Les épargnants fuient les investissements productifs pour les valeurs refuge

Quand tous les actifs (immobilier, financier, bancaire ou monétaire) perdent leur attractivité parce qu’ils présentent trop de risques, l’or apparaît comme le refuge en dernier ressort. Mais ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’économie.

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C'est l'or... Il est l'or, mon Seignor...

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Les épargnants fuient les investissements productifs pour les valeurs refuge

Publié le 6 octobre 2012
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Par Jean-Louis Caccomo.

En ces périodes troublées, les français détiennent le record de détention de stock d’or privé dans le monde. Cependant, on peut bien semer de l’or mais rien ne poussera et on peut difficilement le manger. C’est donc de la thésaurisation, c’est-à-dire une épargne qui n’est pas convertie en investissement productif dans l’économie réelle. Mais l’or a toujours joué le rôle de valeur refuge. Quand les ménages n’ont plus confiance dans les autres actifs dans lesquels ils peuvent convertir leur épargne, alors ils se réfugient sur l’or. Et comme tout le monde fait le même raisonnement, le cours de l’or s’envole.

Les gens cherchent toujours à protéger leur revenu, c’est-à-dire le fruit du travail difficilement arraché à la nature. C’était la fonction première du souverain : protéger les routes et les villages et assurer la sécurité des moyens de transport et des individus qui pouvaient voir à tout moment leur revenu dérober par les bandits de grand chemin ou les attaques des barbares. Mais quand la noblesse est devenue elle-même spoliatrice et parasitaire, la révolution était inévitable. C’est aussi la fonction initiale des banques qui garantissaient la sécurité des dépôts par la mise à disposition de coffres bien gardés.

C’est donc un réflexe naturel et humain, notamment parce que les gens veulent pouvoir faire un usage du revenu gagné dans le futur. Ils vont donc rechercher des actifs dans lesquels ils vont pouvoir placer leur épargne. En temps normal, quels sont donc les autres actifs sur lesquels les ménages pourraient convertir leur épargne ?

Le premier placement recommandé est traditionnellement la pierre, c’est-à-dire les actifs immobiliers. Mais le secteur immobilier ne se développe qu’en période de croissance, en vertu de l’adage qui dit que « quand le bâtiment va, tout va ! ». En fait, il faudrait dire l’inverse : « quand tout va, le bâtiment va ! ». Les gens trouvent du travail, ils ont de bonnes perspectives de revenus et la première acquisition est d’acheter ou faire construire leur maison. La crise a donc frappé le secteur immobilier, foudroyé par la spéculation immobilière. De plus, les mesures réglementaires de contrôle des loyers ou de protection des locataires, qui augmente le risque de loyers impayés, ne rendent plus cet investissement attractif. Alors les épargnants se détournent des actifs immobiliers.

Les ménages peuvent aussi acheter des actions sur les marchés financiers, c’est-à-dire convertir leur épargne en actifs financiers. Mais là encore, c’est un investissement d’autant plus risqué que la croissance économique n’est plus au rendez-vous sachant que, sur de longues périodes, les indices boursiers suivent le trend de croissance du PIB. Alors, les ménages ont peur d’un krach boursier toujours annoncé. Et, en cas de bon placement, qui permet de réaliser des gains boursiers (dividendes, plus-values boursières), ils seront rattrapés par la fiscalité sur le capital, qui rend moins attractifs les actifs financiers.

Remarquons au passage que la mise en place d’une fiscalité sur le capital a été justifiée par le souci égalitariste d’améliorer une fiscalité qui portait uniquement sur le travail. Mais ce raisonnement procède d’une vision erronée de l’économie en termes de classes, comme s’il existait deux entités distinctes et opposées appelées le capital et le travail. Mais sans travail, il n’y a pas de capital et sans capital, on ne peut engager du travail productif.

