Les systèmes à parité fixe : source de perturbations économiques majeures !

Les systèmes à parité fixes tels que l’euro sont un facteur de déstabilisation majeur des économies dès qu’il y a une rigidité sur les prix et des salaires.

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Les systèmes à parité fixe : source de perturbations économiques majeures !

Publié le 17 août 2012
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Les systèmes à parité fixes tels que l’euro sont un facteur de déstabilisation majeur des économies dès qu’il y a une rigidité sur les prix et des salaires.

Par Loïc Abadie.

Les derniers développements survenus sur la zone euro, ainsi qu’en Suisse, sont un excellent exemple des problèmes que peuvent créer les unions monétaires à parité fixe, dans un contexte où les salaires ne sont pas ajustables (c’est quasiment toujours le cas dans nos économies où la législation sociale rend le marché du travail très rigide).

Les problèmes se créent en plusieurs temps.

Pour les pays les moins compétitifs

1) Dans les pays membres de l’union monétaire, des écarts de compétitivité apparaissent pour diverses raisons (choix politiques, formation, investissements… etc.). Ces écarts font que les pays devenus les plus compétitifs exportent facilement leurs produits, et ont une balance des paiements courants excédentaire, alors que les moins compétitifs n’arrivent plus à exporter autant qu’ils importent, et présentent une balance des paiement courants devenant déficitaire.

2) Les pays déficitaires ne peuvent rétablir l’équilibre, puisque leurs salaires ne peuvent pas baisser à cause de la législation du travail, et que la parité fixe au sein de l’union monétaire ne permet pas non plus de rééquilibrer leur compétitivité par une dévaluation. Faute d’investisseurs étrangers, peu intéressés par l’idée d’investir dans un pays non attractif au niveau compétitivité, ces pays vont devoir emprunter de plus en plus pour maintenir leur train de vie. Cet endettement est d’abord le fait d’opérateurs privés (ménages et entreprises), puis l’État prend le relais pour subventionner le niveau de vie de ses citoyens et calmer leurs revendications par une politique de fuite en avant.

3) Les dettes s’accumulent, et les pays étrangers créditeurs cessent de faire confiance aux pays touchés. Par ailleurs, pour les pays débiteurs, le déséquilibre de compétitivité persiste à cause de la parité trop forte pour eux, et le chômage grimpe (les entreprises n’arrivent plus à vendre leurs produits face à la concurrence étrangère). Hausse du chômage qui ne fait qu’accentuer les déséquilibres, en obligeant les ménages et l’État à vivre encore plus à crédit pour maintenir l’illusion du niveau de vie d’avant-crise.

4) À cause de la perte de confiance, les États doivent engager des plans de rigueur pour tenter de récupérer la confiance des marchés. Les ménages voient leur niveau de vie chuter (moins de prestations sociales et de relances artificielles par la dette), mais le problème de fond (manque de compétitivité des entreprises à cause d’une parité trop forte) persiste. Il n’y a toujours pas de redressement parce que les entreprises ne peuvent pas produire les richesses réelles nécessaires à la relance de l’économie, et qu’il n’y a pas d’investisseurs étrangers intéressés. L’État, malgré les plans de rigueur engagés ne reçoit toujours pas assez de rentrées fiscales, et les déficits publics persistent.

La situation est au final bloquée jusqu’à ce que l’union monétaire implose.

Pour les pays compétitifs, à balance des paiements excédentaires : l’exemple de la Suisse

L’union monétaire (cas de l’Allemagne), ou les tentatives d’arrimage à une union monétaire (cas de la Suisse), est aussi à l’origine de gros problèmes pour les pays dits « forts », même si ceux-ci se voient plus tard.

La Suisse a ainsi décidé à l’automne 2011 d’arrimer sa monnaie à l’euro (1 euro = 1,20 CHF), pour défendre son industrie exportatrice touchée par la hausse du franc suisse. Pour cela, elle a gonflé son bilan à un rythme encore bien supérieur à celui de la Fed. ou de la BCE (rapporté à la taille de l’économie suisse), pour vendre des francs suisses et acheter des euros (principalement sous forme de bunds allemands). Les réserves en devises étrangères de la BNS sont passées de 236 milliards de francs suisses en mai 2012 à 406 milliards en août 2012, soit un rythme de hausse de 170 milliards par trimestre. Ces réserves s’élèvent déjà à plus de 70% du PIB Suisse, et si le rythme d’expansion actuel se maintient, elles pourraient dépasser les 100% du PIB avant la fin 2012, et les 200% à l’automne 2013 !

Réserves en devises étrangères de la B.N.S (graphique : forexfactory.com).

Quelles conséquences ?

En plus de l’inondation de liquidités associée à cette expansion du bilan de la banque centrale Suisse, si l’euro venait à disparaître, ou à subir une forte dévaluation, la BNS aurait alors à gérer la vente d’une montagne d’euros dévalués, ou se retrouverait dans le meilleur des cas à la tête d’une masse de bunds allemands libellés en marks, et affaiblis par l’exposition de l’Allemagne aux dettes souveraines d’Europe du Sud (rappelons que cette exposition, via les balances TARGET2, le système bancaire et les garanties allemandes au FESF atteint aujourd’hui plus de 50% du PIB Allemand).

