Obamacare, victoire à la Pyrrhus

La Cour Suprême Américaine vient de « valider » la réforme de santé promulguée par Obama en début de mandat. Est-ce vraiment une victoire ?

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Obamacare, victoire à la Pyrrhus

Publié le 30 juin 2012
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La nouvelle est célébrée comme il se doit par tous les médias européens : la Cour suprême américaine vient de « valider » l’Obamacare, la réforme de santé promulguée par Barack Obama en début de mandat. Joie et félicité ! Obama est triomphant ! Victoire !

Par Stéphane Montabert.

ObamacareSupporters.jpgEntre deux lancers de cotillons, le fêtard pourra tout de même se poser la question : qu’est-ce que la Cour suprême vient faire là-dedans ? Et puis, s’éloignant pour creuser un peu plus profondément la question (ce qui n’est jamais bon pour l’ambiance de fête) il pourrait réaliser que le verdict de la Cour suprême a tout du baiser empoisonné. Voire, qu’il risque d’enfoncer les chances de réélection du président démocrate en novembre…

Les oppositions au projet ont été innombrables depuis sa conception et ont porté sur de multiples aspects du texte. La Cour suprême a été amenée à se prononcer sur la constitutionnalité du projet parce qu’elle a été saisie par les procureurs généraux de pas moins de vingt-neuf États américains opposés à la réforme !

Leur objection ? L’Obamacare (de son vrai nom le Patient Protection and Affordable Care Act ou PPACA), monstre législatif de 2700 pages, obligerait les Américains non couverts par une assurance maladie liée à leur employeur ou à un mécanisme gouvernemental existant à souscrire à une assurance maladie privée, sous peine d’amende. Or, cette disposition est contraire à la Constitution des États-Unis par au moins deux aspects :

  • elle octroie à l’État fédéral une nouvelle prérogative en matière de santé publique. Cependant, le Dixième Amendement stipule que seules les dispositions explicites de la Constitution dépendent du gouvernement fédéral. L’assurance maladie n’en fait clairement pas partie. Si des mécanismes de santé publique peuvent être mis en place dans un État ou un autre – comme ne s’est pas privé de le faire le très républicain Mitt Romney au Massachusetts – de tels sujets ne sont pas du ressort du gouvernement de Washington.

supreme-court-2011.jpgCes réserves ne sont pas théoriques. Elles ont amené plusieurs cours de justice intermédiaires à décréter inconstitutionnelle la réforme de la santé. De recours en recours, l’affaire a naturellement été portée au-devant de la Cour Suprême, qui vient de valider le projet à travers un vote 5-4 très disputé. Mais contrairement à ce qu’affirment les médias, la Cour suprême n’a pas validé Obamacare en totalité : la partie de la loi qui donnait accès au programme Medicaid à des millions de gens pas assez pauvres pour l’avoir actuellement mais incapables de se payer une assurance a été abrogée. Quant à la constitutionnalité de la réforme, la Cour a estimé qu’Obamacare pouvait être légale dans la mesure où il s’agirait d’une… taxe.

Voilà qui vient quelque peut contredire la communication de Barack Obama et de son camp, qui prétendent depuis le début que la réforme n’est pas une taxe – en plus d’avoir clamé qu’impôts et prélèvements n’augmenteraient pas, bien entendu.

Et cet aspect des conclusions de la Cour suprême va singulièrement compliquer les affaires du président sortant.

Si plus aucun obstacle juridique ne s’oppose à la réforme, ses principaux effets se déploieront dès 2014. À cette date, des millions d’Américains devront souscrire à une assurance maladie obligatoire. Et non seulement la vente forcée est très mal vue aux États-Unis, pays où la responsabilité individuelle n’est pas un vain mot, mais les Américains se rendront très vite compte qu’ils ne sont pas assez pauvres pour bénéficier du système payé par la collectivité, et qu’un mécanisme acceptant n’importe quel client à un tarif unique au nom de la solidarité ne peut que s’effondrer sous son propre poids (la classe moyenne suisse fait l’expérience didactique de cet étranglement progressif depuis 1996 et la mise en place de la LAMal par la gauche.)

Sans même parier sur l’évidente dérive financière du système, la pilule sera dure à avaler, et ce dès la première année. Selon les chiffres avancés par Le Figaro, le coût pour la couverture de 70 % des frais médicaux serait estimé à 5200 dollars par individu et par an, 14 100 dollars par famille. Dans un pays où les salariés sont habituellement couverts par le biais de leur employeur, ces primes frapperont de plein fouet les Américains au chômage – au moment même où celui-ci est historiquement élevé.

Pas sûr que ces gens-là auront très envie de glisser à nouveau un bulletin Obama dans les urnes en novembre.

romney-obamacare.jpgCar c’est le deuxième écueil sur lequel vient de se fracasser la réforme de la santé : en validant sous certaines réserves sa légalité, la Cour suprême vient de déplacer l’opposition contre Obamacare du terrain constitutionnel au terrain politique. Mitt Romney ne s’y est pas trompé. Le candidat républicain à l’élection présidentielle de novembre a ainsi déclaré que sa première mesure en tant que président élu serait d’abroger la réforme.

Peut-être ne s’agit-il que de rhétorique de campagne, mais le fait est là : la réforme Obamacare a été électoralement désastreuse pour les démocrates. Poussée au forceps dans les chambres du Congrès selon un clivage partisan, elle a mené le parti à la déroute dans les élections de mi-mandat jusque dans ses fiefs historiques.

Si Barack Obama a été porté au pouvoir en 2008 par une foule enthousiaste, ce n’était vraisemblablement pas à cause de ses projets de refonte de la couverture de santé. Des années après le début des travaux, Obamacare reste impopulaire auprès d’une majorité d’Américains. Le président sortant devra garder cela à l’esprit alors même que les principales mesures de son projet ne sont pas encore entrées en vigueur.

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  • Pour préciser : ce n’est pas la souscription obligatoire à une assurance qui est assimilée à une taxe par la cour, mais l’amende à payer en cas de non souscription.

  • C’est dingue, cette loi. On va donc contraindre 30M d’Américains à s’assurer et ne plus pouvoir financer ce que cette économie permettait, comme manger, se loger, investir dans son entreprise, payer les études de fiston…
    Et en plus, comme c’est obligatoire, on va donc avoir une explosion du prix…

  • Quelqu’un peut-il m’expliquer comment serait financé les dépenses de santé si l’assurance n’était pas obligatoire ?
    Que fait-on si une personne n’a pas d’assurance qui couvre par exemple un cancer ou une opération à coeur ouvert ?
    Ou se fait-il soigner, qui paye ?
    Merci de vos arguments (j’en manque parfois quand je débats avec mon entourage) .

    • Et c’est là qu’entre en jeu la Charité. C’est un concept différent, lunaire pour tout dire, mais qui a fait ses preuves de par le monde dans des proportions insoupçonnées pour toute personne nourrie aux mamelles étatiques.

    • « Que fait-on si une personne n’a pas d’assurance qui couvre par exemple un cancer ou une opération à coeur ouvert ? »
      ——————–
      Solution 1 : elle évite d’être anti-sociale et de chier sur ses proches
      Solution 2 : elle s’inscrit à une fraternité

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