De la laïcité en France

Le principe de laïcité dispose de certains éléments de souplesse, que le conseil d’État vient de confirmer par un arrêt rendu début mai.

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De la laïcité en France

Publié le 10 mai 2012
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Le principe de laïcité dispose de certains éléments de souplesse, que le conseil d’État vient de confirmer par un arrêt rendu début mai.

Par Roseline Letteron.

Le 4 mai 2012, le Conseil d’État a rendu un arrêt Fédération de la libre pensée et d’action sociale du Rhône qui montre, une nouvelle fois, la souplesse du principe de laïcité, et sa capacité d’évoluer avec la société. La fédération requérante contestait la délibération du conseil municipal de Lyon attribuant à l’association Communauté Sant’Egidio France une subvention pour l’aider dans l’organisation des 19e Rencontres pour la paix.

Elle considère que cette aide financière va à l’encontre de l’article 2 de la célèbre loi de séparation des Églises et de l’État qui énonce que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».

Le tribunal administratif avait repris ces arguments et annulé la délibération. La Cour administrative d’appel a, au contraire, considéré que cette délibération ne viole pas le principe de séparation des Églises et de l’État. C’est précisément cette analyse que le Conseil d’État confirme dans son arrêt du 4 mai.

 

La neutralité

On le sait, le principe de laïcité figure dans l’article 1er de la Constitution, selon lequel « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

Il implique d’abord la liberté de conscience. Aux termes de l’article 1er de la loi de 1905, la République garantit donc à chacun le libre exercice du culte de son choix. À ce principe de liberté de conscience s’ajoute celui de la neutralité de l’État, qui exclut toute religion officielle, et impose aux autorités étatiques une véritable obligation d’indifférence à l’égard de la religion.

Le système français de laïcité repose ainsi sur l’idée que les convictions de chacun doivent être respectées, et que la religion relève exclusivement de la sphère privée.

 

L’interdiction de financement public des cultes

Dès lors que la religion est un élément de la vie privée, il n’existe aucun financement public des cultes, et le clergé n’est pas rémunéré par l’État, sauf dans la zone concordataire d’Alsace-Lorraine. La loi de séparation de l’Église et de l’État autorise néanmoins la création d’associations cultuelles auxquelles ont été dévolus les biens des établissements du culte. Ces groupements, fondés très simplement sur le fondement de la loi sur les associations de 1901, doivent avoir « exclusivement pour objet l’exercice d’un culte ».

La jurisprudence traditionnelle se montre très rigoureuse, et considère comme illégale toute subvention directe versée à une association cultuelle. Dès lors que ces groupements ont un objet exclusivement religieux, le juge considère que, soit l’objet de la subvention est religieux et donc illégal, soit il n’est pas religieux et, dans ce cas, il se situe en dehors de l’objet social de l’association, autre cas d’illégalité (par exemple, dans l’arrêt du 9 octobre 1992, Commune de Saint Louis c. Assoc. Siva Soupramanien de St Louis).

 

Les éléments de souplesse

La sévérité de cette jurisprudence n’empêche tout de même pas l’établissement de certains liens financiers entre les collectivités publiques et les groupements religieux.

Dans l’article 2 de la loi de 1905 figure ainsi l’autorisation de subventionner sur le budget de l’État les services d’aumônerie destinés à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics. Par ailleurs, l’interdiction de subvention n’interdit pas la rémunération de prestations spécifiques. Par exemple, l’administration pénitentiaire peut passer un accord financier avec une congrégation pour assurer la prise en charge des détenus, principe acquis par un arrêt du 27 juillet 2001, Synd. national pénitentiaire FO. La collectivité passe alors un contrat en échange d’une prestation déterminée. Elle ne subventionne pas un culte.

Enfin, rien n’interdit de renoncer purement et simplement à la contrainte imposée par l’association cultuelle, et son principe de spécialité auquel il est bien difficile de déroger. L’État ou les collectivités locales peuvent ainsi subventionner des activités d’intérêt général qui s’exercent dans un cadre confessionnel comme des hôpitaux ou des crèches.

 

La qualification d’association cultuelle

Dans le cas de l’arrêt du 4 mai 2012, le Conseil d’État fait un pas de plus dans le raisonnement. Il se déclare en effet compétent pour qualifier la nature du groupement que la ville de Lyon a subventionné.

Il fait ainsi observer que « les seules circonstances qu’une association se réclame d’une confession particulière ou que certains de ses membres se réunissent, entre eux, en marge d’activités organisées par elles, pour prier, ne suffisent pas à établir que cette association a des activités cultuelles ».

Dès lors qu’elle n’a pas pour mission d’organiser le culte, une association de fidèles n’est donc pas une association cultuelle. En l’espèce, ce groupement se bornait à organiser un colloque réunissant des participants de différentes confessions. Quand bien même quelques « personnalités religieuses » figuraient parmi les participants, quand bien même les travaux étaient quelquefois interrompus pour permettre à chacun de remplir ses devoirs religieux, le groupement n’était pas une association cultuelle. La ville de Lyon pouvait donc parfaitement subventionner le colloque sans violer la loi de 1905.

Certains pourront penser que cet arrêt confère au juge la possibilité d’admettre ou non la légalité d’une subvention à partir de la qualification d’association cultuelle qu’il délivre lui-même. D’autres estimeront qu’une telle jurisprudence exprime une laïcité apaisée, une relation sereine entre les autorités publiques et religieuses.

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