22 avril 2012, un choix cornélien pour le premier tour

Avec une telle brochette de champions, le grand vainqueur de ce premier tour est déjà connu: l’abstention. La tentation sera grande pour les Français de consacrer leur dimanche à une occupation plus essentielle que l’élection du prochain président.

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22 avril 2012, un choix cornélien pour le premier tour

Publié le 20 avril 2012
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Avec une telle brochette de champions, le grand vainqueur de ce premier tour est déjà connu: l’abstention. La tentation sera grande pour les Français de consacrer leur dimanche à une occupation plus essentielle que l’élection du prochain président.

Par Stéphane Montabert, de Renens, Suisse.

Face à l’échéance électorale de dimanche, le citoyen français est face à un choix délicat. D’habitude, on exprime les dilemmes sous forme d’alternatives, comme Charybde et Scylla, mais ici, l’électeur affronte pas moins de dix petits monstres à la fois, tous plus agressifs, pathétiques et incompétents les uns que les autres. Pas facile de se décider, en effet.

Avec une telle brochette de champions, le grand vainqueur de ce premier tour est déjà connu : l’abstention. La tentation sera grande pour les Français de consacrer leur dimanche à une occupation plus essentielle que l’élection du prochain président – comme passer un peu de temps avec leur famille, par exemple.

L’élection est d’autant moins importante que même si les programmes se suivent et se ressemblent d’une échéance à l’autre, il n’y en aura en réalité qu’un seul applicable au lendemain du second tour : la rigueur, matin, midi et soir. Alors, à quoi bon voter pour les promesses de Jacques, de Nathalie ou de Philippe en sachant que le résultat sera le même ? La situation de la France ne fait plus guère illusion et en fin de compte, que ce soit en hausse des prélèvements ou en baisse des prestations, tout l’inventaire va y passer.

Mais enfin, pour les irréductibles inexplicablement accrochés à leur « devoir civique », il faut bien se décider à choisir quelqu’un. Pour ceux-là, voici ma modeste analyse.

Mélenchon, Bayrou et les autres candidats rigolos

Le premier tour d’une élection présidentielle est une kermesse où se côtoient, sur un pied d’égalité, tous ceux qui ont réussi à obtenir les fameuses 500 signatures de maires. La tentation est grande de voter pour le plaisir. Cela donne aux « grands » une indication de la façon dont l’électorat se comporte. Les « petits », eux, peuvent monnayer leur soutien au second tour en échange d’un renvoi d’ascenseur, comme un maroquin de ministre.

Gageons qu’entre Nathalie Arthaud (trotskyste), Nicolas Dupont-Aignan (souverainiste), Philippe Poutou (trotskyste), Eva Joly (trotskyste écologiste) et Jacques Cheminade (gaulliste), rares seront ceux à franchir la barre fatidique des 5%.

Seuls Jean-Luc Mélenchon et François Bayrou sortent du lot. Le premier a su habilement créer le buzz pour se présenter en leader de l’extrême-gauche, aussi étonnante soit cette hypothèse pour un politicien du sérail, sénateur pendant vingt ans, tardivement reconverti au militantisme forcené. Mais à part éructer contre le système, il n’y a pas grand-chose à attendre de sa candidature. Son score risque d’être décevant, malgré les sondages: dans le secret de l’isoloir, les sympathisants gauchistes savent bien qu’un candidat de leur bord se doit d’arriver au second tour, et que François Hollande a infiniment plus de chances de parvenir au poste suprême. Tout révolutionnaires qu’ils soient, les supporters de Jean-Luc Mélenchon ne supporteraient pas d’endosser le rôle de ceux qui ont offert à Nicolas Sarkozy sa réélection sur un plateau.

Ce n’est pas la même chose pour François Bayrou, dont la position modérée le verrait vainqueur au second tour dans n’importe quelle configuration. Problème, aucune chance qu’il parvienne jusque-là. Sa longue traversée du désert ne l’a pas laissé indemne. Il n’a pas d’élus, guère de moyens, son parti est faible et divisé. L’espace politique qu’il occupait a été promptement broyé par Nicolas Sarkozy dès le début de son mandat, ce dernier orientant sa politique résolument à gauche afin qu’aucune place ne subsiste entre le PS et l’UMP.

La tentation de la Marine

Entre Jean-Luc Mélanchon et Marine Le Pen, qui incarnera le mieux le coup de pied dans la fourmilière ? Le dégoûté de gauche penchera pour le premier, le dégoûté de droite pour la seconde. Mais, outre le fait qu’il y a à droite bien plus de gens écoeurés par Nicolas Sarkozy que d’électeurs de gauche remontés contre François Hollande, l’héritière de la famille Le Pen bénéficie du précédent historique du 21 avril 2002, où, à la surprise générale, son père se retrouva au second tour contre Jacques Chirac.

Autrement dit : l’effet de surprise est éventé depuis dix ans.

Depuis 2002, la gauche se fait un devoir d’assurer le service minimum en arrivant au second tour, quitte à y échouer lamentablement. D’ailleurs, cinq ans après l’incident, Jean-Marie Le Pen obtint à peine plus de 10% des suffrages. L’histoire ne repasse pas les plats.

Marine Le Pen table sur une honorable troisième place. Si par accident elle devait éliminer un favori, l’exemple historique nous suggère que rien ne changera : la candidate du Front National sera ostracisée et le rescapé plébiscité. Il n’y aurait pas de débat télévisé. Le Front National ne deviendra pas un parti fréquentable. Tout ce que la place compte de chroniqueurs et d’éditorialiste s’empressera d’effacer ce pénible épisode de sa mémoire.

En fait, comme en 2002, une réussite du candidat du Front National privera simplement le peuple français d’un véritable second tour.