Pour comprendre, illustrons ce propos par un exemple simple. Un ménage perçoit un revenu grâce à son travail. Il paiera à ce titre l’impôt sur le revenu, qui est donc l’impôt sur le travail. Mais ce ménage, qui a le souci du futur et de ses enfants, épargne une partie de son revenu pour se constituer un patrimoine (un portefeuille d’actifs). À ce titre, il paiera un impôt sur le capital. Finalement, le ménage et son revenu ont été frappés deux fois, car c’est bien le revenu de son travail qui a été épargné en vue de la constitution de son patrimoine. Ainsi, la mise en place d’une fiscalité sur le capital accroît la charge sur le travail considérant le fait simple que le capital n’est que du travail accumulé.

C’est l’éternelle histoire de Robin des bois qui ne volait pas les « riches » pour redistribuer aux « pauvres » comme veut nous le faire croire une vision marxisante de l’histoire. Mais il est vrai que Marx avait l’objectif de proposer une clé simple (simpliste ?) de lecture de toute l’histoire de l’humanité qui se réduirait à une opposition entre deux classes. Un prêt-à-penser bien commode pour qui ne veut pas se donner la peine de réfléchir un peu sur la profondeur et la puissance des mécanismes économiques. Robin des bois – un noble faut-il le rappeler ? – s’est révolté face à un roi illégitime qui avait pris la place du roi légitime (retenu prisonnier en France) et qui se servait des caisses du trésor royal pour assouvir ses ambitions personnelles, décrétant des impôts forcément illégitimes. Alors Robin des bois n’a fait que reprendre dans les caisses du trésor cet argent spolié pour le rendre aux contribuables étranglés.

Revenons à nos ménages et à leur dilemme d’épargnants. Nous avons vu qu’ils se détournent de l’immobilier et de la bourse. Que leur restent-t-ils comme possibilités ? Ils peuvent tout simplement déposer leur épargne à la banque sur des produits bancaires (livret A, développement durable…). Mais, en pleine crise bancaire, ils ont perdu confiance dans leur banque et le système bancaire dans son ensemble. Dans certains pays comme l’Espagne ou l’Italie, les ménages se réfugiaient au guichet de leur banque pour vider leur compte et récupérer leur argent en liquide de peur que la banque fasse faillite le lendemain, au risque de provoquer une telle faillite. Dans ce contexte, comment les banques françaises pourraient-elles être protégées ? La panique bancaire, à l’instar du nuage de Tchernobyl, se serait-elle arrêtée à nos frontières alors que les circuits bancaires sont désormais interconnectés et mondialisés ? Mais que faire de tout cet argent liquide ? Certains le placèrent dans un coffre chez eux mais ils ont tout perdu en un cambriolage. Et même sûrement à l’abri des regards et des convoitises, conserver de la monnaie sous forme liquide présente un risque à terme : elle perd son pouvoir d’achat à cause de l’inflation.

Ainsi, quand tous les actifs (immobilier, financier, bancaire ou monétaire) ont perdu leur attractivité parce qu’ils présentent trop de risques, moins de rendements et plus de fiscalité, l’or apparaît comme le refuge en dernier ressort (avec les œuvres d’art ce qui explique l’envolée du marché de l’art hautement spéculatif).

Mais ce n’est pas une bonne nouvelle, c’est même un mauvais signe pour l’économie qui traduit une perte de confiance des ménages voire une véritable crise de confiance. Et sans la confiance, qui est le carburant psychologique de l’économie, la croissance a peu de chance de revenir durablement.

—-
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  • Merci de rappeler que la thésaurisation dans de l’or, ce n’est pas de l’investissement.

    L’argent liquide, s’il est bien utilisé (ça n’est pas gagné), pourra peut-être permettre de d’amoindrir la crise de mal investissement qui se profile du fait des erreurs commises à tous les niveaux de la société.

    • L’espoir d’une utilisation correcte de l’argent pour éviter la crise de mal investissement tient malheureusement du hasard des décisions de l’émetteur en situation de monopole. La monnaie, comme n’importe quel bien, ne peut être mieux alloué qu’en situation de concurrence. Or, la concurrence monétaire entre monnaies privées est ce qui manque dramatiquement au système actuel.