Qui paiera au final l’ardoise ? Le contribuable suisse, qui devra recapitaliser sa banque nationale.

Conclusion

Nous le voyons à travers le cas de l’eurozone, les systèmes à parité fixes tels que l’euro sont un facteur de déstabilisation majeur des économies dès qu’il y a une rigidité sur les prix et des salaires  (ce qui est toujours le cas en pratique dans nos contrats de travail). Cette déstabilisation concerne l’ensemble des pays membres :

  • Les pays les moins compétitifs, qui voient leur endettement exploser à la suite de l’accumulation des déficits courants et de la perte de compétitivité de leurs entreprises.
  • Les pays les plus compétitifs, comme l’Allemagne, qui sont contraints de s’engager dans un modèle de croissance artificiel, en vendant leurs produits à crédit à des partenaires économiques devenant insolvables, avec pour résultat l’accumulation de créances douteuses qui finissent par mettre en danger l’ensemble de leur système bancaire et financier.

La Grèce en est aujourd’hui à sa 5ème année de crise, avec un recul du PIB qui dépasse maintenant 15% (graphique : tradingeconomics), un taux de chômage qui dépasse 23% de la population, et aucune perspective de sortie de crise (la balance des paiements restant lourdement déficitaire).

Rappelons enfin que pendant que la Grèce s’enfonce dans la crise année après année, étranglée par une devise trop forte pour elle, et que plusieurs autres pays d’Europe du Sud sont en train de la rejoindre, l’Argentine retrouvait la croissance un an seulement après sa décision de quitter le currency board (arrimage du peso argentin au dollar) et d’en revenir à sa monnaie nationale avec des changes flottants.

Voilà les raisons qui me font penser que l’euro est voué à disparaître d’ici quelques années tout au plus, au moins sous sa forme actuelle, mais aussi que la Suisse sera obligée de renoncer d’ici quelques mois à sa politique d’arrimage à l’euro. En attendant, je ne vois pas par quel miracle les problèmes de l’eurozone pourraient trouver une solution, vu que les déséquilibres des balances des paiements et des niveaux de compétitivité entre les différents pays persisteront tant que l’euro sera en place.

—-
Article initialement publié sur Objectif Eco le 15.08.2012.

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  • Ca c’est un super article.

  • Bonjour,

    Des problèmes de compétitivité peuvent subsister même en régime de change flottant. L’utilisation de la dévaluation et de l’inflation n’aident pas à résoudre un déficit de compétitivité. Cela masque le problème, spolie l’ensemble des épargnants et perturbe l’investissement sur le long terme. En régime de change flottant, la moins mauvaise politique consiste à se focaliser sur l’inflation et non pas la balance des paiements.

    Deplus dans votre article, vous faites comme si les rigidités salariales et du marché du travail étaient inaliénables. Dans le cas de la zone Euro, c’est certes un peu tard. Mais la bonne politique pour Athènes ou Madrid aurait été de mener des politiques de flexibilisation du marché de l’emploi avant de s’endetter. Ils auraient pu baisser les taxes, ouvrir des zones franches, développer les services (ce qu’ils ont fait) etc…

    Même le chômage qui résulte du déficit commercial aurait pu entraîner une déflation salariale interne s’ils avaient limité les allocations et les emplois publics.

    L’Euro a donné un répit à certains canard boiteux, ils ne l’ont pas utilisé et maintenant paient le prix fort.

    • « Mais la bonne politique pour Athènes ou Madrid aurait été de mener des politiques de flexibilisation du marché de l’emploi avant de s’endetter. Ils auraient pu baisser les taxes, ouvrir des zones franches, développer les services (ce qu’ils ont fait) etc…

      Même le chômage qui résulte du déficit commercial aurait pu entraîner une déflation salariale interne s’ils avaient limité les allocations et les emplois publics.

      L’Euro a donné un répit à certains canard boiteux, ils ne l’ont pas utilisé et maintenant paient le prix fort. »
      – C’est ce qu’on fait les allemands, non?
      Autant pour l’Allemagne, leur industrie étant spécifique à ce niveau, je comprend.
      Mais si le prix à payer pour avoir une monnaie forte est une déflation sur les salaires, je ne vois pas l’intérêt pour un pays comme la Grèce de garder une monnaie aussi forte par rapport à son économie.

      « Des problèmes de compétitivité peuvent subsister même en régime de change flottant. L’utilisation de la dévaluation et de l’inflation n’aident pas à résoudre un déficit de compétitivité. Cela masque le problème, spolie l’ensemble des épargnants et perturbe l’investissement sur le long terme. »
      – On a donc le choix entre inflation/dévaluation ayant peu d’influence sur les salaires à long terme (ceux ci seront renégocier progressivement) ou monnaie forte afin de privilégier l’épargne mais détruisant l’industrie (à cause des rigidités salariales certes, enfin en partie parce que ça dépend de l’industrie aussi)?
      Le tout dans des pays dont plus de 70% de la croissance provient de l’intérieur?

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