La morale laïque : le formatage citoyen

Saluée par une partie de la droite et des éditorialistes, l'annonce faite par Vincent Peillon d'un retour de l'enseignement de la morale à l'école a tout du quiproquo. Ceux qui espèrent que "la morale laïque" promise par le ministre permette un retour aux valeurs et rappelle aux jeunes français quels sont leurs droits et leurs devoirs vont vite déchanter.
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La morale laïque : le formatage citoyen

Publié le 5 septembre 2012
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Saluée par une partie de la droite et des éditorialistes, l’annonce faite par Vincent Peillon d’un retour de l’enseignement de la morale à l’école a tout du quiproquo. Ceux qui espèrent que « la morale laïque » promise par le ministre permette un retour aux valeurs et rappelle aux jeunes français quels sont leurs droits et leurs devoirs vont vite déchanter.

Par Olivier Vial.

Si habilement, Vincent Peillon parle de « morale » faisant, ainsi, implicitement référence à l’école des hussards de la république, ce n’est que pour mettre en œuvre plus facilement la feuille de route sur l’école que les socialistes ont adoptée le 11 décembre 2011, lors de la convention nationale du PS intitulée « Pour l’égalité réelle ».

Pour eux, l’objectif de l’école n’a jamais été la transmission des savoirs. Fidèle à la ligne tracée en 1866 par Jean Macé, le fondateur de la Ligue de l’enseignement, les socialistes attendent de l’école qu’elle joue un rôle plus direct afin d’influencer, voire de façonner la société selon leurs plans.

Pour Jean Macé, l’objectif premier de l’école, ce n’est pas la simple diffusion du savoir, c’est « l’éducation au suffrage universel ». De son propre aveu, son organisation « poursuit un but essentiellement politique », qui fixe à l’éducation le soin « de faire des électeurs« [1].

Cette thèse, même si elle n’a pas toujours été aussi clairement affichée, n’a jamais cessé d’inspirer la gauche et ses alliés au sein du milieu scolaire[2]. Depuis, comme le note François Ewald, l’école est devenue le « lieu privilégié de l’initiation à la République, elle est chargée de « fabriquer » le citoyen de la démocratie « égalitaire ».[3] On lui a, ainsi, fixé pour mission d’apprendre aux enfants « les gestes citoyens », les comportements « éco-responsables », et le catéchisme « politiquement correct ». « Et cela, non pas en s’appuyant sur le capital social dont l’enfant hérite de sa communauté d’origine [quitte à l’enrichir], mais en prétendant forger un être nouveau. »[4]

Dans son entretien au Journal du Dimanche, Vincent Peillon s’inscrit dans cette tradition en précisant que sa morale laïque est plus large que la simple instruction civique :  » cela comporte une construction du citoyen […] mais aussi toutes les questions que l’on se pose sur le sens de l’existence humaine, sur le rapport à soi, aux autres, à ce qui fait une vie heureuse ou une vie bonne. » Pour parvenir à cela, » il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social. »[5] Et voici, la famille reléguée au rang des déterminismes dont il convient de s’émanciper !

Dans son projet « pour l’égalité réelle », le parti socialiste fixe à l’école l’objectif d’« éduquer pour changer les mentalités et transformer la société » en luttant contre les  » stéréotypes et les préjugés ».

« L’éducation permettra de déconstruire les préjugés de genre […]. Nous formerons tous les acteurs éducatifs à la question de l’éducation aux rapports entre les sexes, à partir d’un travail sur les stéréotypes et les assignations de genre, »[6] et cet enseignement concernera tous les élèves du CP jusqu’à la terminale.

L’école sera également mobilisée pour lutter contre les discriminations qui « prennent racine dans les mécanismes de rejet, de domination, qui persistent dans l’inconscient collectif. Les préjugés et les stéréotypes ont la vie dure : le seul moyen de les faire reculer durablement est un engagement politique déterminé de la puissance publique. En agissant sur les représentations, la puissance publique dispose d’un levier fort pour transformer l’égalité formelle en égalité réelle. ( Sic ) [7] Quelle belle définition de la propagande !

La formation des enseignants, chère au nouveau ministre, devra intégrer « à leur formation initiale et continue des modules permettant d’appréhender les mécanismes de domination et de les déconstruire avec les élèves. » L’école devra également veiller à « enseigner la richesse et la diversité de l’histoire de France. Il est nécessaire de montrer que la France a toujours été traversée par des vagues de migrations » affirme-t-on de façon péremptoire dans ce texte adopté par l’ensemble du conseil national du PS.

