Correa protège Assange pendant qu’il persécute sa propre presse

Le même gouvernement qui a accordé l’asile à Julian Assange pousse un journaliste à s’exiler et discrédite un défenseur de la liberté d’expression.

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Correa protège Assange pendant qu’il persécute sa propre presse

Publié le 21 août 2012
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Il est ironique de voir  le même gouvernement qui a accordé l’asile à Julian Assange pousser un autre journaliste à s’exiler aux États-Unis et utiliser les médias au pouvoir de l’État pour discréditer un des principaux défenseurs de la liberté d’expression en Équateur.

Par Carlos Lauría

Rafael Correa en compagnie de Christine, la mère de Julian Assange.

La décision du gouvernement équatorien d’octroyer l’asile politique à Julian Assange se produit au moment où la liberté d’expression en Équateur se voit menacée. Le niveau de liberté de la presse sous le gouvernement du président Rafael Correa figure parmi les pires du continent et le fait de concéder l’asile au fondateur de Wikileaks ne changera pas les restrictions que doivent affronter les journalistes équatoriens qui critiquent les politiques et les décisions du gouvernement.

Les enquêtes de plusieurs groupes internationaux des droits de l’Homme, incluant le CPJ (Committee to Protect Journalists), Human Rights Watch, Fundamedios et le rapport spécial pour la liberté d’expression de l’Organisation des États américains ont conclu que le gouvernement de Correa ne tolère pas la contestation et a entrepris une campagne pour faire taire les critiques dans la presse.

On citera, par exemple, la récente fermeture de onze radios locales. L’évaluation du CPJ permit de voir que la majorité des radios avaient été critiques envers le gouvernement et que l’autorité de régulation n’avait pas suivi la procédure requise dans de nombreux cas. Dans une lettre au directeur des Télécommunications Fabián Jaramillo, le CPJ a exprimé sa préoccupation de ce que les fermetures de radios soient une tentative politique pour contrôler la circulation de l’information.

Un rapport spécial de 2011 du CPJ a montré que Correa et son gouvernement ont déposé des plaintes en diffamation devant les tribunaux civils et pénaux comme moyen pour intimider les personnes critiques. Le cas concernant le premier tirage de la presse El Universo a été emblématique de cette pratique. En février, Correa gagna son procès en diffamation contre le journal. Trois directeurs et l’ex-éditorialiste, Emilio Palacio, furent condamnés à trois ans de prison chacun et à payer un total de $40 millions en dommages. La plainte s’appuyait sur un éditorial publié par El Universo en février 2001 qui insinuait que le président pourrait être accusé de crimes contre l’Humanité pour ses actions durant la révolte policière de 2010. Correa pardonna ensuite les journalistes après avoir atteint son objectif d’intimider tous ceux qui pourrait remettre en question ses politiques. Il était déjà trop tard pour Palacio, qui avait fui le pays par crainte d’être incarcéré.

Le gouvernement a également promu une législation pour intimider les personnes critiques dans les médias. Des changements dans la loi électorale, approuvés par l’Assemblée nationale en janvier, inclurent des clauses d’interprétation si large qu’elles pourraient empêcher que la presse ne puisse couvrir les campagnes politiques pendant les mois précédents les élections présidentielles de février 2013, quand Correa cherchera à se faire réélire. Une des clauses établit que les médias « s’abstiendront de faire de la promotion directe ou indirecte » à l’occasion des campagnes des candidats pendant les 90 jours précédant une élection. Une seconde clause dans la loi interdit aux médias de transmettre tout type d’information, photos ou opinion sur le processus électoral pendant les 48 heures précédant une élection. Un projet de loi sur la communication actuellement en débat à l’Assemblée nationale pourrait restreindre encore plus la liberté d’expression ; son langage ambigu octroierait aux régulateurs de grandes facilités pour imposer des santions arbitraires et censurer la presse.

Marchant sur les traces de son collègue vénézuélien Hugo Chávez, Correa a également construit un réseau massif de médias gouvernementaux qui est utilisé pour lancer des campagnes de discrédit contre les critiques et pour faire la promotion de son agenda politique, selon l’enquête du CPJ.

Il est ironique de voir que le même gouvernement qui a accordé l’asile à Julian Assange a poussé Palacio du journal El Universo à s’exiler aux États-Unis et est en train d’utiliser les médias au pouvoir de l’État pour discréditer César Ricaurte, directeur de Fundamedios et un des principaux défenseurs de la liberté d’expression du pays.

La communauté internationale ne doit pas se laisser abuser. Pendant l’Examen Périodique Universel des Nations Unies en mai, 17 États membres de l’ONU émirent plusieurs recommandations pour fortifier la liberté d’expression en triste état en Équateur. Le gouvernement répondit comme c’est son habitude quand on le critique, avec mépris. Le ministre des Affaires étrangères Ricardo Patiño attribua les critiques internationales à la « méconnaissance ».

