« 14 » de Jean Echenoz

Alors qu’il ne survit aucun poilu en France, « 14 » nous rappelle avec une écriture belle sans être naïve, bientôt cent ans après, ce qu’a été l’enfer de ces années-là

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« 14 » de Jean Echenoz

Publié le 11 novembre 2012
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Alors qu’il ne survit aucun poilu en France, « 14 » nous rappelle avec une écriture belle sans être naïve, bientôt cent ans après, ce qu’a été l’enfer de ces années-là

Par Xavier Vic.

Des cartes, des carnets, des lectures, l’effort d’Echenoz pour se documenter se retrouve dans cette description à la fois géographique et intimiste (meubles et costumes, uniformes et munitions, professions et distractions) de la France de 1914.

C’est beau cette scène qui ouvre le livre, sur cette Vendée au mois d’août, cette France simple et provinciale : cette ballade en bicyclette, ce personnage sorti d’un roman de Simenon fleurent bon le doux pays.

Et comme dans beaucoup de bons romans, on sent dès la première page qu’on va se délecter, avec ce je ne sais quoi d’intrigue et « d’atmosphère ». Ou comme dans un bon film, tant la narration emprunte au cinéma : on voit le tocsin se mettre en branle avant même de l’entendre, dans ce tableau trop bucolique pour ne pas cacher quelque sourde menace ; plus tard on visualise cet insecte, objet d’un travelling optique aérien.

L’Histoire est connue, au moins dans ses grandes lignes ; ce qu’ont pu vivre ces bouchers, comptables ou bourreliers, convoqués un samedi comme un autre, à ce grand rendez-vous qui devait être la « der des der », l’est moins par définition. Anthime avec sa casquette et son Quatre-vingt treize fixé au porte-bagage, nous est tout de suite familier. Impuissant, lui et les autres se retrouveront bientôt coincés : « les ennemis devant vous, les rats et les poux avec vous et, derrière vous les gendarmes ». Certains n’en réchapperont pas et, innocents ou pas, tomberont sous les balles françaises, sous des yeux amis, dans une scène qui n’est pas sans rappeler les « fusillés pour l’exemple » dans les Sentiers de la gloire de Kubrick.

Mais Echenoz ne cède pas à la tentation de la boucherie pour la boucherie, tout cela « ayant été décrit mille fois » ; et sans occulter la vermine et les rats, nous propose des scènes de pure poésie : le bruit des petites cuillères et l’odeur de la chicorée, dans un air d’enfance et de grandes vacances, ou encore ces oiseaux qui s’accordent avant de chanter à la fin du jour.

Le style alterne, entre flamboyance (Jünger n’est pas très loin) : « le perpétuel tonnerre polyphonique sous le grand froid confirmé », et ironie candide : « des escouades de pigeons globe-trotteurs promus au rang de messagers ».

Alors qu’il ne survit aucun poilu en France, 14 nous rappelle avec une écriture belle sans être naïve, bientôt cent ans après, ce qu’a été l’enfer de ces années-là ; et ce que, génération ultérieure, nous devons à celle-là.

Ce livre se déguste comme une pâtisserie au coin d’une rue, si savoureux qu’on en reste presque sur sa faim : Blanche est peu dévoilée.

Mais le rappel n’existe pas en littérature…

– Jean Echenoz, 14, Les Éditions de Minuit, 123 pages, octobre 2012.

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