Pour réussir une telle mission, les enseignants pourront compter sur l’appui des associations d’éducation populaire. « Pour faire reculer les préjugés, nous nous appuierons sur le mouvement social et associatif, qui a un rôle à jouer aux côtés des pouvoirs publics pour faire évoluer les mentalités. ». Vincent Peillon, tout comme François Hollande, savent qu’ils pourront compter sur ces associations qui demeurent de fidèles alliées du parti socialiste. Rappelons simplement que les principales associations d’éducation populaires sont : la ligue de l’enseignement qui n’a jamais re[8]nié sa sympathie  » pour tous ceux qui luttent pour la construction d’une société de type socialiste » et la fédération Léo Lagrange, émanation historique du mouvement des jeunes socialistes qui reste présidée par Bruno Le Roux, lieutenant de François Hollande.

Voilà à quoi risque de ressembler la « morale laïque » de Vincent Peillon. Derrière ces mots se cache un catéchisme gauchisant[9] dont l’objectif est de formater les citoyens à la pensée politiquement correcte.

Si nous ne voulons pas d’une école « Big Brother », nous devons rester vigilant et nous rappeler l’avertissement de la philosophe Chantal Delsol :  » dans un pays libre, ce que nous nous flattons d’être, l’éducation morale est du ressort des familles. L’État peut instruire, mais il n’éduque pas. On peut douter d’ailleurs que la vertu s’enseigne comme la grammaire. Nous allons avoir des manuels dans lesquels la morale se résumera dans le bouclage de la ceinture de sécurité et l’interdiction de fumer. Car l’ordre moral passe aujourd’hui par ces momeries. D’autres feront la morale du gender ou bien réduiront tout à l’écologie. Il sera donc assez utile (euphémisme !) que les parents vérifient ce qu’on prétend apprendre à leurs enfants en terme de vertu.  »

Sage Conseil !

—-
Notes :

[1] « Pour se souvenir de l’avenir. Brève histoire de la Ligue de l’enseignement », site internet de la Ligue de l’enseignement. www.laligue.org

[2] Extrait de « L’école malade de l’égalitarisme » d’Olivier Vial et Inès Charles-Lavauzelle

[3] François Ewald, « Refonder l’école », la Lettre n°15, Fondation pour l’innovation politique.

[4] Ibid.

[5] Journal du Dimanche, n°3425, 2 septembre 2012

[6] Convention pour l’égalité réelle- p 36

[7] Agir sur les représentations par le biais de l’action publique pour changer la réalité, voilà une méthode qui n’est pas très différente de la définition de la propagande : « la propagande désigne un ensemble d’actions psychologiques influençant la perception publique des événements, des personnes ou des enjeux, de façon à endoctriner ou embrigader une population et la faire agir et penser d’une manière voulue.« 

[8] « Pour se souvenir de l’avenir. Brève histoire de la Ligue de l’enseignement », site internet de la Ligue de l’enseignement. www.laligue.org

[9] selon la formule d’Etienne de Montety dans son éditorial du Figaro, le 3 septembre 2012.

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  • Nous allons droit vers le totalitarisme. Il va falloir se battre!

    • Oui mais il faut commencer par comprendre.

      Les socialistes veulent imposer une anthropologie, une religion. C’est normal: Une anthropologie est toujours fondée sur une religion.

      Mais personne n’est plus inapte qu’eux à cette tâche: Ils sont relativistes et donc nihilistes, même s’ils n’ont pas la lucidité de l’observer. Une société dont les enfants sont endoctrinés dans le nihilisme va naturellement au néant.
      Les socialistes sont les moins qualifiés qu’on puisse imaginer pour enseigner la morale. Ils vont endoctriner nos enfants dans leur conformisme relativiste, le mépris de la vérité; en faire les proies faciles de tous les totalitarismes, théocratiques ou autre, puisque rien n’a d’importance.
      Ils vont tuer en eux l’esprit critique, la rigueur intellectuelle et le souci de la vérité que l’enseignement catholique avait su répandre avec la morale chrétienne.
      Ils vont aussi en finir avec les idées libérales, fondées sur la responsabilité et sur l’espace de liberté dégagé par la distinction entre Dieu et César.

      Dès Jules Ferry, l’État qui n’était plus chrétien, donc plus lié par la séparation entre Dieu et César, a balayé l’enseignement catholique contre la volonté du peuple, précisément pour pouvoir le modeler. Peillon est le successeur de Jules Ferry.

