Débat Obama-Romney : quand l’évidence aveugle tout à coup

Le premier débat qui a opposé les deux candidats à la présidentielle américaine a livré bien des surprises : débâcle de Barack Obama face à un Mitt Romney très pugnace. Revue des réactions Outre-Atlantique.

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Débat Obama-Romney : quand l’évidence aveugle tout à coup

Publié le 5 octobre 2012
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Le premier débat qui a opposé les deux candidats à la présidentielle américaine a livré bien des surprises : débâcle de Barack Obama face à un Mitt Romney très pugnace. Revue des réactions Outre-Atlantique.

Par Robert Stacy McCain, depuis les États-Unis.
Publié en collaboration avec l’Institut des libertés.

Une première victoire par KO ou pas ? La réponse à cette question, vous la trouvez facilement dans l’observation du réseau médiatique le plus pro-Obama. « Personnellement, je ne sais pas qui a gagné ce débat », déclare la présentatrice de MSNBC Rachel Maddow, le débat à peine terminé. Elle était évidemment la seule à ne pas savoir ! Lorsque Maddow débriefe avec son collègue Ed Schultz, ce dernier gémit que le président Obama « a créé un problème pour lui-même ce soir en parlant de la sécurité sociale. Il est d’accord avec Mitt Romney… Je pensais qu’il était hors cadre ». Personne ne salue la performance du président et certainement pas Chris Matthews. « Je ne sais pas ce qu’il faisait là-bas », se plaint Matthews. « Il avait la tête baissée. Il subissait le débat plutôt que de le combattre. » Si jamais il y avait une nuit où les conservateurs avaient le loisir de regarder la chaine de télévision MSNBC, c’était hier soir où un buffet à volonté de Schadenfreude a eu lieu. Successivement l’une après l’autre des personnalités du réseau pro-Obama ont tenté de venir à bout de ce qui restera peut-être le débat présidentiel le plus inéquitable depuis JFK contre Richard Nixon en 1960.

« En termes de tactiques de débat, Romney était dans l’action la plus grande partie de la soirée », commente Howard Fineman assombri, tandis que Chuck Todd admet que le résultat de ce débat « élève automatiquement Romney comme une alternative crédible » et plus tard ajoute que les membres du camp Obama « savent qu’ils ont perdu ce soir. » Tout le monde le sait.

Les « flashs », les sondages après le débat par CBS et CNN ont tous deux montré que les téléspectateurs ont sifflé une victoire pour Romney et une défaite pour Obama. John Hinderaker sur le blog conservateur Powerline déclare : « Ce n’était pas un match, c’était un coup de grâce. Mitt Romney avait la maîtrise dès le début. C’était le mâle alpha, alors que Barack Obama était faible, hésitant, bégayant, souvent s’excusant. » Une opinion similaire est partagée par l’un des fans les plus ardents d’Obama dans la blogosphère, Andrew Sullivan, qui considère que le débat est « un désastre pour le président ». Sullivan se moque du président « efféminé, des conférences conférencières », et conclut ; « Obama avait l’air fatigué, avait l’air même de s’ennuyer ; il regardait vers le bas, il n’avait pas de déclarations nettes de passion ou un argument, il n’était pas là, il était purement défensif. Peut-être était-ce la stratégie. Mais c’était une mauvaise stratégie. Au mauvais moment. »

Le mauvais moment pour le démocrate sortant peut-être, mais absolument parfait pour Romney, qui est venu dans le débat après avoir subi un passage à tabac d’un mois des médias sur sa campagne. Toutes les critiques de la convention républicaine, toute la fureur sur la « vidéo secrète », tous les sondages présageant la ruine pour Romney – toute  cette négativité est devenue tout à coup hors de propos dans la foulée de la victoire du challenger à ce débat décisif.

Romney mène la charge dès le début, en réaction à l’ouverture contrée d’Obama soulevant des accusations au sujet des impôts. « Je tiens à éclaircir le dossier et à l’analyser morceau par morceau », déclare Romney. « Tout d’abord, je n’ai jamais parlé d’une réduction de 5 milliards de dollars d’impôt. »

Après s’être défendu, Romney détourne ensuite l’attention sur le bilan économique du président Obama. « Les Américains des classes moyennes ont été enterrés. Ils sont  écrasés. Les ménages des classes moyennes ont vu leurs revenus baisser de 4300$. C’est une taxe en elle-même. Je vais l’appeler l’économie fiscale. Elle a été écrasante. Dans le même temps, les prix de l’essence ont doublé sous le président Obama. Les prix de l’électrique sont en hausse. Les prix alimentaires sont en hausse. Les coûts des soins de santé ont augmenté de 2500$ par famille. » Confrontés à ces faits, Obama a le souffle coupé. Il essaye bien sûr de parler de ses plans pour les quatre prochaines années, mais Romney continue de marteler le dossier des résultats du président des quatre dernières années, ce qui achève de saper la crédibilité d’Obama quand il fait des propositions pour l’avenir. Cette réalité – que la politique du président a été un échec lamentable – ne semble pas trouver d’écho auprès de partisans d’Obama sur MSNBC, qui plus tard se sont plaints de l’apathie du président de même qu’ils ont essayé de blâmer la manipulation du journaliste débatteur, Jim Lehrer. Certes, Romney a marqué des points pour le style. Il a été agressif, clair et précis et, dans le calcul superficiel par lequel les candidats sont évalués à l’ère télévisuelle, il a assis sa légitimité présidentielle. Mais au-delà de la forme, le fond était au rendez-vous :

