La photographie et son importance épique

Encore plus spectaculaire qu’importer un bien existant d’une terre étrangère, l’entreprise crée en fait quelque chose qui n’existait pas précédemment.

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La photographie et son importance épique

Publié le 14 juin 2012
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À chaque étape du développement technologique, les consommateurs ont peut-être vaguement espéré la prochaine  évolution, mais ce qui venait précisément ensuite était toujours une surprise. Voilà un bienfait génial et non annoncé de l’entreprise libre. Encore plus spectaculaire qu’importer un bien existant d’une terre étrangère, l’entreprise crée en fait quelque chose qui n’existait pas précédemment.

Par James Tucker, depuis les États-Unis.

Le lien que j’entretiens avec le passé de ma famille est une photographie prise dans le West Texas poussiéreux et désolé, celle dans laquelle ma grand-mère du côté de mon père est assise au-devant dans une chaise pour enfant. On dirait qu’elle a 5 ans, ce qui daterait l’image à 1920. Derrière elle, il y a sa mère et son père, avec les sœurs et les belles-sœurs à la droite.

Et derrière eux se tiennent deux vieux messieurs chancelants, mes arrières-arrières-grand pères, tous les deux vétérans de la Guerre Civile. Ils portent chacun une médaille de cet horrible gâchis de conflit. Ces médailles étaient tout ce qu’ils avaient à montrer pour le sang et l’horreur. Leurs pensions ne sont jamais arrivées, comme je l’ai appris par les innombrables lettres que j’ai vues dans les archives. Il n’y a pas d’images d’eux dans leur jeunesse. La technologie était là, mais trop chère pour être utilisée avec profit.

Le long de la rangée arrière se trouvent trois jeunes hommes avec de drôles de chapeaux plats. Ils sont un peu distants de la scène, trop cool pour l’école et se demandant pourquoi ils devraient perdre leur temps dans cette pose avec tous ces vieux qui ne les comprennent pas et des jeunes qui ne sont pas assez âgés pour conduire. La photographie était la technologie d’hier ; conduire définissait leur génération.

C’était le but des chapeaux : signaler la Génération de la Conduite. Il n’y avait pas de permis de conduire, d’inspections ou même de plaque d’immatriculation au Texas en ces temps-là. La dernière grande évolution des transports avait été le chemin de fer. La commercialisation de l’automobile mit la voiture privée d’un mini chemin de fer sous le contrôle de chaque membre de la bourgeoisie. La classe moyenne pouvait maintenant voyager comme les magnats de l’Âge Doré 40 ans plus tôt.

C’était le progrès. Ils y croyaient.

Quelles histoires ils ont dû faire pour cette session de photographie ! Ils ont dû planifier toute la journée. Ou peut être pendant des semaines. Mais quelle personne a pris la photo ? Il n’y avait pas de boutique de photographe en ville. Il devait y avoir une sorte de marchand mobile de photo. Je me demande combien cette session privée a coûté. Ça a dû être assez cher, c’est pourquoi trois générations devaient s’entasser sur une seule photo. Même à cette date, des prises de vue d’individus devaient être seulement pour les plus riches.

La première photographie permanente – de toute l’histoire de l’humanité – n’avait été prise que 94 ans plus tôt. C’était un progrès incroyable, étant donné que ce genre de chose n’avait jamais été possible. Depuis l’homme des cavernes jusqu’en 1826, pour capturer une image, on utilisait la même technologie – on devait dessiner. Que ce soit sur des parois de cavernes ou des toiles, les peintres ont documenté leur environnement. Tout ce qu’on sait sur la réalité visuelle avant 1826 est venu à travers leurs interprétations subjectives.

(C’est remarquable de penser à toutes les inventions qui sont arrivées dans les années 1820 : l’électroaimant, le télégraphe, l’allumette, la photographie, le braille.)

Bon en avant. Dans les dix dernières années, je me suis retrouvé en mesure de posséder un téléphone sans fil que je peux transporter dans ma poche. Aujourd’hui, ce téléphone a muté en appareil photo. Et cet appareil photo peut aussi vérifier ma pression artérielle, regarder en direct les nouvelles de la bourse, être utilisé pour jouer au Scrabble avec des gens de par le monde, révéler la température de chaque point du globe, me permettre de surfer n’importe où, et me fournir l’accès à la plus grande encyclopédie  du monde.

Cet appareil photo/téléphone fournit aussi la vidéo, le truc des Jetson de nos rêves d’enfants. Et cette vidéo peut diffuser en direct l’action de tout ce que je vois. Cette vidéo peut être répandue en direct autour du monde pour que n’importe qui puisse regarder simultanément à partir d’un lien unique, à travers d’innombrables services en ligne, dont la plupart sont offerts gratuitement. Je peux également prendre une simple photo, l’éditer et la retoucher automatiquement et ensuite la poster sur un site qui l’interface avec un site de réseau social sur lequel presque 1/7ème de la population mondiale raconte sa vie quotidienne.

Il y a plusieurs années, tous les grands producteurs de films sont parvenus à la conclusion qu’un nouvel âge était arrivé. Ils ont interrompu la commercialisation de ce qui est maintenant désespérément démodé. Ce qui était révolutionnaire en 1826 et toujours étonnant en 1920 passe pour une antiquité aujourd’hui.