      Les socialistes conquièrent l’État pour imposer au peuple leur magistère moral par la force, rendre à César ce qui est à Dieu – l’exact contraire du programme libéral, qui veut servir le peuple tel que Dieu l’a fait (Frédéric Bastiat),mais une ambition finalement semblable à celle des islamistes, qui veulent rendre à Allah ce qui revient à César (la transition en sera facilitée…)

      Hélas le mal est déjà fait : Les socialistes ont déjà détruit la légitimité de l’Église, seule concurrente pour le magistère moral en France et qui, elle, ne risquait pas de s’emparer de l’État. Ce vide sera comblé par ceux-là même qui soutenaient que la morale chrétienne est un carcan, et ils entraîneront le peuple français dans les oubliettes de l’Histoire, ou dans une nuit totalitaire peut-être définitive.

  • Il n’est pas anodin que c’est sous un gouvernement de gauche (1932) que le ministère de l’instruction publique est devenu celui de l’éducation nationale.

  • Citation de Delsol : « L’État peut instruire, mais il n’éduque pas.  »

    Cette dame a du oublier que lorsqu’elle avait genre 6 ou 10 ans, n’importe quel moment de sa journée était un moment d’éducation, et jamais de simple transfert de savoir. Bien sûr que l’école publique éduque (en tout cas au moins la maternelle et le primaire), et elle éduquerait même si elle ne le voulait pas.

    • Les mots sont importants et il y a une différence fondamentale entre instruire et éduquer. Instruire, c’est former quelqu’un par des préceptes et des leçons. Eduquer, c’est élever l’esprit de quelqu’un à la spiritualité.

      La dimension spirituelle dans l’acte d’éducation dépasse la simple répétition de leçons théoriques ou pratiques. L’école publique est incapable de la moindre éducation (spirituelle) car elle n’a dans ce domaine aucune légitimité, contrairement à la famille.

      La prétendue morale de Peillon n’en est pas une et ses mensonges ne résistent pas à la confrontation au monde réel. Il ne s’agit que de propagande.

      • @bubulle
        Armand Losserant est un con ! Ca m’étonnerait qu’il saisisse la subtilité de la différence entre instruction et éducation.

        P.S. Pardon mon manque d’éducation, j’ai été principalement éduqué par l’EdNat.

        • Ce message s’adresse aux modérateurs : pourquoi ce message m’insultant grossièrement n’est il pas nettoyé ? L’insulte est interdite sur ce forum je crois.

          • On n’est pas à Bisounoursland ici. Ça arrive les insultes dans la vie. N’en faites pas tout un plat.

          • Armand Losserant : « pourquoi ce message m’insultant grossièrement n’est il pas nettoyé ? »
            ——————————-
            Parce que si les insultes devaient être « nettoyées », ce sont tous vos posts qu’il aurait fallu supprimer vu qu’ils sont tous des insultes à l’intelligence.

          • Dois je comprendre que je peux, face à MiniTax, me départir de la politesse qui me coûte tant d’énergie à chaque fois que je daigne lui répondre ?

          • Si c’est du second degré, c’est assez drôle…

        • @minitax
          L’instruction mène à la connaissance, la connaissance à la sagesse…j’en déduit personnellement qu’une personne qui a la connaissance sans avoir la sagesse est un con irrécupérable et à vous lire vous en faite bien parti.

      • Vous m’avez lu trop vite. En tant que parent, je sais distinguer un enfant très instruit d’un enfant bien éduqué.

        Je sais aussi que pendant les cours, ou à la récréation, ou même à la cantine, mes enfants poursuivent leur éducation, malgré moi, et malgré la volonté ou l’absence de volonté de l’enseignant d’être un éducateur.

        Chaque instant de la vie d’un enfant fait partie de son éducation, on n’y peut rien, son esprit est ainsi fait.

        Je parle là de la maternelle et du primaire. Après, au secondaire, c’est un peu autre chose.

        • @miniTAX
          « Parce que si les insultes devaient être « nettoyées », ce sont tous vos posts qu’il aurait fallu supprimer vu qu’ils sont tous des insultes à l’intelligence. »

          On voit plus facilement la paille dans le lit de son voisin que la poutre dans le sien.

          A bon entendeur …

    • Pourquoi vous émouvoir de la stupidité de votre réflexion ?

