Le « libéral » Tusk, le plus cher premier ministre de l’histoire en Pologne

La dette contractée par le gouvernement de Tusk atteindra l’année prochaine 100 milliards de dollars. La Pologne est à l’heure actuelle le dixième pays le plus endetté au monde.

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Donald Tusk (Crédits Kancelaria Premiera, licence creative Commons).jpg

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Le « libéral » Tusk, le plus cher premier ministre de l’histoire en Pologne

Publié le 25 août 2012
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La dette contractée par le gouvernement de Tusk atteindra l’année prochaine 100 milliards de dollars. La Pologne est à l’heure actuelle le dixième pays le plus endetté au monde.

Par Jan Pinski, depuis la Pologne.

« Il n’existe pas d’atrocité ni d’injustice que ne pourrait commettre un gouvernement modéré et libéral s’il lui manque de l’argent » avait mis en garde Charles Alexis de Tocqueville. Le gouvernement de Tusk n’est ni modéré ni libéral, et tout porte à croire qu’il va bientôt lui manquer de l’argent.

Seulement cette année, pour équilibrer le budget, il manque au minimum 18 milliards de zlotys, soit 4,5 milliards d’euros. En établissant son budget, le ministre des Finances Jacek Rostowski a surestimé les rentrées de la TVA, mais aussi les indicateurs économiques. Pour l’instant, le gouvernement s’emploie à réviser les hypothèses budgétaires pour l’année prochaine alors que celui en cours exige des corrections.

Le professeur Krzystof Rybiński, ancien vice-président de la Banque nationale de Pologne, prédit :

« La Pologne n’a pas engagé les réformes suffisantes. En 2013 l’île verte tombera dans l’oubli. Nous allons entrer en récession. Beaucoup de Polonais vont perdre leur travail, l’épargne va diminuer. Des temps difficiles arrivent. »

L’équipe de Donald Tusk, qui prévoit des moments difficiles déjà pour l’automne, a adopté une loi anticonstitutionnelle pour limiter le droit de manifester.

 

La fin de l’île verte

Nous ne devons nullement l’absence de crise ces dernières années à un bon gouvernement.

Dans les années 2009-2012, énormément d’argent a été injecté dans l’économie polonaise. Les investissements publics par rapport au PIB ont doublé. Aujourd’hui pourtant, le gouvernement doit couper dans les dépenses. Indépendamment de la manière avec laquelle le ministre des Finances Jacek Rostowski infléchit les statistiques et recourt à la comptabilité créative, la Pologne se rapproche (en réalité a déjà dépassé) du seuil critique, c’est-à-dire de la limite constitutionnelle de la dette.

Nous devrions alors nous engager vers une diminution des dépenses publiques. C’est évidemment une tendance favorable. Le problème est que, dans le même temps, les entreprises privées vont baisser leurs dépenses. Pour faire court : certains vont perdre leur emploi dans le secteur public, et ils n’en retrouveront pas dans le secteur privé. Selon le professeur Krzystof Rybiński, le taux de chômage atteindra 14 % à la fin de l’année.

Le problème n’est pas la crise mais l’absence totale de préparation du gouvernement pour y faire face. L’équilibre budgétaire des dépenses existe uniquement en cas de maintien de la croissance économique. En période de récession, le gouvernement n’a pas d’autre idée que d’augmenter les impôts, et cela va bien entendu affecter l’économie. L’augmentation cette année du taux de TVA de 1 % a engendré des revenus moindres sur cette taxe au cours du premier semestre par rapport à l’année précédente. Non seulement nous dépensons moins mais l’économie grise est en expansion. Le pire est que dans le cas d’une détérioration du rapport de la dette au PIB, le gouvernement a prévu d’augmenter le taux de TVA à 25 % (actuellement 23 %). Nous allons devoir faire face à un auto-emballement du mécanisme de la crise. Plus la croissance sera faible, plus le gouvernement augmentera les impôts, déprimant l’économie.

Peu de gens se souviennent que la Pologne est sortie de la précédente baisse d’activité économique en 2001 (le taux de chômage dépassait alors les 20 %) grâce à une diminution de l’impôt sur les sociétés à 19 %.

