Le harcèlement moral échappe au contrôle de constitutionnalité

Si la loi punissant le harcèlement sexuel a été déclaré inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel, dans une décision du 4 mai 2012, la notion de harcèlement moral, en revanche, restera inchangée, la Cour de cassation ayant refusé de transmettre la QPC au Conseil.

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Le harcèlement moral échappe au contrôle de constitutionnalité

Publié le 19 juillet 2012
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Si la loi punissant le harcèlement sexuel a été déclaré inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel, dans une décision du 4 mai 2012, la notion de harcèlement moral, en revanche, restera inchangée, la Cour de cassation ayant refusé de transmettre la QPC au Conseil.

Par Roseline Letteron.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation vient, dans une décision du 11 juillet 2012, de mettre fin aux espoirs de ceux qui souhaitaient  réunir dans une sorte de « pack » d’inconstitutionnalité les délits de harcèlements sexuel et moral. La loi punissant le harcèlement sexuel a effectivement été déclaré inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel, dans une décision du 4 mai 2012, et a déjà donné lieu à un projet de loi, proposant une nouvelle rédaction aussi floue que la première. La notion de harcèlement moral, en revanche, restera inchangée, la Cour de cassation ayant refusé de transmettre la QPC au Conseil.

Le harcèlement moral, élément de la relation de travail

Le harcèlement moral est défini par l‘article 222-33-2 du code pénal qui punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Il a également été introduit dans le code du travail par la loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, qui reprend la même formulation. Le harcèlement moral est devenu un élément-clé des relations de travail, souvent invoqué devant le juge du contrat de travail, mais aussi devant le juge pénal.

Le harcèlement moral, politique de l’entreprise

Charles Chaplin. Les Temps Modernes. 1936.

On voit aujourd’hui se développer une nouvelle forme de harcèlement moral, mis en œuvre non par un individu isolé, mais par une entreprise qui veut provoquer le départ de ses salariés. L’ex PDG de France-Telecom, Didier Lombard, a été mis en examen sur ce fondement, soupçonné d’avoir fait du harcèlement moral l’objet d’une politique de relations « humaines » dans l’entreprise. Cette évolution montre que cette infraction, qui a donné lieu à une jurisprudence abondante, peut être utilisée dans des cas très divers. Le juge a  ainsi  peu à peu élargi son champ d’application et assoupli les règles d’administration de la preuve.

À ce titre, le harcèlement moral s’oppose au harcèlement sexuel, peu invoqué, sans doute parce qu’il est extrêmement difficile d’en apporter la preuve.

Des dispositions déjà examinées par le Conseil

La Chambre criminelle fonde son refus de transmission de la QPC sur le fait que les dispositions relatives au harcèlement moral ont déjà été déclarées conformes à la Constitution, dans la décision du 12 janvier 2002 rendue par le Conseil constitutionnel, précisément sur la loi de modernisation sociale. Aucun élément ne permet d’envisager un changement de circonstances de fait ou de droit depuis cette décision, qui justifierait un nouvel examen par le Conseil constitutionnel. La Cour refuse donc de considérer que l’intervention de la décision sur le harcèlement sexuel constituait un changement de circonstances de droit, et récuse également l’amalgame de plus en plus fréquent réalisé entre les deux formes de harcèlement.

Invoquant ce précédent examen, la Chambre criminelle aurait pu déclarer tout simplement irrecevable la demande de transmission de la QPC, et arrêter là son analyse.

Quelques précisions en forme d’avertissement

Elle offre cependant quelques précisions supplémentaires, en mentionnant que la définition du harcèlement moral n’est pas floue, et qu’elle ne saurait donc être sanctionnée pour manquement au principe de légalité des délits et des peines, garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La Cour rappelle que « les faits commis doivent présenter un caractère répété et avoir pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail (…) ». Le harcèlement moral est donc défini à travers les conséquences de l’acte sur la situation de la victime, sur sa dignité et sur sa santé notamment. Tel n’était pas le cas pour le harcèlement sexuel, dont la définition était réduite à son objet, qui est « d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ». Les conséquences sur la situation de la victime n’étaient pas évoquées, pas plus d’ailleurs que le caractère répétitif de ce comportement.

Sur ce dernier point, on ne peut s’empêcher de considérer que la décision de la Cour comporte une certaine forme d’avertissement pour le législateur. En insistant sur le caractère répétitif du harcèlement, elle stigmatise, en creux, la définition du harcèlement sexuel figurant dans le projet de loi actuellement débattu au parlement. Ne s’agit-il pas, en effet, de considérer comme du « harcèlement » un acte isolé ?

Le harcèlement moral n’a rien à voir avec le harcèlement sexuel, affirme la Cour de cassation. Elle laisse cependant entendre qu’étant mieux rédigé et mieux interprété, il pourrait servir de référence à ceux qui cherchent une définition opératoire pour le délit de harcèlement sexuel.

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