La main invisible de la plage

À la plage, l’interaction des différents intérêts particuliers dans la limite de certaines règles intuitives, produit un ordre qui n’a pas été décidé par un législateur et qui n’obéit à aucun dessein.

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La main invisible de la plage

Publié le 14 août 2012
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À la plage, l’interaction des différents intérêts particuliers dans la limite de certaines règles intuitives, produit un ordre qui n’a pas été décidé par un législateur et qui n’obéit à aucun dessein.

Par Alain Cohen-Dumouchel.

Photo flickR licence CC par Solea20

En écrivant un article ayant pour thème le déployé de serviette sur la plage, j’ai bien conscience d’offrir un angle d’attaque inespéré à tous ceux qui ponctuent mes billets de commentaires aussi imaginatifs que peu amènes.

Camarades, c’est vrai, je l’avoue, je suis déjà parti en vacances au bord de la mer, et même plusieurs fois de suite. Je complète cet outing en précisant que les faits se sont produits dans plusieurs pays différents et notamment, mais pas seulement, tout autour du bassin méditerranéen. Cet aveu devrait entrainer pour certains, une bourdivine excommunication : « D’où parles-tu ? Es-tu ouvrier, travailleur social, chômeur en fin de droits, immigré en situation irrégulière ? »

Non, je suis à la plage, mais je vais quand même vous soumettre cette courte réflexion sur la façon dont les vacanciers disposent leurs serviettes sur ces étendues sableuses que l’administration n’a toujours pas songé à strictement réglementer.

Quelques serviettes sur la plage

Photo flickR licence CC par Felix Guzman

Premier cas de figure : vous arrivez sur une crique déserte. Vous choisissez évidemment le meilleur coin, celui où l’eau est claire, le sable le plus blanc et vous posez vos affaires.  Ce qui se passe alors est très clairement l’auto-attribution d’une propriété temporaire. Vous avez le sentiment justifié d’être le propriétaire de votre emplacement. Vous n’avez rien payé mais vous éprouvez le droit de conserver la zone sous votre contrôle privatif, c’est-à-dire en en excluant les autres. Si une famille venait à se présenter sur la crique, il est clair qu’elle ne pourrait pas s’installer à votre emplacement, et non seulement ça, mais elle devrait respecter une certaine distance pour placer ses affaires. Si les nouveaux arrivants se collaient à vous cela serait ressenti comme sans gène voire un tantinet agressif. Que les insupportables marmots des voisins viennent projeter du sable sur votre serviette et  ils seront reçus soit avec une franche hostilité soit avec un sourire crispé : « allez jouer plus loin les enfants ! » On a bien là l’expression d’un « droit de » propriété, qui est profondément ancré dans la nature humaine et qui n’a jamais été accordé par personne, ni par un « chef de plage », ni par la législation.

Densité moyenne de serviettes

Photo flickR licence CC par sirifoto

Dans le deuxième cas de figure, la plage se remplit et la zone privative entourant chaque occupant se réduit. Votre intérêt en tant que nouvel arrivant consiste à vous placer dans un endroit relativement dégagé. Vous cherchez donc un « trou ». En faisant cela vous modifiez la distance minimum d’implantation acceptable par vos voisins. Il devient de plus en plus difficile de râler si quelqu’un se rapproche car il en a tacitement le droit.

Il existe une multitude d’autres règles qui s’appliquent aux différents cas schématisés ici. Par exemple dans notre deuxième cas, un homme mur dans la force de l’âge évitera de placer sa serviette entre deux groupes de jeunes filles. L’emplacement est implicitement « réservé » à un groupe de garçons du même âge. Autre exemple, s’il y a des algues dans l’eau à un endroit de la plage mais pas à un autre, il est tacitement admis que la densité de serviettes sera plus forte en face de la zone dégagée. Le fait de s’installer là, au lieu d’aller occuper un emplacement plus vaste ailleurs sera toléré.

Les serviettes se touchent

Photo flickR licence CC par notarim

Le troisième cas de figure, c’est la plage de Juan-les-pins le 15 août. Densité maximum avec des règles légèrement modifiées et étendues par rapport aux situations précédentes. La zone de propriété privée reste clairement la serviette mais ces dernières en viennent à se toucher. Il n’y a pratiquement plus d’espace disponible, c’est-à-dire de sable visible, sauf celui qu’une famille ou un groupe se sera réservé à l’intérieur de l’espace délimité par ses propres serviettes. Les anciens propriétaires, ceux qui sont arrivés tôt le matin parce-qu’ils-n’ont-pas-passé-la-nuit-en-boite, eux, disposent d’un espace vital supérieur aux autres. Il ne peut plus y avoir de nouvel arrivant sauf  à se faire céder un emplacement privatif par un groupe connu ou à guetter un départ.

Il y a aussi des règles assez complexes de non enclavement. Tout groupe de serviettes doit pouvoir accéder à la mer et sortir de la plage. Si les propriétés se touchent au sens propre, il en résultera des « droits de passage », qui permettront à un vacancier de piétiner le bord, attention, pas le centre, des serviettes situées sur le chemin de la baignade ou vers la sortie.

Règles tacites, ordre spontané

Le propre de toutes ces règles, comme du sentiment de propriété, c’est qu’elles n’ont jamais été écrites ou décrétées par personne. C’est un cas d’école d’un ordre spontané libéral particulièrement efficace et, on le remarquera, assez égalitaire dans ce cas précis.

