Sortir de la crise par le protectionnisme?

Il faut abandonner l’idée d’un échange inégal, thèse à nouveau marxiste selon laquelle il y a toujours un exploiteur et un exploité. L’échange n’est pas non plus un jeu à somme nulle, à valeur pour valeur, comme le pensait Aristote. C’est un jeu gagnant/gagnant.

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Sortir de la crise par le protectionnisme?

Publié le 10 mai 2012
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Il faut abandonner l’idée d’un échange inégal, thèse à nouveau marxiste selon laquelle il y a toujours un exploiteur et un exploité. L’échange n’est pas non plus un jeu à somme nulle, à valeur pour valeur, comme le pensait Aristote. C’est un jeu gagnant/gagnant.

Par Jean-Yves Naudet.

Article publié en collaboration avec l’Aleps.

Une élection chasse l’autre. Les législatives vont succéder aux présidentielles. Mais les thèmes ont toutes chances de rester les mêmes et la surenchère étatiste, régulatrice, poussée par les extrêmes, va pouvoir donner toute sa mesure. Une idée fera à nouveau l’unanimité : le protectionnisme. Quelle est, pour nos politiques, la cause du chômage ? La mondialisation. De la récession ? La mondialisation. De la perte du pouvoir d’achat ? La mondialisation. Nos nouveaux médecins de Molière ont trouvé la cause de tous nos maux : ce n’est plus le poumon, c’est la mondialisation.

Le libre-échange ruine-t-il les riches ou les pauvres ?

Pendant la campagne présidentielle, on a tout entendu : comme nos malheurs viennent de l’ouverture des frontières, il faut produire français, fabriquer français, consommer français. Pour les uns, c’est sur l’Hexagone qu’il faut se replier ; pour d’autres, c’est au niveau européen, l’Europe devenant une forteresse assiégée. Non seulement échanger avec les autres serait inutile, mais en outre nuisible, car cela se ferait au détriment des producteurs nationaux, incapables de faire face à une concurrence déséquilibrée et déloyale.

Il existe cependant une variation sur le thème de l’altermondialisme : pour les uns, le libre-échange entraîne la ruine des pays riches, incapables de faire face aux salaires de misère ou à l’absence de charges sociales des pays du tiers-monde : la mondialisation menace les pays riches et les conduit à la misère. Pour les autres, c’est l’inverse : les pays riches exploitent les pays pauvres et les maintiennent ainsi artificiellement dans la pauvreté : c’est la vieille thèse de l’impérialisme, stade suprême du capitalisme, chère à Lénine et Rosa Luxemburg, à peine relookée. Les deux thèses contradictoires sont aussi fausses l’une que l’autre.

L’échange libre est toujours gagnant/gagnant

Pour comprendre les bienfaits du libre-échange, il ne faut pas s’engager dans des impasses à la Ricardo et ses avantages comparatifs simplistes. Il faut avant tout se placer du point de vue du client, comme le faisait Bastiat. On ne produit pas pour produire, mais pour répondre aux besoins des hommes. Il est évident que plus l’espace économique est large, mieux on répondra, en qualité ou en prix, aux besoins : telle est l’origine de la « richesse des nations ».

Il faut abandonner l’idée d’un échange inégal, thèse à nouveau marxiste selon laquelle il y a toujours un exploiteur et un exploité. L’échange n’est pas non plus un jeu à somme nulle, à valeur pour valeur, comme le pensait Aristote. C’est un jeu gagnant/gagnant : si j’accepte de vendre ou d’acheter c’est parce que j’espère être plus satisfait après l’échange qu’avant : je veux bien céder ce bien, ce service ou cette somme parce que j’attache plus de prix à ce que vous m’offrirez en contrepartie, et pour le partenaire, ce sera l’inverse. La subjectivité des goûts et de la valeur fait que l’échange est un jeu à somme positive : aucun de nous n’attache la même valeur à un bien qu’une autre personne. Si l’échange volontaire est toujours gagnant, rien ne peut justifier de le limiter dans l’espace.

