Printemps d’Erable ou quand le Québec mime la France

Les manifestations étudiantes québécoises ont l’odeur, la couleur, et le résultat de manifs françaises…

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Printemps d’Erable ou quand le Québec mime la France

Publié le 29 mai 2012
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Cela fait donc une centaine de jours que des étudiants se « mobilisent » au Québec pour protester contre les méchancetés du monde ultralibéral qui marchandise tout y compris l’éducation, la culture et les iPad. Vu de ce côté-ci de l’Atlantique, la « lutte » qui occupe ces étudiants canadiens ressemble à s’y méprendre aux éternelles poussées d’urticaires qui agitent nos étudiants français. Cependant, leurs motivations sont-elles réellement les mêmes ?

Contrepoints a déjà couvert différents aspects de la question, notamment l’aspect légal et décrit les conséquences des choix ambigus de manifestation de la part de ces étudiants.

Pour ma part, je me contenterai de regarder la petite pièce de théâtre, à la fois citoyen et festif, qui m’est donné d’observer en constatant qu’encore une fois, ce sont les mêmes types de personnes qui réclament les mêmes types de choses avec le même type de procédés, qui entraînent d’ailleurs globalement les mêmes types de réactions locales.

Pour s’en convaincre, il suffit de revenir à la cause du déclenchement de ces jolis mouvements d’humeur bariolés et qui sentent bon la poutine et les hot-dogs un peu dans le fond. Au départ, le gouvernement québécois a décidé d’augmenter les droits d’inscriptions à l’Université, afin de tenir compte de l’inflation des dernières années. Comme le montant n’avait quasiment pas bougé depuis 1968 (!) la hausse générée atteint alors dans certains cas 82% … mais sur un montant global relativement faible (moins de 2000 CAD) surtout lorsqu’il est comparé aux frais de scolarité dans les universités des autres états canadiens ou, à plus forte raison, des états américains proches. Il est bon de noter que cette hausse sera de toute façon étalée sur les dix prochaines années (elle fait un peu moins de 400 CAD par an), ce qui permet aux étudiants, à leurs familles et à la société en général de s’adapter largement à ce changement.

Bien évidemment, une fois qu’on a compris de quoi il s’agissait, on comprend aussi qu’une augmentation, même modeste, ne pouvait déclencher qu’un vaste mouvement d’excitation chez les habituels tenants d’un statu-quo inamovible : no pasaran ! et tout le tralala, les étudiants refuseront fermement de supporter le coût de l’inflation, même si tout le monde le supporte sans qu’on lui demande son avis, zut à la fin.

De façon là encore parfaitement logique, on se retrouve donc rapidement avec d’un côté un gouvernement qui veut minimiser ses coûts et de l’autre, des étudiants qui veulent absolument que l’éducation soit en accès libre, gratuit, et bisournous compatible.

ignoransse

Malheureusement, la situation économique et financière de l’État et des Universités ne permet pas réellement de continuer à faire supporter plus des quatre cinquièmes du coût de scolarité d’une poignée d’étudiants par la grosse partie de la population qui travaille (et qui n’a, au passage, pas eu accès à l’Université dans sa grande majorité). Quant à cette fameuse poignée d’étudiants, elle ressort rapidement les mêmes arguments que ceux qu’on entend maintenant en boucle, en septembre et en octobre en France, à chaque fois que le gouvernement fait mine de toucher au statu-quo estudiantin.

L’étape suivante continue d’être d’une banalité consternante puisque rapidement, les positions des uns et des autres se cristallisent comme une gelée de coings trop épaisse. Le plus amusant est que l’évolution de la situation proposée par le gouvernement a tendance a, clairement, favoriser les classes les plus modestes ; comme bien souvent, les enfants de ces classes-là ne sont pas les plus bruyants (ni les plus mal élevés) ce qui les dessert évidemment lorsqu’il s’agit de faire valoir leurs droits, notamment celui d’étudier calmement, sans se préoccuper des sessions barbecue que les autres organisent.

Liberal studentSessions barbecues là aussi parfaitement logique lorsqu’on a pratiqué les campus français : à mesure que les beaux jours avancent et que l’envie de glander ailleurs que dans l’amphi d’Histoire de l’Art se fait plus forte, explose alors la propension des uns et des autres à trouver le bonheur sur la pelouse, avec des banderoles revendicatives en guise d’alibi. Un grand standard que seule la presse, avide de sensations fortes, pourra transformer en mouvement historique, en l’affublant au passage d’un petit nom poétique (ici, « Printemps d’Erable ») qui permettra de situer le contexte rapidement et de le rattacher de façon quasi pornographique à des luttes parfois sanglantes dans des pays tout sauf démocratiques où la population crève de faim.

La logique d’affrontement étant en place, la presse se mêlant de tout ça pour pousser du colombin dans le ventilateur plus vite que les éventuels négociateurs ne sont capables de nettoyer les murs autour, pouf, ce qui doit arriver arrive avec force : rapidement, des débordements sont constatés. Trop de bière, pas assez de poutine, une envie d’iPad et pas de moyens pour l’acheter, allez savoir : des affrontements, des vitres cassées, et voilà l’affaire qui s’envenime.

