Elinor Ostrom, Prix Nobel d’économie (1933-2012)

Elinor Ostrom a démontré qu’une gestion efficace et durable de biens communs peut fonctionner si des règles informelles existent.

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Elinor Ostrom lors de la remise du Prix Nobel d'économie (Crédits Holger Motzkau, licence Creative Commons)

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Elinor Ostrom, Prix Nobel d’économie (1933-2012)

Publié le 15 juillet 2012
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Elinor Ostrom a démontré qu’une gestion efficace et durable de biens communs peut fonctionner si des règles informelles existent.

Par Alex Korbel, depuis Bruxelles, Belgique.

 

Une grande partie de ce que fait l’État est justifié par l’idée selon laquelle les gens ne peuvent pas faire les choses par eux-mêmes. L’État doit donc le faire pour eux : il intervient.

Le résultat de cette intervention est souvent un système bancal, rapidement inefficace, mal financé et où tout choix et toute diversité de solution disparaissent malgré les besoins différents des personnes.

En France, le résultat critiquable de l’intervention de l’État dans l’instruction des enfants, l’assurance maladie ou l’épargne retraite vient immédiatement à l’esprit.

Bien sûr, les échecs qui en résultent ne sont jamais reprochés à l’État : au contraire, celui-ci explique alors bientôt qu’ils sont apparus parce que son intervention n’était pas assez absolue.

 

Elinor Ostrom, première femme à avoir reçu le prix Nobel d’économie

L’économiste Elinor Ostrom est décédée le 12 juin 2012. Elle avait reçu en 2009 le prix Nobel d’économie pour ses travaux innovants.

Elinor Ostrom s’est penchée sur la manière dont les personnes résolvent un des problèmes les plus épineux : la gestion efficace d’une ressource commune, comme par exemple une prairie, une forêt, une rivière ou une pêcherie.

 

La tragédie des biens communs…

Dans ce type de biens collectifs, chaque individu a une incitation à tirer le maximum de la ressource commune sans jamais participer à son entretien ou son renouvellement. Il existe une forte incitation au resquillage : tous les individus sont incités à utiliser la ressource au maximum et n’ont aucune incitation à investir afin de l’améliorer ou de la perpétuer.

Si je pêche du poisson au sein d’une pêcherie, c’est-à-dire une zone de pêche qui n’appartient à personne, je m’approprie complètement ces poissons. Mais si je réalise un investissement pour augmenter le nombre futur de poissons dans cette zone (changer de filets pour en élargir le maillage, épandre des nutriments pour nourrir et attirer les poissons, etc.), d’autres que moi profiteront aussi de mes efforts. Pourquoi devrais-je donc risquer de faire cet investissement si d’autres qui ne font rien en tireront aussi le bénéfice ?

Je vais plutôt attendre que d’autres réalisent cet investissement. Mais si tout le monde fait le même calcul, la communauté se retrouverait à terme avec une ressource épuisée : une prairie surexploitée où plus rien ne pousse, une pêcherie où tous les poissons ont été pêchés. C’est ce que les économistes appellent la tragédie des biens communs.

 

… ou pas

Mais Elinor Ostrom a montré que cette tragédie ne se réalise pas sous certaines conditions. Elle a démontré en divers endroits à travers le monde qu’une gestion efficace et durable de biens communs peut fonctionner si des règles informelles existent.

Alors que la plupart des hommes d’État, confrontés à la gestion inefficace d’une ressource commune, s’orientent vers la privatisation ou la nationalisation de cette ressource, Elinor Ostrom a trouvé des exemples fructueux d’une troisième voie sous la forme de systèmes autogérés d’action collective. Il s’avère que les personnes libres ne sont pas aussi impuissantes que les théoriciens l’ont cru.

Des études de terrain dans toutes les régions du monde ont constaté que des groupes locaux d’utilisateurs de ressources ont créé une grande diversité d’arrangements institutionnels rendant possible et soutenable l’exploitation de ressources communes de manière coopérative.

Elinor Ostrom a par exemple étudié l’autogestion réussie de systèmes d’irrigation au Népal. Les systèmes d’irrigation créés et gérés par les agriculteurs eux-mêmes sont en moyenne en meilleur état et ont une plus grande productivité agricole que ceux réalisés et gérés par une agence de l’État. En fonction de leurs particularités géographiques et culturelles, les agriculteurs ont élaboré leurs propres règles, compensant les effets pervers relatifs à la tragédie des biens communs.

Ces règles qui peuvent être presque invisibles pour l’observateur extérieur sont souvent les suivantes :

  • Des limites clairement définies et l’exclusion effective des acteurs ne prenant pas part à cette coopération ;
  • Une prise de décision collective qui inclut les parties prenantes à cette ressource ;
  • Des surveillants (utilisateurs eux-mêmes) chargés de rendre des comptes aux agriculteurs ;
  • L’application de sanctions pour ceux abusant de la ressource ;
  • Des systèmes d’arbitrage peu dispendieux pour la résolution de conflits ;
  • La reconnaissance de ce droit communautaire par les autorités étatiques.

 

Coopération versus domination

On parle ici d’une coopération entre personnes privées pour l’exploitation commune d’une ressource dans un cadre limité. Dans son ouvrage Governing the Commons, elle explique ainsi le fonctionnement de villages japonais combinant propriété privée des champs et autogestion des forêts.

Certains commentateurs considèrent que les travaux d’Elinor Ostrom sont autant une critique de l’économie de marché qu’une charge contre l’économie étatique. Mais ces commentateurs ne comprennent pas qu’il s’agit de libre coopération entre personnes pour créer, développer et arbitrer une ressource commune.

Reste que ce type de coopération a toute sa place dans la société libérale car la ressource est divisée en unités privées et repose sur la libre coopération entre les personnes. Il permet d’éviter la tragédie des communs propre à la gestion publique des ressources.

Publié le 4 juillet 2012 sur 24hgold.com

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