L’interaction des différents intérêts particuliers dans la limite de certaines règles intuitives, produit un ordre qui n’a pas été décidé par un législateur et qui n’obéit à aucun dessein.  C’est en quelque sorte, « la main invisible de la plage ».

—-
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  • c’est exactement ce qui s’est passé pour la première interdiction de fumer en suisse,comme quoi quand on veut vraiment mettre des gens au chomage ou les priver d’un plaisir quelconque même estival,les hygiénistes eugénistes sont prêts à tout ,de vrais empécheurs de tourner en rond.Des illuminés qui entendent des voix comme Jeanne d’Arc

  • Il s’agit tout bonnement de respect et de savoirvivrensemble.

    • Comme quoi le droit de propriété est uniquement cela, permettre le vivre ensemble, rien d’autre, le libéralisme est la philosophie de la vie en société.

  • Tiens c’est marrant je m’étais fait cette réflexion ces derniers temps a la plage, la manière dont les gens se placent et se comportent vis-a-vis de leurs voisins sur une plage. On est face à un vrai ordre spontané sans règles écrites mais parfaitement admises par le bon sens. Mais méfiance, les communes peuvent toujours être inspirées a mettre en place des emplacements sur la plage. A quand leur complète privatisation d’ailleurs?

  • ce sont les mêmes qui après la guerre enfermaient des enfants de parents divorcés,obligeant alors les grands parents ou des membres de la famille à les cloitrer le temps qu’ils aient accompli avec la complicité de l’extrême droite leur sale besogne qui a marqué bien des esprits d’enfants et qui n’ont jamais parlé jusqu’en 2000

  • Excellent post, cher Alain, j’ai adoré.

  • ouf l’initiative anti tabac a échoué,la Berne fédérale a mis son veto ,heureusement aussi pour tous les frontaliers Français qui travaillent chez nous ,l’industrie du tabac offre des places d’emplois qui ne sont pas négligeables non plus.

  • Tout ça a été étudié quand même. Et, a priori, s’il y a des fonctionnements qu’on retrouve à peu près dans toutes les organisations collectives ce n’est pas le cas pour les serviettes. A certains endroits par exemple l’interaction est implicitement recherchée par tout le monde, et les inconnus qui se retrouvent dans un espace ouvert s’organisent aussitôt en communauté resserrée: les serviettes s’organisent en groupe, il n’y a pas d’occupation maximale de l’espace et les endroits vides ne sont pas considérés comme souhaitables. En Europe il n’est évidemment pas question qu’un inconnu vienne vous importuner pour vous échanger sa serviette contre une bouteille d’eau ou inversement… dans d’autres lieux ne pas respecter certains de ces genres de rite d’interaction (comme le troc, qui est un rite pour le coup beaucoup plus généralisé) entraine tout simplement qu’on se fasse tuer.
    Pour la propriété elle-même il y a bien des ethnies qui l’organisent d’une autre manière que nous. Nous sommes conditionnés dans un système social pour reconnaitre ces rites et y répondre correctement sans même nous en rendre compte. Les comportements déviants sont considérés comme irrespectueux, parfois comme étant un manque d’éducation (cela arrive souvent quand on va dans des pays lointains, et est toléré si on reste discret mais ça n’empêche pas un certain mépris des indigènes, ou parfois une arme de séduction, ça dépend) ou dans certains cas comme de la folie.

    Dans la recherche de propriété temporaire (et le « temporaire » n’est pas accessoire ici) on peut identifier un certain nombre de motivations disjointes et même parfois concurrentes rattachées à la gestion de contraintes matérielles (l’une des 3 caractéristiques de la matérialité étant que 2 choses ne peuvent pas être au même endroit en même temps). Si la propriété par exemple structure l’organisation collective des moyens de gestion de ces contraintes, il y en a d’autres, comme le partage. Je ne dis pas que l’une est meilleure que l’autre ou inversement, mais que ce qui nous apparait comme allant de soi est souvent le résultat d’une organisation sociale. En fait le plus souvent les diverses solutions s’articulent les unes avec les autres (dans l’exemple des serviettes, une articulation possible peut être une distribution équidistante plus ou moins pondérée par la distance au rivage, la population des groupes…).

  • Du fric+le cul=les libéraux

  • L’article traite uniquement d’un espace non organisé. La plage organisée est moins intéressante pour notre étude.

    Attention de ne pas confondre privé et organisé. Les constatations de l’article peuvent s’appliquer à la pelouse d’une piscine privée ouverte au public.

  • Encore du grand n’importe quoi.

    C’est marrant moi j’ai constaté l’inverse il y a peu. Une femme dans un solarium partie nagée a laissé sa serviette sur son transat. Une autre arrive et après quelque temps décide de prendre ce même transat. La première femme revient… Qui a raison?

    Le lien avec la propriété est complètement tordu. Faudrait il remettre en cause la propriété tous les soirs )à la tombée du soleil? Puis la conditionner à nouveau chaque matin en fonction du premier arrivé premier servi? Pas de problème mais ça n’est plus de la propriété. Bref n’importe quoi

  • Ce genre de théorie me saoule. Nous savons tous que l’humain est ėgoiste. Rien ne sert å décrire des situations qui nous traumatise Mais, bon, Il faut bien écrire que chose !!!

  • Les commentaires sont fermés.

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