      • Il y a déjà tous les dépôts à vue que les épargnants peuvent (et ils le font en Espagne et en Grèce) retirer de la gestion des banques. On sait que ce serra remplacé par de l’argent frais émis sans discussion par la BCE en échange de collatéral pourri, mais au moins l’argent qui sera sorti aura des chances d’arriver dans les caisses d’une entreprise qui produit quelque chose d’utile.

  • Oui mais l’argent liquide est stérilisé aussi s’il ne va pas dans les circuits financiers traditionnels (marché financier, banque) qui ont vocation à fournir les capitaux nécessaires au financement des investissements des entreprises. Ou alors, cet argent liquide est injectée dans une économie parrallèle.

  • FabriceM : « Merci de rappeler que la thésaurisation dans de l’or, ce n’est pas de l’investissement. »
    ————————————–
    Par définition, la thésaurisation, que ce soit dans de l’or ou des barres de carambar, n’est pas de l’investissement.

    La thésaurisation est un mécanisme comme un autre de l’économie, il n’y a aucune raison de la dénigrer par rapport à l’investissement.
    Son niveau résulte de la décision de milliards de gens en fonction de leur situation financière, de leur aversion au risque, de leur perception de l’avenir, de leur mentalité… Il faut être sot, ou économiste pour prétendre faire mieux que cet ordre spontané.

    La thésaurisation dans de l’or a quelques gros avantages : protéger son capital contre la planche à billet, donner confiance à un individu de dépenser les économies non thésaurisé (à la consommation ou, soyons fou… à l’investissement), servir de valeur d’échange d’une grande liquidité.

  • De point de vue du ménage épargnant, la thésaurisation sur l’or est un choix rationnel, en raison précisément de tout ce que j’ai dit sur l’attractivité et la fragilité des autres actifs. Je ne juge pas. Les ménages, comme les autres, sont rationnels. Du point de vue macrodynamique (pardon d’être un économiste), c’est perdu pour les circuits traditionnels d’intermédiation et de transformation de l’épargne qui ont vocation à fournir les capitaux qui manquent cruellement aux entreprises, ce qui se retourne contre les ménages (pas de croissance, pas d’emplois…). C’est tout ! Inutile de se fâcher…

  • imposer les revenus du capital, ça n’est pas imposer le travail une deuxième fois, c’est juste imposer les revenus d’un capital provenant du travail.

    A ce compte là, il ne faudrait pas imposer du tout les revenus du capital, et, ainsi, les gens qui ne vivent que de ça ne seraient pas du tout imposés…

    Toutefois, dans cette imposition, il faut prendre en compte le risque et le rendement, ce qui manque totalement à la politique fiscale.

    • Ce qui est important c’est surtout de ne jamais changer les taux d’imposition. le vrai libéral ne demande pas une nullité des impôts, il demande un strict conservatisme fiscal. Parce que changer imposition, c’est changer d’autorité la valeur des choses. Prenez un bien taxé à 20% qui rapporte 100 brut, et donc 80 net.
      Si vous supprimer son imposition, paf, vous multiplier sa valeur par 1,2. Si vous la doublez à 40%, il ne rapportera plus que 60 et sa valeur sera réduite d’un quart. Comme ça.
      Le niveau de taxe est une composante du prix des choses, il n’y a aucune raison de jouer dessus.

      Si la politique fiscale tenait compte du risque et du rendement, ce serait encore pire. L’un comme l’autre change tout le temps (le fisc serait donc incapable de les évaluer). Et ils sont déjà une des composantes du prix du bien, donc de l’assiette fiscale : en tenir compte une seconde fois serait absurde.

    • Et prendre en compte l’inflation peut être, non ?

      Taxer un revenu du capital net d’inflation, c’est taxer un revenu.
      Taxer un revenu du capital avant inflation, c’est confisquer purement et simplement.

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