 

Sept années de vache maigre

Le professeur Krzystof Rybiński prévoit sept années de vaches maigres.

Selon lui, les sept dernières années étaient des années de vaches grasses, et il faut à présent s’attendre à une période de mauvaise conjoncture. Pendant ce temps, il n’y a eu aucune réforme des finances publiques. Pire, ces années de prospérité correspondent à une période d’endettement de l’État sans précédent. Edward Gierek a endetté la Pologne (il dirigea la République populaire de Pologne de 1970 à 1980), en prenant en compte la différence de pouvoir d’achat de la monnaie (les dollars empruntés par Gierek valait plus), d’un montant de 50 milliard de dollars. La dette contractée par le gouvernement de Tusk atteindra l’année prochaine 100 milliards de dollars.

La Pologne est à l’heure actuelle le dixième pays le plus endetté au monde. Et nous payons en période de crise cette augmentation de la dette sans précédent dans son histoire. La vie à crédit n’a fait ses preuves ni pour les ménages ni pour les États. En plus, le fait qu’au sommet de la crise notre État va faire concurrence avec les entreprises pour les crédits sera un facteur supplémentaire favorisant la récession. Dans le futur, Kowalski devra payer sensiblement plus pour son crédit qu’il n’aurait dû le faire si le gouvernement n’avait pas emprunté.

Ce mécanisme de poussage des entreprises hors du marché du crédit a déjà eu lieu en 2001 quand le gouvernement rapiéçait le trou budgétaire.

 

La taxe sur la bêtise

Comme s’il n’y avait pas assez de problèmes, l’année prochaine verra le jour de la mise en service de la taxe sur les émissions de gaz carbonique. Ce sera le prochain couteau dans le dos de l’économie polonaise. Cette nouvelle taxe va augmenter les coûts de production et le coût de la vie.

Difficile de résister à l’impression que le bénéficiaire sera, non pas l’environnement naturel mais les détenteurs des nouvelles technologies permettant la réduction des émissions. La Pologne, dont 95 % de l’énergie électrique est produite à l’aide du charbon, sera particulièrement touchée par ce nouveau droit. Le plus étonnant est qu’aucun politicien n’ait jusqu’à présent fait d’analyse sur l’impact de ce nouveau droit.

Les experts de la firme Energys déclarent :

« Les coûts sociaux et économiques de la mise en application du paquet climat-énergie en Pologne dépassent largement les limites acceptables pour le public et provoquent une perte de concurrence pour l’économie polonaise. »

En prenant une estimation prudente, une centrale électrique d’une capacité de 1600 MW (la plus couramment rencontrée en Pologne) devra payer annuellement pour ses émissions 500 millions de zlotys, soit 125 millions d’euros, si elle n’obtient pas, évidemment, des droits « gratuits » d’émission. La mise en place de ce type de régulation agit sur la crise comme on éteindrait un incendie avec du combustible.

 

Le trou de Rostowski

Le ministre des Finances Jacek Rostowski ne semble pas pour l’instant remarquer le problème.

Dans le budget de l’année prochaine, on mise sur une croissance de 2,9 %. La qualité et l’exactitude de ces prévisions est démontrée dans sa déclaration de juin :

« En estimant la croissance du PNB dans le projet pour le budget de 2013, nous avons supposé que la Grèce ne soit pas sortie de la zone Euro mais que les problèmes et les turbulences persistent sur les marchés. […] Il faut dire clairement que le problème de la Grèce est la conduite d’une politique fiscale irresponsable, ce qui est à l’inverse opposé de ce que nous faisons en Pologne. Nous, nous n’augmentons pas les déficits ni l’endettement, même si on nous pousse à le faire. »

Ce n’est pas exact. Le budget polonais repose sur des hypothèses désirées et il est difficile de les qualifier de responsables. Rien que cette année il va manquer à peu près 16 milliards de zlotys, soit 4 milliards d’euros. L’année prochaine, en cas de récession, le « trou de Rostowski » s’élèvera à 30-40 milliards de zlotys. Et c’est de l’argent que ne pourra pas apporter une augmentation du taux de TVA. Il faudra drastiquement couper dans les dépenses. En connaissant la réticence de Tusk à limiter les transferts sociaux, on peut se risquer à prévoir que les investissements seront diminués. Et en conséquence, cela pourrait être un prétexte pour l’Union européenne de réduire les dépenses pour la Pologne dans le cadre des fonds structurels.