« Vous augmentez les impôts et vous tuez l’emploi » répond-il à Obama à un moment donné. « C’est pourquoi la Fédération nationale des entreprises indépendantes le dit : votre plan va tuer 700.000 emplois. Je ne veux pas faire disparaître des emplois dans cet environnement économique. » Plus tard, Romney accuse le président Obama de professer « une vision magique suivant laquelle la pensée du gouvernement ferait un meilleur travail que les personnes libres poursuivant leurs rêves. Et ça ne marche pas. Et la preuve en est que 23 millions de personnes sont sans travail. La preuve en est  que 1 personne sur 6  est en situation de pauvreté. La preuve en est que nous sommes passés de 32 millions de bons de nourriture à 47 millions d’euros sur les coupons alimentaires. La preuve en est que 50 pour cent des diplômés des « college » cette année ne trouvent pas de travail. »

Ce sont simplement des faits. Et dans ce contexte où Romney a pu souligner ces faits à propos de la présidence d’Obama en s’adressant directement à la population – sans l’intervention du filtre des médias – le caractère unilatéral du débat ne devrait pas surprendre autant que cela. Mais la surprise est tout à fait agréable pour les partisans de Romney. Reason Welch de Matt Magazine déclare : « Ce n’était pas tant un débat mais plutôt un trek en cross country où Mitt Romney avait accroché Obama au toit de sa voiture. »

Il ne sera pas facile pour le président Obama de rebondir rapidement après sa débâcle d’hier soir. Le prochain débat prévu le le 11 octobre entre le Vice-Président Joe Biden et le républicain Paul Ryan fera qu’Obama ne pourra pas répondre à Romney avant le 16 octobre. Dans le même temps, Romney peut s’attendre à être porté par la vague du succès, pendant que le titulaire démocrate, tout aussi soudainement, risque de se retrouver en proie au même genre de numéros de sondages sombres et de critiques que Romney avait essuyé jusqu’à présent. De tous les retournements que Romney ait pu accomplir dans sa carrière chez Bain Capital, rien n’aurait pu être aussi important que la victoire qu’il arracha en 90 minutes la nuit dernière.

—-
The other McCain blogg. Traduction libre : Institut des libertés.

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  • « La preuve en est que 50 pour cent des diplômés des collèges cette année ne trouvent pas de travail. »
    ——————————————
    « College graduates » est un faux-ami, la traduction correcte est « diplômés d’université » (premières années).

    50% de bac+x qui ne trouvent pas de travail aux USA, c’est bien sûr exagéré. Il s’agit de toute évidence de « pas de travail correspondant exactement à leurs diplômes » et encore, ça reste exagéré.

    • En fait il y avait l’accent en trop (satané correcteur automatique !).
      Je trouve mieux de conserver « college » car chez nous diplômé d’université, ça va jusqu’à bac+8.
      Sinon, je ne sais si ses chiffres sont exacts, mais il évoque les diplômés de cette année.

      • Ca ne paraîtrait pas surprenant : On est diplômé du college avant l’été. Beaucoup prennent une dernière fois des vacances avant de bosser. Nous sommes en octobre. Si 50% des jeunes diplômés trouvent un travail en 2 mois, c’est plutôt bon, comme résultat, je trouve…

  • « Je tiens à éclaircir le dossier et à l’analyser morceau par morceau », déclare Romney. « Tout d’abord, je n’ai jamais parlé d’une réduction de 5 milliards de dollars d’impôt. »

    5 000 milliards, (5 trillions), d’ailleurs Obama le répète un paquet de fois pour effrayer les foules.

    Et en effet Obama s’est pris une pâtée monumentale.

    • Obama ce serait fait surprendre par un revirement des positions de Romney sur l’économie et les finances de l’état.

      Ceci dit, comment l’occident pourrait-il convaincre les pays musulmans de ne pas associer au pouvoir politique le religieux si un Mitt Romney venait au pouvoir ?

      • Et alors ? Romney est mormon, ceci vous dérange-t-il ? Seuls
        les laïcards de votre espèce ne tolèrent pas les diversités d’opinion, de pensée et de culte. Tout simplement déplorable !

      • Il n’y a vraiment qu’en europe que l’on fasse un cas de la religion de Mitt Romney. Ca ne semble absolument pas avoir d’impact sur ce qu’il propose et encore moins sur ce qu’il a realise jusqu’ici (Business, Massachussets, JO de Salt Lake City), ici aux US, la seule chose qui compte est de savoir qui (ou plutot quelle approche) nous sortira du gouffre economique dans lequel nous nous enlisons depuis 2008…

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