Tournée à l’étranger : Romney est-il bon diplomate ?

Soucieux de soigner son image de chef de l’exécutif, Mitt Romney s’est rendu pendant six jours au Royaume-Uni, en Pologne et en Israël. Un exercice difficile, indispensable pour défaire Barack Obama, qui a beaucoup profité de l’enthousiasme de l’opinion étrangère.

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Tournée à l’étranger : Romney est-il bon diplomate ?

Publié le 20 août 2012
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Soucieux de soigner son image de chef de l’exécutif, Mitt Romney s’est rendu pendant six jours au Royaume-Uni, en Pologne et en Israël. Un exercice difficile, indispensable pour défaire Barack Obama, qui a beaucoup profité de l’enthousiasme de l’opinion étrangère.

Par Philippe Deswel.
Publié en collaboration avec l’Institut Coppet.

Mitt Romney et David Cameron.

Avant de visiter la Pologne et Israël, le séjour de Mitt Romney à Londres fin juillet n’est pas passé inaperçu. Il était d’abord venu rencontrer le Premier ministre britannique, David Cameron. Mais la tâche était moins évidente qu’on ne pourrait le croire : les relations entre les deux hommes sont souvent jugées délicates, alors que les dirigeants conservateurs britanniques et américains entretiennent des relations plutôt fraîches.

La fracture entre Tories et Républicains

David Cameron n’avait souhaité rencontrer aucun responsable républicain lors de sa visite à Washington au mois de mars, préférant centrer sa visite sur son hôte à la Maison Blanche, Barack Obama. L’occupant du 10, Downing Street ne cache pas son soutien au Président démocrate dans sa tentative de réélection et plusieurs tories partagent exactement la même ligne. Boris Johnson, le maire de Londres, avait ainsi affirmé son soutien à Barack Obama en 2008 contre son opposant républicain, John McCain. Son enthousiasme pour la personnalité de l’actuel Président américain ne semble pas se démentir. Au sein de l’état-major tory, Michael Gove, ministre de l’éducation, fait partie des rares membres qui se démarquent par un intérêt pour la ligne néo-conservatrice en matière d’affaires étrangères.

Quelle est la taille du fossé qui semble séparer conservateurs britanniques et américains ? Loin du temps de la célèbre alliance Thatcher-Reagan – qui comportait aussi, cela dit, certains points de tension ou de discorde – les partis tory et républicain semblent avancer dans des directions opposées. En matière d’économie, les Républicains veulent à la fois baisser les impôts et réduire les dépenses publiques, tandis que la politique d’austérité menée par le chancelier de l’Échiquier, George Osborne, se focalise sur les coupes budgétaires sans miser sur une réduction de la fiscalité. Côté politique de santé, les conservateurs défendent avec énergie le système de sécurité sociale anglais, le NHS, quand les Républicains entendent mettre fin à l’Obamacare et à la couverture de santé universelle au profit de solutions orientées vers le secteur privé. Sur les questions de société, David Cameron a fait état de son soutien au mariage entre membres du même sexe, alors que les Républicains sont dans une optique de défense de ce qu’ils appellent les valeurs traditionnelles.

Un voyage anglais fraîchement accueilli

Les Britanniques n’ont pas semblé accueillir la visite du candidat républicain à la présidentielle avec un grand enthousiasme. La couverture médiatique de l’événement a, y compris au sein d’un quotidien conservateur à grand tirage comme le Daily Telegraph, principalement porté sur le manque de conviction dans la relation transatlantique et les gaffes supposées de Mitt Romney. Évoquant les Jeux Olympiques, ce dernier a non seulement félicité ses hôtes pour leur organisation des Jeux avant qu’ils ne débutent, mais aussi pointé du doigt certains manques en matière de sécurité (faisant suite au scandale G4S, où l’armée a dû prendre la relève d’une firme de sécurité privée ne pouvant apporter le personnel nécessaire, à l’inverse de la logique de privatisation prévue initialement) ou de transports (scénario de surcharge sur le réseau de transports publics londonien). Un commentaire qui n’a pas été du goût de tout le monde.

Mitt Romney avait une voix d’autant plus forte sur ces questions qu’il a lui-même contribué à redresser les Jeux Olympiques d’hiver de Salt Lake City en 2002, dont l’organisation s’enlisait avant son arrivée dans des soupçons de corruption et une certaine inertie sur le plan local. Romney affirme aussi avoir rendu ces Jeux profitables, alors qu’il s’agit d’un type d’événement onéreux souvent redouté pour son coût d’organisation et l’incertitude des retombées économiques qu’il génère. Mais ces critiques ont été perçues au Royaume-Uni comme un manque de courtoisie et d’élégance du côté américain, alors que la tension était à son maximum pour savoir si le pays pourrait organiser les Jeux avec succès. David Cameron a affirmé que ce n’était pas la même chose d’organiser des J.O. à Londres ou « au milieu de nulle part » – comprendre dans l’Utah.

Sur un plan plus anecdotique, Ann Romney, l’épouse du candidat, était d’autant plus intéressée par les Jeux qu’elle a en sa possession un cheval de compétition, Rafalca, amené à prendre partie à des épreuves olympiques. Une histoire à même de relancer la polémique sur la fortune personnelle du couple Romney.