      Vous évacuez complètement le rôle parental dans l’empreinte éducative de fond. Si vous pratiquez un zeste de sociologie, vous devriez remarquer la déferlante des « glissements éducatifs », particulièrement parmi les classes dites « défavorisées » (dont beaucoup sont singulièrement issues … de l’immigration) !
      Là les repères éducatifs sont malheureusement proches du néant.
      Si votre profession vous plaçait face à des enseignants et des éducateurs sérieux (cherchez-les?), alors vous devriez adhérer aux propos de Mme Delsol …

      Ceci n’enlève rien au noble métier d’enseignant. Mais les écoles-poubelles existent en très grand nombre. Et leur personnel est exaspéré des débordements de tous ordres (puis se démotive). Si vous niez ce fait pourtant évident, alors l’insulte (ce que vous pensez en être une) est totalement fondée. Exprimez-vous avec les yeux en face des trous, pas avec des leitmotive d’un temps révolu ! Merci de l’attention … pour les observations futures .

  • à quand le culte du chef ?

    remarque avec les notions d’outrage (délit inventé par l’état) on n’en était déjà pas loin.

  • Ce qui est dégaulasse, c’est que les écoles privées (sous contrat) seront obligés de dispenser ce cours immonde. Quand mes enfants atteindront le CP, je m’opposerai à ce qu’ils aillent à ce cours !

  • Je dois en profiter pour donner ces trois citations célèbres :

    * Qui ne convient que, si l’on pouvait être d’accord sur le meilleur enseignement possible, quant à la matière et quant à la méthode, l’enseignement unitaire ou gouvernemental serait préférable, puisque, dans l’hypothèse, il ne pourrait exclure législativement que l’erreur ? Mais, tant que ce critérium n’est pas trouvé, tant que le législateur, le ministre de l’Instruction publique, ne porteront pas sur leur front un signe irrécusable d’infaillibilité, la meilleure chance pour que la vraie méthode se découvre et absorbe les autres, c’est la diversité, les épreuves, l’expérience, les efforts individuels, placés sous l’influence de l’intérêt au succès, en un mot, la liberté. La pire chance, c’est l’éducation décrétée et uniforme ; car, dans ce régime, l’Erreur est permanente, universelle et irrémédiable. Ceux donc qui, poussés par le sentiment de la fraternité, demandent que la loi dirige et impose l’éducation, devraient se dire qu’ils courent la chance que la loi ne dirige et n’impose que l’erreur ; que l’interdiction légale peut frapper la Vérité, en frappant les intelligences qui croient en avoir la possession. Or, je le demande, est-ce une fraternité véritable que celle qui a recours à la force pour imposer, ou tout au moins pour risquer d’imposer l’Erreur ? On redoute la diversité, on la flétrit sous le nom d’anarchie ; mais elle résulte forcément de la diversité même des intelligences et des convictions, diversité qui tend d’ailleurs à s’effacer par la discussion, l’étude et l’expérience. En attendant, quel titre a un système à prévaloir sur les autres par la loi ou la force ? Ici encore nous trouvons que cette prétendue fraternité, qui invoque la loi, ou la contrainte légale, est en opposition avec la Justice.
    Je pourrais faire les mêmes réflexions pour la presse, et, en vérité, j’ai peine à comprendre pourquoi ceux qui demandent l’Éducation Unitaire par l’État, ne réclament pas la Presse Unitaire par l’État. La presse est un enseignement aussi. La presse admet la discussion, puisqu’elle en vit. Il y a donc là aussi diversité, anarchie. Pourquoi pas, dans ces idées, créer un ministère de la publicité et le charger d’inspirer tous les livres et tous les journaux de France ? Ou l’État est infaillible, et alors nous ne saurions mieux faire que de lui soumettre le domaine entier des intelligences ; ou il ne l’est pas, et, en ce cas, il n’est pas plus rationnel de lui livrer l’éducation que la presse. (Frédéric Bastiat)

    * Tous les monopoles sont détestables, mais le pire de tous, c’est le monopole de l’enseignement. (Frédéric Bastiat)

    * Un système éducatif obligatoire et financé par l’impôt est le modèle complet de l’État totalitaire. (Isabel Paterson)

  • Au même moment, le gouvernement chinois veut imposer des cours d' »éducation morale et nationale » aux élèves d’Hong Kong!
    Tout est dit!

  • La morale doit être agnostique et respecter toutes les religions sans autres prosélytismes que celui du bien vivre ensemble.

  • Les commentaires sont fermés.

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