère Nature. Le maïs devrait d’abord servir à nourrir ceux qui ont faim et non à faire rouler des véhicules

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Alimentation : sacrifier des vies pour gagner des votes

Publié le 11 novembre 2012
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Ce sont les politiques gouvernementales qui causent l’inflation alimentaire, et non Mère Nature. Le maïs devrait d’abord servir à nourrir ceux qui ont faim et non à faire rouler des véhicules

Par Nathalie Elgrably-Lévy, depuis Montréal, Québec.
Publié en collaboration avec l’Institut économique de Montréal.

Au Québec comme partout ailleurs dans le monde, les prix des denrées alimentaires sont en hausse et devraient continuer à grimper au cours des mois à venir. Plusieurs organismes internationaux appréhendent le pire, surtout pour les populations défavorisées dans les pays en développement.

La sécheresse qui a frappé les États-Unis l’été dernier, la pire qu’ait connue ce pays depuis les cinquante dernières années, serait en cause. Certes, la perte d’une partie de la production entraîne des hausses de prix. Mais si une partie du problème est d’origine naturelle, l’autre est d’origine humaine.

Dans les faits, l’inflation alimentaire gruge notre pouvoir d’achat depuis plusieurs années déjà. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les divers indices des prix des aliments, qui avaient peu fluctué de 1990 à 2005, enregistrent depuis une croissance exceptionnellement forte, indépendamment des conditions climatiques. En sept ans, l’indice des prix des produits alimentaires a connu une hausse de 84%, l’indice du prix des céréales a augmenté de 152%, et celui du sucre, de 102%.

Que s’est-il donc produit en 2005 ? Il s’avère que c’est l’année où Washington a adopté le Renewable Fuel Standard (RFS), un règlement qui oblige l’ajout d’éthanol dans l’essence, et où il a bonifié les subventions à la production de maïs destinée à la filière des biocarburants. Depuis, une cinquantaine de pays ont emboîté le pas aux Américains. Pour 2012, la production mondiale d’éthanol imposée par les gouvernements devrait atteindre 85,2 milliards de gallons. À eux seuls, les États-Unis produiront 15,2 milliards de gallons, ce qui nécessitera plus de 40% de leur récolte annuelle de maïs.

Or, on ne peut détourner une importante proportion de la production de maïs sans influencer les marchés. D’une part, plus on produit de l’éthanol, moins il reste de maïs pour l’alimentation. D’autre part, plus on subventionne la culture du maïs à des fins de production d’éthanol, plus les fermiers abandonnent les autres cultures maintenant relativement moins rentables. Comme l’affirme Gary Becker (lauréat Nobel d’économie, 1992), ce sont les politiques gouvernementales qui causent l’inflation alimentaire, et non Mère Nature.

On pourrait penser que c’est là le prix à payer pour réduire notre consommation d’énergie fossile et préserver l’environnement… mais ce serait une erreur ! Les études ont montré que, si l’on tient compte de l’énergie nécessaire pour produire le maïs et les fertilisants, transporter les grains, procéder à la distillation etc., l’éthanol ne permet pas de réduire les émissions de CO2. Même les groupes environnementaux qui vantaient jadis l’éthanol ont changé de discours.

Comme il est politiquement rentable de plaire au lobby de l’éthanol, la classe politique continue de présenter ce produit comme la panacée et de subventionner sa production, en dépit de l’inflation alimentaire et des famines que cela provoque dans les sociétés les plus démunies.

Or, sacrifier du maïs pour produire de l’éthanol, c’est sacrifier des vies pour gagner quelques votes. La classe politique a perdu tout sens moral. Ne nous laissons pas entraîner dans cette logique interventionniste aux conséquences funestes. N’oublions jamais que le maïs devrait d’abord servir à nourrir ceux qui ont faim et non à faire rouler des véhicules !

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  • Il faut aussi notre que la spéculation explique pour une bonne part la montée des prix de la nourriture, les dettes étatiques et les marchés actions étant des actifs peu surs, les investisseurs se sont portés sur les matières premières.

    • La spéculation consiste à acheter quand c’est pas cher, et revendre quand c’est plus cher. Si cela fait effectivement monter les prix lors de l’achat, ça les fait aussi baisser lors de la vente. Autrement dit: la spéculation n’affecte pas le niveau global des prix, elle les lisse dans le temps.