Le candidat républicain soigne les alliés de l’Amérique

De fait, l’objectif de la visite de Mitt Romney était d’augmenter son degré de visibilité sur la scène internationale tout en se rendant dans des pays considérés comme amis des États-Unis : Royaume-Uni, Pologne puis Israël.

En Angleterre, il entendait réaffirmer l’importance de la « relation spéciale » entre Amérique et Grande-Bretagne. Cette relation a été affaiblie dernièrement par le manque d’intérêt ouvert de Barack Obama et de son administration pour l’Europe, îles britanniques inclues, au profit de pôles émergents comme la Chine. C’était là qu’Hillary Clinton avait, par exemple, effectué son premier voyage de Secrétaire d’État. Un conseiller supposé de Mitt Romney a toutefois créé une polémique en déclarant sous couvert d’anonymat que « l’héritage anglo-saxon » devait être préservé et constituer un ferment d’alliance entre Amérique et Grande-Bretagne. Une vision disputée, et jugée trop exclusive, qui a choqué en Angleterre. Aussi, Romney a profité de ce voyage pour envoyer un signe à la communauté américaine implantée à la City de Londres, à travers un dîner de levée de fonds organisé dans un hôtel chic de la capitale.

En Pologne, le candidat républicain à la Maison-Blanche se rendait à la rencontre d’un peuple ami. Sorti avec succès de la transition du communisme à l’économie de marché, le pays se démarque au sein de l’Union Européenne par ses sympathies « atlantistes » et son soutien affiché aux États-Unis. En visite à Varsovie et Gdansk, Mitt Romney a notamment rencontré Lech Walesa, Prix Nobel de la Paix, ancien leader de Solidarność et ancien Président de la Pologne, qui lui a souhaité du « succès » dans ses entreprises politiques. Un symbole significatif, dans un moment où Romney a besoin de soutiens de poids à l’étranger pour asseoir sa crédibilité présidentielle. La relation entre la Pologne et l’Amérique s’était refroidie lorsque Barack Obama a abandonné les plans de bouclier anti-missile installé en Pologne que l’administration Bush soutenait avant lui.

Une visite en Israël controversée mais pourtant efficace

Enfin, visiter Israël était un moyen pour Mitt Romney d’affirmer le soutien fort traditionnellement donné par les Républicains à Tel Aviv, alors que Barack Obama fait preuve, depuis le début de sa présidence, d’un manque d’enthousiasme évident pour cette relation stratégique des États-Unis. Les relations du Président Obama avec Benyamin Netanyahou se sont dégradées au fil des ans, accentuant l’isolement d’Israël. Mitt Romney voit certainement, de ce fait, une opportunité pour le parti républicain de ramener vers lui une partie plus importante que de coutume de l’électorat juif, qui penche d’habitude très nettement pour les Démocrates. Sur un plan plus personnel, Benyamin Netanyahou présente la particularité d’avoir été un collègue de Romney, lors du bref passage de ce dernier au Boston Consulting Group avant qu’il ne rejoigne le cabinet Bain. [1]

Le candidat du GOP a néanmoins, selon plusieurs observateurs, commis une nouvelle « gaffe » en appelant Jérusalem la capitale d’Israël. Bien que ce soit le siège de la Knesset, le Parlement, et que de nombreux pays y maintiennent des activités consulaires, la capitale officielle du pays reste Tel Aviv. Faire de Jérusalem la capitale de l’État d’Israël est un projet des Israéliens qui restent contrariés par la dimension pluri-religieuse de cette ville et l’importance de sa communauté palestinienne. Simple erreur ou signe assumé, ce geste a été vu comme un signe supplémentaire de soutien à Israël de la part de Mitt Romney. Et a, semble-t-il, été bien accueilli par la communauté juive américaine.

En résumé, ce premier grand périple du candidat républicain sur la scène internationale a joui d’une couverture médiatique en demi-teinte. Les Britanniques se sont montrés d’une grande froideur à son endroit, pointant du doigt notamment certaines maladresses de langage et un manque de soutien ressenti aux organisateurs londoniens des Jeux Olympiques. Le fait d’affirmer que Jérusalem était la capitale d’Israël a été considéré comme une erreur factuelle. Mitt Romney a aussi eu une explication disputée des différences de développement entre territoires hébreux et palestiniens en Israël, en liant succès économique et facteur culturel.

Toutefois, le soutien ne disant pas son nom de Lech Walesa lors de son séjour en Pologne a été perçu comme un signe fort. Cette tournée diplomatique a pour partie réussie l’objectif de rehausser le profil international d’un candidat dont la priorité affichée reste le redressement de l’économie américaine. Ce séjour a aussi eu l’intérêt de montrer sur quels pays Mitt Romney pourrait s’appuyer pour redonner de la vigueur à des alliances parfois mises à mal par l’administration actuelle.

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Aurélien Duchêne est consultant géopolitique et défense et chroniqueur pour la chaîne LCI, et chargé d'études pour Euro Créative. Auteur de Russie : la prochaine surprise stratégique ? (2021, rééd. Librinova, 2022), il a précocement développé l’hypothèse d’une prochaine invasion de l’Ukraine par la Russie, à une période où ce risque n’était pas encore pris au sérieux dans le débat public. Grand entretien pour Contrepoints par Loup Viallet, rédacteur en chef.

 

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