Monnaie et finances : de l’orthodoxie à l’expansionnisme

Aujourd’hui, face à la crise, sont opposées, dans les médias, par les politiciens et les éditorialistes, la relance et la rigueur. Sauf que nous sommes déjà dans une politique de relance

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Monnaie et finances : de l’orthodoxie à l’expansionnisme

Publié le 9 mai 2012
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Aujourd’hui, face à la crise, sont opposées dans les médias, par les politiciens et les éditorialistes, la relance et la rigueur. Sauf que nous sommes déjà dans une politique de relance. La politique économique de ces dernières années, loin d’avoir été orthodoxe, a consisté en un soutien constant à l’économie, sous la forme du crédit et du déficit budgétaire.

Par Vladimir Vodarevski.

L’histoire économique est souvent simplifiée, et schématisée. Ainsi, la période de l’après deuxième guerre mondiale est généralement présentée comme l’application réussie des théories keynésiennes, suivie du retour à l’orthodoxie dans les années 1980. Pourtant, la réalité est bien différente. Le sujet a déjà été évoqué dans l’article Éléments d’histoire économique contemporaine: sortir des poncifs. Il sera ici question du caractère expansionniste de la politique monétaire.

L’histoire « officielle » explique qu’après la seconde guerre mondiale, une politique expansionniste a été menée, selon les principes du keynésianisme. Que les États pouvaient gérer leur monnaie comme ils le souhaitaient, une dévaluation permettant de relancer l’économie. Et personne ne se souciait de l’inflation, ni des déficits budgétaires. A contrario, la crise des années 1970 a remis à l’honneur les politiques orthodoxes. C’est-à-dire que les objectifs sont la lutte contre l’inflation, et la rigueur budgétaire, les déficits devant être résorbés.

Cependant, en réalité, contrairement à ce qui est généralement laissé entendre, les politiques monétaires et budgétaires n’ont jamais été aussi expansionnistes, en Europe, que depuis l’avènement de l’euro, et aux USA, depuis depuis l’arrivée d’Alan Greenspan à la tête de la Federal Reserve, la banque centrale US.

La période de l’après guerre est placée sous les auspices des accords de Bretton Woods. Keynes a dû plier face aux USA. C’est une vision orthodoxe de la monnaie qui s’impose. Le dollar est le nouvel étalon monétaire. Il devient la seule monnaie convertible en or. Les autres monnaies sont valorisées par rapport au dollar. Il s’agit donc d’un système d’étalon or indirect.

Concrètement, cela signifie que la Banque de France, par exemple, doit toujours détenir suffisamment de dollars pour payer les échanges extérieurs. Le système contraint donc la création monétaire. Car trop de création monétaire pourrait entraîner trop d’importation et donc trop de dépenses en dollars (cf. Le plan du gouvernement contre la crise financière (et explications sur le fonctionnement du crédit bancaire et la création monétaire) pour comprendre la création monétaire). Le gouvernement ne pouvait donc pas utiliser le crédit pour relancer l’économie. Le financement même de la dépense publique n’était pas aussi simple qu’aujourd’hui.

En 1971, le président Nixon suspend la convertibilité du dollar en or. Les USA n’étaient plus capable d’assurer cette convertibilité. Trop de dollars ont été créés, par rapport à l’or détenu. La monnaie avait été mal gérée. Une période de flottement s’instaure. D’un côté, la libre cotation des monnaies s’impose. D’un autre, les européens n’ont de cesse de créer un mécanisme de change fixe, qui sera d’abord le serpent monétaire. Ce qui débouchera sur l’euro.

Dans les années 1970 et 1980, le problème qui s’impose aux autorités monétaires est l’inflation des prix à la consommation. Il sera donc mis en œuvre des politiques de lutte contre cette inflation, par Paul Volcker notamment, quand il était président de la Federal Reserve. Mais, ensuite, quand le risque inflationniste s’éloigne, la politique expansionniste prend ses quartiers.

Cette politique est permise par la fin de l’étalon or. Les banques centrales peuvent autoriser la création monétaire sans limite. Et elles ne s’en privent pas. La Fed a ainsi soutenu l’économie US, tandis que le gouvernement fédéral encourageait le crédit aux plus pauvres.

En Europe, la Bank of England a également encouragé le crédit. Et même la BCE, la banque centrale européenne. Officiellement, cette dernière a un objectif d’inflation. Et elle n’avait pas à prendre de mesures particulière car l’inflation était globalement sous contrôle, sauf dans certains pays de la zone. Cependant, si elle avait vraiment voulu mettre en œuvre un objectif d’inflation, elle aurait limité l’accroissement de la masse monétaire, conformément aux principes du monétarisme, ou de la théorie quantitative de la monnaie. Une fois que l’inflation se déclare, il est trop tard. Or, la BCE n’a pas appliqué les théories dites orthodoxe du monétarisme, laissant la masse monétaire s’accroître sans contrôle. Elle a validé la politique expansionniste.

L’euro a également facilité le financement de la dette souveraine. Auparavant, en cas de déficit prolongé, les États devaient faire appel à l’épargne nationale, ce qui coûtait plus cher. Aujourd’hui, ce sont les marchés qui financent la dette, à un taux très avantageux. En élargissant le marché de la dette, l’euro a grandement facilité le financement de la dette française. Avant, elle était réduite à la zone franc. Aujourd’hui, avec l’euro, c’est toute la zone euro qui a intérêt à investir dans la dette française. Un emprunt national reviendrait plus cher aujourd’hui qu’emprunter sur les marchés financiers.