 

Le marché libre contre le socialisme

On sait aujourd’hui que le problème du maintien dans la zone euro se pose pour la Grèce, mais aussi pour l’Italie et l’Espagne. Selon des estimations prudentes, la perpétuation du système économique actuel dans cette zone coûtera un billion d’euros. Personne n’a cet argent, à part les Chinois. Et il n’y a aucune raison qu’ils investissent pour maintenir le niveau de vie européen.

Selon le professeur Rybiński, la crise actuelle peut rappeler dans une certaine mesure la Grande Dépression des années 1930. À cette époque, la crise est apparue comme un matériau nutritif pour le socialisme et l’interventionnisme d’État. Comme responsable de la crise, on a accablé – de la même manière qu’on tente de le faire à présent – le capitalisme sauvage. À l’époque, comme d’ailleurs aujourd’hui, le capitalisme et le marché libre n’avaient rien à voir avec la crise. La crise à venir est causée par l’émission, sans précédent dans l’histoire humaine, de quantités énormes d’argent par les États en cours d’endettement.

Il y a deux scénarios possibles à la sortie de la crise :

  1. Le retour des pays européens au marché libre et à une monnaie basée sur du réel (par exemple l’or)
  2. Une nouvelle version du New Deal à la sauce européenne, ce qui est malheureusement plus probable

 

Feu le professeur Milton Friedman a démontré que par le New Deal américain, la sortie de crise des USA a duré beaucoup plus longtemps que si cette politique n’avait pas été mise en place. Dans les années 1970, il remarqua que la conséquence directe du New Deal fut dans les années qui suivirent la mise en œuvre de tous les postulats du parti communiste. Malheureusement, la lutte contre la crise entreprise par les eurocrates pourrait se terminer de la même manière.

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Article original titré ‘Tusk droższy od Gierka. Idzie Kryzys!‘, publié le 20 08 2012 sur nczas.com
Traduction par Serge pour Contrepoints.

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  • le « poussage » des entreprises hors du marché du crédit c’est l’éviction je crois…

    • Parce que le mot est entre guillemets dans le texte, j’ai fait une traduction littérale. Éviction c’est plus joli, en effet.

  • Même si on n’est pas d’accord avec la question des droits sur les émissions de CO2 et sur les causes de la crise de 29, il s’agit pour une fois dans les médias français d’une analyse pertinente de la mauvaise politique économique du gouvernement de Donald Tusk (à ne pas confondre avec Donald Duck, le neveu de Picsou) et de son ministre des finances Rostowski qui a un profil de comptable spécialiste en comptabilité créative et pas de financier. Ces messieurs, qui bénéficient de la mainmise du gouvernement sur les médias en Pologne et de l’éviction des journalistes d’opposition de tous les grands médias et de certains grands quotidiens (je pense ici à l’opération de « pacification » du grand quotidien Rzeczpospolita qui a été réalisée l’année dernière, sont en train d’être rattrapés par la dure réalité économique. Donald Tusk est aussi en train d’être rattrapé par les révélations sur « l’enquête » (en fait l’absence d’enquête sérieuse et transparente) sur le crash de Smolensk d’avril 2010.

  • Les commentaires sont fermés.

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Aurélien Duchêne est consultant géopolitique et défense et chroniqueur pour la chaîne LCI, et chargé d'études pour Euro Créative. Auteur de Russie : la prochaine surprise stratégique ? (2021, rééd. Librinova, 2022), il a précocement développé l’hypothèse d’une prochaine invasion de l’Ukraine par la Russie, à une période où ce risque n’était pas encore pris au sérieux dans le débat public. Grand entretien pour Contrepoints par Loup Viallet, rédacteur en chef.

 

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