Mais pendant que l’Équateur offre son appui à Julian Assange, un ferme et controversé défenseur de la libre circulation de l’information, il serait souhaitable que l’on commence à écouter les critiques, aussi bien au niveau national qu’international, et mettre un terme aux nombreuses restrictions qui empêchent la circulation de l’information dans le pays.

___
Traduit de l’espagnol.

[*] Carlos Lauria est originaire de Buenos Aires. Journaliste largement publié, il a beaucoup écrit pour Noticias, le plus grand magazine du monde hispanique et est coordinateur principal auprès du CPJ.

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  • Tout ceci est une opération de cirque médiatique de la part de Correa. Néammoins, je suis ravi que les gouvernements suédois et britanniques soient pris au dépourvu concernant Julian Assange.

  • Il me semble que le cas Palacio ne fait pas l’unanimité dans les leçons qu’il faut en tirer…

    Palacio a quand même accusé Correa de crime contre l’humanité, soit disant qu’il aurait ordonné de tirer sur des dizaines civils innocents en plein centre-ville de Quito, ce qui a été reconnu comme faux.

    Avant de le poursuivre en justice, Correa a demandé des excuses publiques à trois reprises à Palacio, sur plusieurs mois. Une fois la condamnation prononcée, l’opinion publique s’est insurgée pour la liberté de la presse et Correa a annulé la peine. L’exil de Palacio à Miami est une fuite lâche, il a perdu toute crédibilité avec ses mensonges et son manque de rigueur journalistique.

    Les organisations de défense des droits humains font bien de rappeler que la liberté d’expression est fragile et de veiller à ce qu’elle soit respectée. Mais il faut garder un recul sur les pratiques journalistiques en question – qui virent souvent au règlement de comptes mesquin sur fond de mauvaise foi idéologique.

    Par ailleurs, l’article est écrit par quelqu’un du CPJ, qui cite les sources de sa propre organisation: pas très convaincant. D’autres organisations de protection des droits (comme le Centre de défense des droits constitutionnels) ne portent pas le même jugement sur la situation équatorienne.

  • Le gouvernment équatorien a beau être socialiste, son pouvoir d’emmerdement est bien moindre que celui des USA. Même si c’est par pure manoeuvre politicienne, si tout celà peut permettre à un dissident de continuer d’exposer les horreurs que font les Etats, c’est tant mieux.

  • la presse de l’Équateur est plein de mensonges et pourri, pas menace comme on dit l’article. très loin de la réalité. Lisez bien et ne raconte pas des conneries.

    • je connais très bien l’équateur et je sais que l’article est en dessous de la réalité. si je comprends bien, pour vous quand la presse n’est pas d’accord avec la vérité socialiste c’est qu’elle ment et donc qu’elle doit être censurée.

  • Parait que ce gars obtint une licence (en quoi?) à l’université belge UCL (C pour catholique; enfin jadis …car depuis ça aurait glissé vers un mélange Verts-rougeoyant). Au passage, il épousa une belge (?). Puis – de retour au pays – s’établit au sein de la confrérie des Chavez – Castro – Morales et autres courants faisant songer à un retour des mouvance soviétiques sur l’Amérique du Sud !

    Le topo sur la situation du pays s’obtient notamment via :
    https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/ec.html
    Extrait : What is now Ecuador formed part of the northern Inca Empire until the Spanish conquest in 1533. Quito became a seat of Spanish colonial government in 1563 and part of the Viceroyalty of New Granada in 1717. The territories of the Viceroyalty – New Granada (Colombia), Venezuela, and Quito – gained their independence between 1819 and 1822 and formed a federation known as Gran Colombia. When Quito withdrew in 1830, the traditional name was changed in favor of the « Republic of the Equator. » Between 1904 and 1942, Ecuador lost territories in a series of conflicts with its neighbors. A border war with Peru that flared in 1995 was resolved in 1999. Although Ecuador marked 30 years of civilian governance in 2004, the period was marred by political instability. Protests in Quito contributed to the mid-term ouster of three of Ecuador’s last four democratically elected Presidents. In late 2008, voters approved a new constitution, Ecuador’s 20th since gaining independence. General elections, under the new constitutional framework, were held in April 2009, and voters re-elected President Rafael CORREA.
    …………………………………………………………………………………………
    20e Constitution en 180 ans d’existence : ça donne-t-il l’exact regard sur ce pays de 15 mio habitants spécialisé dans le passage de narco-trafics ? Bon pas simple et certainement pas démocratique !

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