Comme un mouvement d’horloge parfaitement huilé, l’escalade continue donc : le gouvernement québécois, n’ayant probablement pas autant l’habitude du détachement serein qui traverse la fibre de tout homme d’état français parfaitement écouillé, panique un chouilla et décide de restreindre le droit de manifestation des étudiants en faisant voter une loi construite pour l’occasion.

On applaudira ici l’absence totale de jugeote des dirigeants pour se lancer dans une telle opération commando. D’une part, la loi est à ce point conçue spécifiquement pour ce qui se passe qu’elle sera probablement rapidement jugée non constitutionnelle. D’autre part, en agissant de la sorte, le gouvernement a montré qu’il n’avait pas réellement d’autres solutions pour calmer le jeu, ni d’arguments forts pour remettre les choses au clair, ce qui est assez incroyable lorsqu’on connaît le détail de la proposition initiale. Enfin, avec la Loi 78, il s’ouvre un boulevard pour une nouvelle restriction de la liberté ce qui donne un nouvel argument aux mécontents, argument tout à fait recevable de surcroît.

Education Québec

Pour un libéral européen, tout ceci est d’une banalité consternante : une décision somme toute logique cristallise contre elle l’arrière-garde éternelle des bobos et des favorisés qui ne veulent surtout pas lâcher une part de leur gâteau, l’ensemble s’enkyste gentiment, les élites qui nous gouvernent paniquent, et accroissent au final l’emprise de l’état sur la société civile sous couvert de sécurisation.

La suite semble elle aussi parfaitement logique : les étudiants pourront obtenir le retrait de la loi débile votée à la va-vite, victoire qui leur permettra de gagner les points suivants de leurs revendications au moins aussi débiles. Toute cette situation se résume à une empoignade de mongoliens étatistes et peu importe le résultat final : tout le monde sera perdant.

On dirait la France.
—-
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  • « Printemps d’Erable » : quand le mépris le dispute à l’insulte envers les peuples en lutte contre leurs dictateurs. Cela relève effectivement de la pornographie.

  • Si la gauche avait à recycler les mêmes arguments et slogans depuis plus de 100 jours (sans parler des trente dernières années) tel que la droite dans ce conflit, les médias s’empresserait d’y voir le signe d’un entêtement doctrinaire déconnecté du réel.

    Encore un autre article qui n’a d’imagination que pour la fameusissime « casse » provoquée par les manifestants masqués du Neuvième Cercle, sans aucun fait réel, témoignage ou point de donné apporté à l’appui. Bonne route hors de ta propre idéologie, bro.

    • De quoi tu parles, bro ? Y’a un fait qu’est pas juste dans ce que je raconte, bro ? Alors, dans ce cas, tu dois pouvoir dire exactement lequel, bro, non ?
      C’est toi qui parle de casse et de 9ème cercle, bro. Moi, je dis que le gouvernement s’est servi des éventuelles crispations pour faire passer sa loi idiote, bro, c’tou. Et qu’ils paniquent comme le font les politocards chez les Français. Et que les étudiants qu’bécois font exact’ment comme les étudiants français, avec les mêmes arguments pourris, les mêmes plaintes poussives sur la méchanceté de l’éducation qu’on doit payer et tout le tralala.

      Tu captes mieux, bro, où j’ai besoin de te réexpliquer ce que le mot « collectiviste » veut dire ?

  • La loi 78 est temporaire.
    Les opposants à la hausse ont la tartufferie de dénoncer une atteinte aux droits, alors qu’eux-mêmes piétinent allègrement et festivement ceux de la majorité non gréviste depuis 100 jours.

    Car personne ne peut douter que leur intention est de faire céder le gouvernement et le peuple à force d’atteintes aux droits des étudiants, des commerçants, des estivants, de tout un chacun.

    Seulement voilà, c’est le Canada et ici, les gouvernements ont l’habitude de voter des lois de retour au travail quand une grève a trop d’impact économique.
    Pour un Français, quelle délectation de voir qu’au Canada ceux qui peuvent par la grève faire chanter la société se cognent à un gouvernement qui défend l’intérêt général !
    Dernier exemple en date (il y a aussi eu Air Canada récemment):
    http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/national/201205/23/01-4527881-greve-au-cp-ottawa-pourrait-adopter-une-loi-speciale.php

    C’est dans ce contexte qu’il faut analyse la loi 78.

    • Certes, mais dans le fond, la loi 78 ne devrait pas exister.

      • Pour ma part je la soutiens.
        Ce n’est rien d’autre qu’une forme particulière de loi de retour au travail, pour mettre fin à une grève.

        User de l’espace public et des nuisances qu’on peut produire en l’occupant, même dans la bonne humeur (des occupants, pas des victimes, commerçants et autres), c’est un abus du droit.
        En effet, les manifestants utilisent leur droit pour causer des dommages aux autres.
        Ici, l’erreur est de croire que seul l’État restreint les droits.