La pétition des marchands de chandelles et le doux commerce

Bien d’autres éléments entrent en jeu : se procurer ce que l’on ne peut produire soi-même, ou moins bien ou plus cher, faire jouer la concurrence sur une plus grande échelle, pour pousser chacun à donner le meilleur de lui-même, (« le vent du grand large »). Bastiat a expliqué tout cela en termes imagés, avec par exemple la pétition des marchands de chandelles contre la concurrence déloyale du soleil : il n’est pas plus absurde de réclamer de boucher les fenêtres pour favoriser la vente de bougies que de boucher les frontières avec droits de douane, contingentements et autres inventions du corps des « enrayeurs ».

Les pays émergents eux savent tout ce qu’ils doivent au libre-échange, qui les a sortis de la misère. Faut-il s’en plaindre ?

Le commerce représente un progrès spectaculaire sur l’affrontement, la guerre et le pillage : deux peuples qui peuvent avoir des désirs et des talents différents se rejoignent dans l’échange (le doux commerce de Montesquieu) ; l’ouverture des frontières économiques a plus fait pour la paix en Europe que toutes les discussions politiques.

Le poids de l’ignorance économique

D’ailleurs que signifie aujourd’hui produire français, alors qu’aucun produit n’est « 100% national » ; préfère-t-on une marque française qui fabrique ses produits à l’étranger ou une marque étrangère qui a implanté ses usines en France ? Tout cela n’a pas de sens.

Dans ces conditions pourquoi les thèses protectionnistes ont-elles un tel écho en France ? Cela tient à l’ignorance économique des Français, dûment entretenue par les démagogues. D’après les sondages, nos compatriotes sont les plus hostiles au libre échange, à la concurrence et au marché, tout comme à la finance. La classe politique a une responsabilité immense dans cet aveuglement collectif, car elle se présente en défenseur du peuple contre l’agression de l’étranger.

Il faut aussi compter avec le refus des gens de s’adapter à une concurrence généralisée et exigeante. S’adapter, c’est changer de mentalités, de méthodes, d’emplois. Mais c’est aussi progresser : sans quoi nous serions encore 95% à travailler dans l’agriculture, et notre niveau de vie serait celui du Moyen-âge.

Libérer les talents

Il y a enfin l’idée d’une inégalité dans la concurrence, en raison des faibles salaires des pays pauvres : « dumping social ». Mais précisément la concurrence n’existe que par les différences. Va-t-on harmoniser les salaires (qui d’ailleurs évoluent à toute vitesse dans les pays émergents), ou les heures d’ensoleillement, ou les dotations en ressources naturelles?

Penser qu’une France ouverte sera laminée, battue d’avance, signifie qu’elle est peuplée d’incapables, ce qui n’est pas le cas. La vraie question n’est pas de fermer nos frontières, mais de permettre aux Français d’exprimer et de cultiver leurs talents, en les libérant des règles sociales, administratives et fiscales étouffantes. Charges sociales qui diminuent la compétitivité ? Réformer la Sécurité Sociale. Manque d’investissements, fuite des cerveaux ? Réformer la fiscalité. Agitation sociale et paralysie des services publics ? Supprimer les privilèges syndicaux.

Il est donc inutile d’aller chercher dans le protectionnisme une solution à la crise qui ne se trouve que dans les réformes dont la France a besoin. La mondialisation n’est pas là pour nous ruiner, mais pour nous stimuler.

Certes, la France n’est pas le seul pays où le protectionnisme est à l’honneur : les Chinois manipulent leur monnaie, le Congrès américain a adopté de nouveaux droits de douane et réserve les marchés publics aux entreprises nationales, les Russes viennent de prendre 172 mesures protectionnistes. Cependant, le commerce mondial depuis 2009 ne cesse de tirer la croissance mondiale. Un retour à des négociations de libre échange devrait éviter la guerre économique des années 1929-1939 qui a conduit au chômage massif et à la deuxième guerre mondiale. Aujourd’hui comme hier, en France comme ailleurs, la seule réponse à la crise, c’est un surplus de liberté. L’autre voie, c’est celle de la Corée du Nord.

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