Bienvenue en Sarkhollande

Selon toute vraisemblance l’élection présidentielle de 2012 se jouera comme d’habitude dans un ennuyeux duel entre l’UMP et le PS, Nicolas Sarkozy contre François Hollande. Vue de Suisse, la différence entre les candidats est ténue. Pourtant, et malgré tout les griefs que je peux éprouver envers l’un et l’autre, il me semble préférable d’opter pour François Hollande.

Ne croyez pas un instant que je pense qu’il fera un bon président ou que son programme a le moindre sens. Mon point de vue est strictement pragmatique. Je pense que François Hollande doit remporter ces élections pour deux raisons.

La première, et pardonnez-moi ce truisme, est qu’une victoire de François Hollande implique une défaite de Nicolas Sarkozy. Or, il est essentiel que Nicolas Sarkozy perde. Elu en 2007 sur un programme de droite, vaguement responsabilisant et poussant timidement la France dans la direction des réformes, il n’a cessé de décevoir son électorat, de pencher toujours plus à gauche et de finalement trahir l’immense espoir sur lequel il a été élu. Il a fâché jusque dans sa propre majorité. Les Français avaient choisi un réformateur, ils se sont retrouvés avec l’héritier frénétique de Jacques Chirac.

Nicolas Sarkozy a passé son temps à créer de nouveaux impôts et taxes, à nommer ses prétendus adversaires politiques à des postes à responsabilité (on pense non seulement à ses ministres socialistes, mais aussi à Dominique Strauss-Kahn à la présidence du FMI), à renoncer à réformer en profondeur la fonction publique, la sécurité sociale, les retraites, le droit du travail. Sous sa direction, la France a perdu des rangs de compétitivité, son triple-A, et s’est vu gratifiée d’un million de chômeurs supplémentaire.

Ce président demandait en début de mandat à être jugé sur ses résultats : ils sont sous nos yeux. Nicolas Sarkozy ne doit pas être réélu. S’il est reconduit à la présidence, cela signifiera que les citoyens français auront perdu les derniers vestiges de crédibilité dont ils disposent encore auprès de leur classe politique. Il n’est pas certain que l’échec du président sortant amène à une remise en question salutaire, mais s’il accède à un second mandat, on peut être sûr que celle-ci n’aura pas lieu.

La seconde raison de choisir François Hollande, c’est que l’expérience empirique montre que lorsque la rigueur survient, un président et un gouvernement de gauche sont plus à même de faire passer la pilule des réformes auprès de leurs administrés.

La France va changer dans les cinq ans qui viennent, et dans une direction tout autre que celle chantée par les candidats. Si les changements sont prônés par un gouvernement de droite, les blocages seront terribles : à la résistance acharnée contre la remise en cause des « droits acquis » s’ajoutera la lutte contre l’adversaire politique. La minorité de gauche ne sera que trop contente de miner l’effort entrepris en versant dans la surenchère irresponsable : cette rigueur n’est pas nécessaire, le président est à la solde de la finance apatride, etc.

Si les changements sont prônés par un gouvernement de gauche, en revanche, les centrales syndicales seront en porte-à-faux ; le soutien de la minorité de droite n’est pas impensable ; les forces de gauche seront en ordre d’autant plus dispersé que la plupart des formations politiques de ce bord se seront empressées de participer au nouveau gouvernement. Des réformes prises au nom du réalisme et de l’urgence pourraient passer, malgré des protestations symboliques. Après tout, si même des socialistes proposent une réduction du poids de la fonction publique, c’est qu’il n’y a vraiment plus d’autre choix.

Voilà pourquoi – toutes choses étant relatives – l’élection probable de François Hollande est la moins pire des solutions, même s’il est choisi par les citoyens français pour tout un tas de mauvaises raisons!

Moi ? Je ne voterai pas, puisque Frédéric Bastiat n’a pas réussi à obtenir ses 500 signatures.

Sur le web

Lire le dossier spécial présidentielle de Contrepoints

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  • La rigueur est -elle réellement la seule solution ?

    Que peut-on attendre de l’Europe ? Est-ce que si demain on avait un pays Européen (par exemple, un pays avec tous ceux qui ont l’euro), on pourrait avoir d’autres « réponses » que la rigueur ?

    • Ce n’est pas tant une « solution » qu’une conséquence. Quand on n’a plus d’argent, on ne peut plus dépenser.

    • Il faut de la rigueur, mais aussi des réformes pour avoir la croissance. Il faut baisser la dépense publique et Il faut revoir complètement notre modèle associal pour relancer l’emploi.
      L’un et l’autre vont de pair.

    • @Question : que peut-on attendre de l’Europe ? Qu’elle ajoute une couche de complexité au problème, et qu’elle augmente la taille de la pile d’ennuis qui nous attend. Bref, rien de très bon.

  • Article très instructif, merci.

  • Dépenser autant d’argent qu’on en a, tout en remboursant ce qu’on doit, ce n’est pas de la rigueur, c’est du bon sens.

    Seulement, pour rembourser ce qu’on doit, sans étouffer l’économie (ce qui nous amènerait aussi lentement que sûrement un mélenpen au pouvoir) il faut faire des choix et ces choix sont libéraux.

    À de rares exceptions près (UK, USA), ce sont toujours des gouvernements de gauche qui ont fait passé des réformes libérales (NZ, Italie, Allemagne).

    Courage votons ! Au pire, ce pays est ruiné par un fou furieux et c’est le libéralisme qui s’impose, au mieux, c’est un malade mental qui impose des mesures libérales avant qu’on ne nous les imposent de l’extérieur.

    Quand au vrai et total libéralisme, il faudra dégager un candidat pour la prochaine fois et voter pour lui (ou elle).

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