À chaque étape du développement technologique, les consommateurs ont peut-être vaguement espéré la prochaine  évolution, mais ce qui venait précisément ensuite était toujours une surprise. Voilà un bienfait génial et non annoncé de l’entreprise libre. C’est un vaisseau qui nous apporte de nouveaux cadeaux, comme s’ils étaient apportés par des bienfaiteurs venant de loin. Encore plus spectaculaire qu’importer un bien existant d’une terre étrangère, l’entreprise crée en fait quelque chose qui n’existait pas précédemment, quelque chose conçu et produit pour nous, quelque chose qui permet le renouvellement continu de l’expérience de la vie elle-même. De cette manière, le processus de marché reproduit un aspect du plus incroyable attribut du Créateur.

On pourrait penser que nous aurions pu prendre la mesure du chemin parcouru. Non. Les gens prennent tout pour donné. Le nouveau smartphone est sorti avec un appareil à photo incroyable et notre tendance est d’être impressionné durant à peu près trois jours. Ensuite nous passons à autre chose, et nous attendons la prochaine chose extraordinaire. Un retour en arrière ? Impensable. Nous sommes prédisposés à penser que tout progrès est irréversible. Nous pensons qu’il est intégré dans la structure de la réalité. Nous ne pourrions vivre sans.

Oh, je ne me plains pas vraiment. L’attitude qui réclame le progrès matériel est la force motrice du progrès lui-même. Si personne ne quémandait de nouvelles choses, si les inventeurs ne poussaient pas vers l’avant, si personne ne se souciait vraiment de la prospérité ou de la stagnation de l’humanité, nous ne verrions pas de progrès du tout. Cette attitude constitue l’essence du caractère américain. Nous sommes dans l’attente de lendemains meilleurs. Nous portons un regard sur le passé en nous demandant comment les gens pouvaient vivre.

Les enfants d’aujourd’hui se demandent comment la vie était possible avant Internet. Et vous le savez, les gamins ne sont plus les seuls à se poser ces questions. L’autre jour, je me remémorais l’un de mes premiers boulots. J’ai dû faire un effort de réflexion pour me souvenir de la façon dont j’avais pris connaissance de l’existence du job avant de postuler. J’ai eu du mal à me rappeler de la façon dont j’ai fait mon boulot en l’absence d’internet. Me sont revenus des souvenirs cauchemardesques de tempêtes de papier, de courrier, de téléphones avec fil.

Mais cela vaut le coup de se poser une question plus profonde : quel est exactement le mécanisme social qui rend cela possible ? C’est là que la frustration survient. Les gens ne sont pas curieux de la réponse. Pourtant il y a une réponse.

Les évolutions technologiques dans le domaine de la photographie du début du 19ème siècle ont eu lieu pas à pas, avec des inventeurs et des bricoleurs testant et échouant, avant de tester et de réussir. Il n’y a pas eu un seul esprit au travail. Il y en a eu des milliers sur une longue période de temps. Chaque innovateur a appris de ses prédécesseurs. Chacun a pris ce qui était déjà connu et apporté par la suite de légères améliorations.

Mais les innovations ne passent pas directement du laboratoire au magasin de détail. C’est le résultat d’un long processus. Il doit y avoir un important stock de capital pour soutenir la réalisation. Il doit y avoir un contexte de profit pour permettre l’investissement, et une robuste division du travail pour soutenir la production. Il doit y avoir un lancement sur le marché pour que les gens prennent connaissance de l’existence de l’innovation. Il doit y avoir un revenu discrétionnaire disponible pour soutenir à la fois la production et la consommation du bien.

Il doit y avoir également une classe d’acheteurs pour être les premiers utilisateurs. Ce sont généralement des gens riches. L’intérêt qu’ils portent à l’innovation contribue à sa commercialisation et sa distribution, de telle sorte que le bien devienne disponible pour des masses toujours plus grandes de l’humanité. Il doit y avoir une voie d’accès claire, sans barrière réglementaire, pour que les gens puissent essayer les choses. Cela nécessite la reconnaissance de la propriété privée, de la liberté d’échange et l’absence de monopole, et, en cas d’échec, la responsabilité doit frapper les preneurs de risques eux-mêmes.

Toutes ces institutions sont ce qui fait le progrès. C’est parce que l’Amérique avait toutes ces institutions en place que chaque génération a pu expérimenter et s’attendre à du progrès. Ce n’est pas inné. C’est acquis à travers l’expérience. Ceux qui vivent mieux d’année en année espèrent vivre mieux d’année en année.

La grande tragédie de notre temps est que ça a vraiment commencé à changer – pas tant dans le monde numérique, qui ne cesse de s’améliorer, mais dans le monde physique que l’État gère, taxe et matraque jour après jour. Nous commençons à voir de jeunes gens regarder vers l’étranger. Ceux qui ne désespèrent pas du futur. Les rangs de chômeurs incluent des gens qui ont toujours agi avec droiture mais qui pourtant font face à une dure réalité aujourd’hui et demain.

Comme les progrès de la photographie dans le temps, la baisse de nos perspectives économiques a une cause spécifique. Cela provient de la stagnation à laquelle toute société est confrontée lorsqu’elle est détruite par des contrôles et des confiscations étatiques. Ceux-ci font de terribles ravages, qui progressent d’année en année.

Nous avons la possibilité de nous informer sur tout et n’importe quoi aujourd’hui. Mais il nous manque la capacité de comprendre ces forces qui nuisent à l’essor de l’expérience américaine et nous privent de cette chose que nous considérions autrefois comme un droit de l’homme. La photo que nous prenons peut être en couleur, peut être en mouvement, peut être customisée et postée partout dans le monde, mais en dernier lieu, ce n’est pas joli.

—-
Sur le web.
Traduction : Édouard H. pour Contrepoints.

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