        Je ne prétends pas qu’il s’agisse de la meilleure manière de protéger les droits des dindons de la farce (étudiants non grévistes, commerçants…), mais après tout les fautifs de cette situation sont les grévistes et non l’État.

        L’enjeu n’est pas mince: Ce petit bout de rigueur n’est qu’un hors d’oeuvre. Le Québec en a besoin de beaucoup, beaucoup plus.

  • Un peu facile comme analyse…
    Vous ne faites que reprendre les clichés d’une certaine partie des médias québécois: les étudiants qui manifestent ne sont que des enfants gâtés, ils se prélassent dans les terrasses des bars et tous ont des iPhone/Pad.

    • Heureusement, vous êtes là et allez pouvoir démonter tout ça avec du lourd, du qui cogne, non ?

      • Ne renversez pas la critique. C’est vous l’auteur de l’article, c’est vous qui avancez des choses sans apporter d’éléments de preuve.

        • Au moins, vous ne manquez pas d’air. Vous arrivez avec une critique sans argument et lorsque je vous en demande, pfiout, plus personne.

  • Excellent article ! Un léger ré-équilibrage dans les propos ou les tournures permettrait de donner une bien plus grande crédibilité à l’édito.
    En tout cas, bon travail !

  • Ce qui ce passe au Québec en ce moment semble rendre vert de jalousie certains de nos amis Français. 250 000 personnes(nous sommes 7 millions au Québec) dans la rue qui disent « non » à une loi spéciale…3.6% de la population!Quand vous aurez 2 340 000 (3.6% de 65 000 000) de personnes qui sortiront dans la rue (pas pour un concert de johnny haliday mais bien dans le cadre d’une désobéissance civile) on en reparlera :P…je retourne à ma casserole!!

  • Maudit Français … 😉 Je suis présentement au Quebec. je ne juge pas ce qu’il se passe je ne suis pas Québécois !!! Comparer Montreal à la France ne me semble pas très juste dans cette affaire. déjà ils se gèrent un peu mieux que nous et n’ont certainement aucune leçon à recevoir de quiconque venant de France tant sur le plan politique qu’économique ! Maintenant ce qui me frappe c’est l’ampleur du mouvement pour une affaire qui est somme toute très secondaire. Je discute avec pas mal de Québécois et l’impression que j’ai est que nous sommes dans un moment particulier ici.

    Déjà la crise Européenne fait planer le spectre d’un effondrement mondial, et ici on a très peur des conneries Européennes et française d’autant que pour la majorité des hommes d’affaire que je rencontre il semble relativement évident que l’Euro a de fortes chances de disparaitre puisqu ecette monnaie ne repose sur rien fondamentalement d’autre que de la volonté d’une poignée de technocrate crapauds qui voulaient devenir plus gros que le boeuf !

    Ensuite le temps politique ici est particulier. Le parti au pouvoir depuis près de 10 ans croule sous les scandales de corruption voire de collision mafieuse. Des élections doivent être déclenchées dans l’année qui vient.

    Bref le pouvoir en place est usé et la crise Européenne menace le monde. Il me semble que c’est une époque relativement incertaine pour les quebecois.

    Mais bon perso, j’ai confiance ce pays est bien géré, il a une identité forte et l’économie est très solide et le système bancaire le plus solide et le mieux géré au monde . Le quebec est un des endroits au monde les mieux armés pour passer la tempête. Je crois que c’est juste l’expression de frustrations et qu’il ne faut surtout pas commettre l’erreur de croire que le Quebec c’est la France.

    J’ai le sentiment que le Quebec est lui aussi à la fin d’un cycle, ces manifestations ne sont que le témoignage de la fin de ce cycle. le suivant sera sa montées en puissance. Je reviens de New York c’est fou le nombre de personnes qui là bas pensent eux aussi à émigrer au Canada…

  • Moi aussi je vis au Québec et je ne trouve pas que la situation soit particulière. Il faut savoir que seulement 1/3 des étudiants ont fait un boycott des cours. Le reste (facultés de génie, sciences, agriculture etc) a continué les cours avec 2 ou 3 journées symboliques de levée de cours. On est loin du fantasme du mai 68 version érable.

    Il faut aussi savoir que les opinions sont variées. Peu d’étudiants sont pour la gratuité totale des cours. Il veulent surtout une juste distribution des «prêts et bourses» car nombreux sont ceux qui étudient tout en travaillant plus de 15 heures par semaine. Ce n’est pas toujours favorable à la performance scolaire.

    Enfin le problème est plus profond qu’une simple facture de droits de scolarité. Les québécois fréquentent moins les universités que leurs collègues ontariens et leurs revenus annuels sont assez bas par rapport à d’autres provinces comme l’alberta. En fait les diplomes de 1er cycle universitaire (3 ou 4 ans d’études) ne sont pas forcément un gage de richesse. Il y certainement des choses à changer mais ce n’est pas en rendant l’université gratuite que ça améliorera le sort de la jeunesse québécoise.

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