Ce qui s’est traduit par un accroissement de la dette, un taux d’intérêt faible, et a permis les déficits permanents des différents États européens (les USA bénéficiaient déjà de telles conditions). En clair, aux USA, au Royaume Uni, et dans la zone euro, les pays ont mené une politique expansionniste : le crédit et la dépense publique pour stimuler la croissance. Ce qu’ils ne pouvaient pas faire sous Bretton Woods.

Aujourd’hui, face à la crise, sont opposées dans les médias, par les politiciens et les éditorialistes, la relance et la rigueur. Sauf que nous sommes déjà dans une politique de relance. La politique monétaire est toujours expansionniste, avec des taux bas. La Federal Reserve finance la dette US, de même que la BCE, qui le fait indirectement, en fournissant des liquidités aux banques de la zone euro, et en acceptant de la dette souveraine en contrepartie. Et les déficits budgétaires ont explosé.

La politique économique de ces dernières années est donc loin d’avoir été orthodoxe. Elle a consisté en un soutien constant à l’économie, sous la forme du crédit et du déficit budgétaire. D’autre part, la politique de l’après guerre n’était pas si expansionniste. En termes de politique monétaire, elle revenait vers une certaine orthodoxie. Même si le système était bancal, rien ne pouvant réellement obliger les USA à bien gérer leur monnaie.

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  • Tout à fait d’accord avec cet article.
    Je ne supporte plus d’entendre que la « rigueur » est en train de nous tuer alors même qu’il n’y a aucune rigueur.

    De même, je ne supporte plus d’entendre que la rigueur ne mène qu’à la récession car c’est faux… à moyen et long terme.
    En effet, il est normal qu’à très court terme, la rigueur soit « néfaste » au PIB puisqu’on coupe le système « brutalement ». La réaction (exactement la même que celle qu’aurait un drogué à l’arrêt brutal de consommation de drogue) est tout d’abord mauvaise. Le temps que l’économie se réorganise selon la nouvelle donne, il est normal de traverser une période difficile, plus ou moins longue.

    Sauf que la VRAIE CAUSE vient de la prise de drogue (dette, expansion monétaire), et pas de l’arrêt de la drogue (rigueur).

    De plus, plus on tardera à appliquer la rigueur et plus la période difficile sera longue et douloureuse. Il est même possible qu’elle mène à la faillite totale.

    Il ne me reste donc que peu d’espoir concernant la France en particulier et la zone euro en général…

    • « De même, je ne supporte plus d’entendre que la rigueur ne mène qu’à la récession car c’est faux… à moyen et long terme.
      En effet, il est normal qu’à très court terme, la rigueur soit « néfaste » au PIB puisqu’on coupe le système « brutalement ». La réaction (exactement la même que celle qu’aurait un drogué à l’arrêt brutal de consommation de drogue) est tout d’abord mauvaise. Le temps que l’économie se réorganise selon la nouvelle donne, il est normal de traverser une période difficile, plus ou moins longue. »
      – Ce serait vrai si la croissance ne dépendait pas à 70% voir plus de la demande intérieure, si on tue la croissance à court terme, le résultat sera le remplacement des entreprises en place (qui auront fait faillite) par des entreprises étrangère.
      Ces entreprises étrangère s’accapareront le marché et il sera difficile pour de nouvelles structures de se mettre en place.
      A moins:
      – De faire du soutien aux nouvelles entreprises, ce qui aura comme conséquence d’annuler l’effet de la rigueur.
      – De faire du protectionnisme, ce qui aura comme conséquence de limiter la concurrence et des réactions étrangères protectionniste qui feront que les société exportatrice feront également faillite (plus rien à vendre dedans ou dehors).
      – De réduire les salaires au niveau de ceux du/des pays qui importe ses produits (ce qui aura un effet sur la demande intérieur et rebelote).
      Donc si on veut faire de la rigueur, il faut qu’elle soit progressive, à long terme et en période de croissance, sinon elle est contreproductif.

  • Ce texte semble marteler une ânerie dangereuse.

    Ce texte affirme que la création monétaire par la banque centrale aurait pour effet de «stimuler l’économie».

    Or la création de monnaie par la banque centrale a exactement les mêmes effets que l’impression de faux billets par n’importe quel faux-monnayeur: il s’agit simultanément d’une escroquerie et d’une extorsion de fonds. Et comme c’est effectué par une administration publique, il s’agit d’un impôt déguisé. Ce phénomène est connu depuis fort longtemps, voir par exemple http://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_à_M._l’abbé_de_Cicé,_depuis_évêque_d’Auxerre,_sur_le_papier_supplée_à_la_monnaie

    Or, répétons-le : ceux qui affirment que le grand banditisme stimule la croissance sont des menteurs. En réalité, le grand banditisme feine fortement la croissance.

    • Pas question de défendre la croissance à crédit. Je souligne que nous sommes justement en plein dedans, alors que l’on prétend que l’orthodoxie mène le monde, et que l’on réclame une relance : nous sommes en pleine relance… et en crise. Quand j’écris que l’expansionnisme a été mis en place pour stimuler la croissance, cela ne signifie pas que j’adhère à cette thèse. Je n’ai pas été assez précis, désolé.

  • Les commentaires sont fermés.

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Charles-Henri Colombier est directeur de la conjoncture du centre de Recherche pour l’Expansion de l’Économie et le Développement des Entreprises (Rexecode). Notre entretien balaye les grandes actualités macro-économiques de la rentrée 2024 : rivalités économiques entre la Chine et les États-Unis, impact réel des sanctions russes, signification de la chute du PMI manufacturier en France, divergences des politiques de la FED et de la BCE...

 

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