Les libéraux peuvent-ils gober l’hameçon de la droitisation ?

La plus belle preuve que cette histoire de droitisation est louche, c’est qu’on n’a jamais entendu personne parler de la « gauchisation » du parti socialiste.

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Les libéraux peuvent-ils gober l’hameçon de la droitisation ?

Publié le 19 juin 2012
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La plus belle preuve que cette histoire de droitisation est louche, c’est qu’on n’a jamais entendu personne parler de la « gauchisation » du parti socialiste.

Par Marc Crapez.

UMPContrairement à ce que dit le PS, pour l’UMP la question n’est pas de préférer le FN au PS, mais de refuser de considérer comme allant de soi les alliances du PS avec l’extrême-gauche. En effet, tandis que le discours du FN a baissé d’un cran, celui de Jean-Luc Mélenchon en a franchi un par rapport aux communistes d’hier.

« La plupart des commentateurs s’accordent à dire que la droite parlementaire est engagée dans un processus de droitisation », affirme un libéral. Ce propos se laisse dicter son vocabulaire par la gauche. En réalité, la droite est forcément parlementaire. Il n’y a pas une droite parlementaire et une droite factieuse. Il y a une droite tout court et une extrême-droite qui se revendique comme un mouvement populiste.

Ce propos use également d’un argument d’autorité que les libéraux doivent récuser. Ce n’est pas parce que la plupart des commentateurs s’accordent à dire quelque chose que cela constitue une vérité. A moins d’admettre que le keynésianisme de Roosevelt a sauvé l’Amérique de la crise de 1929, ou que la crise de 2008 est due aux ultra-libéraux.

Ce n’est pas parce que cette dernière proposition est assénée par la plupart des commentateurs, en l’occurrence de gauche ou sous la coupe de la gauche, qu’elle est exacte. Elle est même absurde, sachant la posture archi-minoritaire qu’occupent les ultra-libéraux dans les sphères du pouvoir politique, économique ou intellectuel.

Les orthodoxes ne couvrent quand même pas tout le champ !

Une anecdote illustre ce fantasme de la toute-puissance, dans le champ académique, des économistes libéraux, dits orthodoxes par les altermondialistes. Un interviewer, pourtant favorable, d’un universitaire d’extrême-gauche ne put s’empêcher de lui objecter avec scepticisme : « les orthodoxes ne couvrent quand même pas tout le champ ! ».

Que l’extrême-gauche ait des visions sur l’influence des ultra-libéraux montre bien à quel point elle peut en avoir également sur l’influence de l’extrême-droite dans la vie politique française. Raymond Aron savait cela, qui fonda la revue Contrepoint pour résister à la déferlante des idéologies de 68. Et on pourrait multiplier les exemples de parti-pris des commentateurs actuels. Ils sont plus cléments envers l’extrémiste Hugo Chavez qu’envers le président tchèque, un libéral qui les insupporte à cause de son euroscepticisme. Ces partis-pris renseignent davantage sur la partialité des commentateurs français que sur la réalité dont ils prétendent rendre compte.

Constamment caricaturés comme des irresponsables fourriers de la loi de la jungle, les libéraux sont tentés de se rendre à Canossa, de faire amende honorable, de montrer patte blanche aux commentateurs, de hurler avec les loups en faisant de la droite une coupable toute trouvée et de crier haro sur le baudet d’extrême-droite. A l’inverse, il leur arrive de penser qu’il y a systématiquement anguille sous roche et qu’il faudrait se servir d’un vote Front national pour secouer le cocotier des préjugés établis. Ils sont ainsi pris en tenailles entre tentations bayrouiste et lepéniste.

François Bayrou, lui, souffre du syndrome de la « stirnisation », du nom du politicien des années 1970 Olivier Stirn, rare cas de dérive de droite vers la gauche, autrement appelé sinistrisation. Les libéraux qui ont joué la carte électorale du bayrouisme en sont pour leurs frais. Ils ont parié sur celui-ci pour échapper à la ghettoïsation, et voilà qu’il les mène dans l’impasse de scores folkloriques aux législatives. La tentation est donc grande, comme chez les chiraquiens, de désigner un bouc émissaire nommé droitisation de l’UMP au détriment des idées libérales.


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  • Puisque vous me faites l’honneur de me citer, permettez-moi de préciser que c’est un fait que « la plupart des commentateurs » ont observé une droitisation de l’U.M.P. Pour autant, je n’ai nullement dit que je partageais cet avis. Bien au contraire. Adopter les thèses du F.N., c’est épouser ses thèses anti-libérales à la sauce N.P.A.

    • C’est un peu facile. Vous partagiez l’avis des clichés de langage imposés par l’extrême-gauche comme « porosité » ou « tentation d’alliance ». Vous preniez le contrepied, entre autres, de mes articles « Pourquoi la droite est dominée » et « La recomposition de la droite n’est pas pour demain ».
      Quand vous dites maintenant qu’il est un fait que « la plupart des commentateurs ont observé une droitisation », c’est au pied de la lettre presque doublement inexact. Ce ne sont pas la plupart, ce sont la quasi-totalité, je suis l’un des seuls. D’autre part, ils ne l’ont pas observé, ils l’ont cru, fantasmé ou affabulé.