      Donc, non, la spéculation ne fait pas gonfler les prix dans l’ensemble.

  • C’est très juste, le maïs et huile de palme, combien de temps cela fera tourner les moteurs, avant que ces pays soient totalement annexés ?

    Car il n’y a pas de doute quand on use le sol, le sol ne nourit plus.

    • En fait je pense que l’idée de penser que les US vont produire l’éthanol semble peu probable, il y a plus de chance que cela vienne du Bresil en grande majorité et que la part produite localement servent à endormir les foules.

    • Lafayette : « Car il n’y a pas de doute quand on use le sol, le sol ne nourit plus. »
      ———————————–
      On produit même sur du sable voire hors sol et ce depuis des lustres, alors bon, votre rengaine bidon d’écolos des villes, poubelle !

      • miniTAX,

        L’agriculture sur le sable m’intéresse beaucoup. Avez-vous des sources en tête?
        De plus comment voyez-vous l’avenir de l’agriculture (nouveaux produits, technologie, méthode de production…).

        Merci beaucoup

    • « Car il n’y a pas de doute quand on use le sol, le sol ne nourit plus. »

      Et quand on y accumule du cuivre en bio?

  • Il faut avoir les vrais chiffres en tête avant de tirer des conclusions.

    Car contrairement ce que les catastrophistes veulent faire croire, le « dérèglement climatique » (dixit l’Eglise de climatologie) n’a quasiment rien changé à la production agricole de 2012 (on n’entend que de la sécheresse aux USA, sans être au courant des récoltes records ailleurs, en Argentine ou en Australie). D’après les chiffres même de la FAO, la récolte de 2012 n’a baissé que de 2,7% par rapport à 2011 mais seulement parce que 2011 a été une année exceptionnellement bonne : http://www.fao.org/worldfoodsituation/wfs-home/csdb/en/
    De plus, si l’on tient compte du stock, l’offre (récolte+stock) dépasse de plus de 20% la demande, donc il n’y a aucune pénurie en vue, d’autant plus qu’il suffit en cas de besoin de supprimer toutes les subventions au biocarburant pour que la production soit immédiatement reconvertie en nourriture.

  • Le gros problème est surtout les politiques monétaires expensionistes depuis plus de 10 ans plus l’absence de monnaies reposants sur un ou plusieurs actifs tangibles…Sans compter le système banquaire reposant sur des réserves fractionnaires!

  • Je n’aime pas du tout cette rhétorique selon laquelle la production pour les bio-carburant détruirait de la nourriture.
    Et j’aime encore moins quand ça viens d’une plume libérale.

    Pourquoi est-ce absurde ? Il suffit de se demander ce qu’on dirait si, au lieu de mais, c’était un produit non comestible qui était en cause (du coton, du bois, ou n’importe quoi).
    La production pour le carburant est toujours achetée moins chère que la production alimentaire ; les producteur produisent autant d’aliments qu’ils peuvent en vendre, et ne vendent pour l’industrie que dans un second choix. En somme, se sont les invendus alimentaires qui partent en carburant.
    Y aurait-il plus d’aliments disponibles sans les bio-carburants ? Non, ren ne le prouve.
    Et d’ailleurs, est-ce la disponibilité d’aliments qui pose un problème ? Encore non. Quand les gens ne mangent pas à leur faim, c’est pour des raisons politiques, l’interventionnisme d’état qui décourage la production, au point que certains produits « de luxe » se retrouvent plus abondants que la nourriture « de base » (voire moins chère, sur le marché libre, la nourriture de base étant introuvable en pratique à son prix officiel), parce que l’état n’y a pas fourré ses pattes (cas connu en Inde)

    Qu’on critique les subventions, très bien, mais sinon la production pour les carburants n’a pas à être dénoncée : c’est une industrie comme une autre, qui ne substitue pas à l’industrie des aliments.
    Parce que les agriculteurs peuvent bien produire ce qu’ils veulent, ou même ne pas produire du tout.

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Xavier Hollandts est professeur associé à la KEDGE Business School. Docteur et HDR en sciences de gestion, il enseigne l’entrepreneuriat et la stratégie. Spécialiste des questions agricoles, il intervient régulièrement sur ces sujets dans les médias. Ses travaux académiques ont notamment été publiés dans Corporate Governance, Journal of Institutional Economics, Managerial and Decision Economics, ou la Revue Économique.

 

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