      • Pourquoi les gens qui ne sont pas de votre avis sont-il contaminés par la gauche ? un peu facile on dirait un argument de Mélanchon auquel on ne peut pas répondre.
        La droitisation est une réalité, la preuve es le score au second tour des législative avec la fuite des centristes (électeurs) et la raclé des candidat droite populaire et Morano.
        Le droite Francaise de droitise sur les valeurs et n’a plus de programme économique … (beaucoup d’étatise, un peu de libéralisme et beaucoup de clientélisme).
        Mais bon de toute façon elle reviendra au pouvoir avec ou sans programme dans 5 ans… l’alternance.

        • En quoi est-ce un mal que la Droite se droitise ? Il faudrait une droite de gauche ou une droite du centre ?

          Cette histoire de droitisation est complètement bidon, on disait déjà cela de Sarko en 2007 (ce qui ne l’a pas empêché d’être largement élu) et s’il perd en 2012 c’est justement faute d’avoir appliqué cette partie de son programme (controle de l’immigration, lutte contre l’insécurité)

          Le problème de la Droite populaire, c’est justement que l’électorat populaire ne se mobilise pas pour des législatives où la gauche est de toutes façons assurée de l’emporter. On le voit d’ailleurs dans les reports de voix : ce qui a manqué à Morano et autres Garaud/Joyssains, ce ne sont pas les électeurs centristes qui de toute façon ont tendance a s’évaporer, c’est l’important électorat FN dans leurs circonscriptions qui ne leur a pas fait confiance au second tour.

        • Je n’ai pas parlé de contamination, ni même reproché à quiconque de se laisser influencer par l’air du temps; j’ai simplement fait valoir à un universitaire qu’il n’assumait pas les implications de ses écrits.
          Sur le fond, les députés libéraux ont pris une « raclée » bien plus nette sans qu’on puisse parler de dérive ultra-libérale de la droite.

  • Pour moi, la disparition presque achevée du Modem et de son chef Bayrou vient d’une simple éviction: avec le changement de discours que Marine a imposé au parti de son père, le FN est devenu le nouveau parti du centre politique, au moins pour une grande majorité de ses électeurs nouvellement acquis.

    • Je ne situe pas le FN sauce marine au centre, il est ailleurs avec son discours chevènementiste bancal sur le plan économique.

      On peut d’ailleurs considérer que la stratégie de gauchisation du discours économique du FN aboutit à un échec et une nouvelle ghettoïsation du FN, puisqu’il a obtenu un score moindre qu’il pouvait l’espérer au présidentielle (18% contre 23-24% début 2011) et qu’il l’isole de la ligne économique de l’UMP, donc fournit un argument supplémentaire à ceux qui à droite refusent toute alliance avec le FN.

      Or, sans alliance, aucune chance de peser véritablement dans les institutions de la 5e république.

      • Effectivement, et comme vous le disiez précédemment « Arthur » il a moins fait défaut un centre évanescent que le « P » d’UMP, suivant le formule de Xavier Bertrand.
        Il a aussi manqué le « M » de la mobilisation des électeurs de droite en général, et le « U » de l’union vu les coups de poignards dans le dos constitués par les procès en droitisation émanant de certains chiraquiens dans l’entre deux-tours…

  • Désolée Mr Crapez, mais la droite s’est effectivement « droitisée » ces derniers temps.

    Les commentateurs, dans leur manque de vision historique, associe « la droite » à l’UMP, puisque cette formation en est le plus important représentant en nombre, à l’heure actuelle.
    Et si l’on regarde les thèmes matraqués par une certaine partie de l’UMP pendant les deux dernières campagnes électorales, l’appel du pied à l’extrême droite est trop évident pour être nié.

    Et puis n’oublions que certains mouvements dans l’UMP se revendique de la tradition gaulliste (planification étatique à fond). Or, elle perd en influence face au courant Sarko-Copé, moins étatiste, d’où peut-être l’idée de « droitisation ».

    • Bonjour Madame, votre hypothèse d’interprétation est intéressante.
      Sur le constat, je n’ai pas dit qu’il n’y a eu aucune droitisation, peut-être y a-t-il eu des « appels du pied », c’est le propre des périodes électorales, mais les bottes sont bien celles de la droite.

      Car en admettant que ces campagnes marquent un léger glissement d’un cran vers la droite, cela doit être pondéré par le fait que 20 ans de chiraquisme nous avaient déportés vers la gauche de beaucoup plus de crans.

      La droitisation est surtout l’arme inusable du microcosme de gauche, le fond de commerce de l’extrême-gauche et aura constitué une formidable entreprise de propagande, révélatrice de la force de frappe médiatique de ces familles politiques.

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